Caroline Gillet, la journaliste responsable du podcast "Outside Kaboul", explique sa démarche dans l'émission Tout un monde de la RTS: "Tout se faisait à distance. Et ça m'a surpris à quel point la note vocale pouvait être puissante. Le fait que je ne sois pas près d'elles, ça a permis, je pense, de libérer une parole."
"Parce que finalement, elles étaient seules avec leur téléphone à devoir décrire ce qu'elles voyaient, à devoir elles-mêmes penser à ce qu'elles allaient enregistrer, ce qu'elles allaient raconter. Si moi j'avais été chez elles et que j'avais décrit ce que je voyais, ça n'aurait pas eu la même force."
Du recul sur nos façons de vivre
Marwa, la première des deux soeurs à quitter l'Afghanistan, est surprise à son arrivée en France. Elle voit les plantes et les animaux domestiques dont on prend grand soin dans nos appartements. Et en même temps, elle voit des prostituées dans la rue. Ce contraste la choque.
Caroline Gillet explique que son podcast permet ainsi de prendre du recul sur notre propre mode de vie. "Ca peut être riche, je pense, d'avoir quelqu'un qui vient de l'extérieur et qui nous permet d'avoir un regard frais sur certaines choses et notamment sur certaines contradictions. Et peut-être qu'on peut se poser des questions sur ces femmes qu'on laisse dans la rue. Pourquoi c'est comme ça?"
Il y avait des jours où Raha m'écrivait pour me dire, c'est bon, je pars, c'est important. Et puis le lendemain, elle me disait: je ne peux pas, c'est trop difficile.
Raha a désormais rejoint l'Europe elle aussi. Le podcast permet de documenter sa prise de décision de quitter l'Afghanistan, un processus long et douloureux. A travers son témoignage, on suit le dilemme entre rester dans un pays où il n'y a pas d'avenir pour elle ou choisir l'exil, au risque de ne plus jamais revoir ses parents.
"Il a fallu beaucoup de temps. Il y avait des jours où elle m'écrivait pour me dire, c'est bon, je pars, c'est important. Et puis le lendemain, elle me disait: je ne peux pas, c'est trop difficile", décrit Caroline Gillet.
Des questions déontologiques
Cette deuxième saison met aussi l'accent sur les questions déontologiques que peut poser le travail documentaire sur le long cours. Il interroge aussi la place occupée par les nouveaux dispositifs, notamment les notes vocales.
"Ca nous oblige, en tant que journaliste, à réfléchir à nos pratiques et à peut-être changer certaines choses. Quelle est notre responsabilité quand on met des jeunes filles en danger à cause d'un podcast? Est-ce qu'on les aide à sortir? Normalement, on n'est pas vraiment censé intervenir en tant que journaliste, mais on ne peut pas non plus les laisser là. C'est aussi un podcast sur ces questions-là", conclut Caroline Gillet.
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey
Version web: Antoine Schaub