Philippe Lazzarini: "L'UNRWA n'a pas le mandat de voir ce qu'il se passe sous la bande de Gaza"
Déjà sous le feu des critiques suite aux accusations d'Israël de l'implication de douze membres de l'UNRWA dans l’attaque terroriste du 7 octobre, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens est à nouveau dans la tourmente après la découverte d'un tunnel du Hamas sous son siège dans la ville de Gaza.
Invité dans l'émission Forum, le patron de l'UNRWA Philippe Lazzarini dit avoir demandé qu'une enquête internationale soit ouverte à la fin des hostilités militaires. "Nous avons besoin de faire toute la lumière sur ce qui s'est passé", affirme-t-il. Philippe Lazzarini se dit également inquiet du fait que "plus de 150 bâtiments des Nations unies ont été endommagés".
"Plusieurs d'entre eux ont été utilisés à des fins militaires, tant de la part du Hamas que de l'armée israélienne", indique-t-il. "Et il ne faut pas oublier que depuis le début de la guerre, plusieurs centaines de personnes ont été tuées dans les bâtiments des Nations unies, alors que ces bâtiments devraient protéger les civils."
Pas d'expertise militaire
Si le patron de l'UNRWA ne peut pas garantir qu'il n'y a aucun membre du Hamas infiltré au sein de son organisation, il assure avoir pris toutes les mesures nécessaires et rappelle que "l'UNRWA n'a pas le mandat de voir ce qu'il se passe sous la bande de Gaza".
"Nous n'avons pas l'expertise sécuritaire et militaire, mais à chaque fois que nous avons découvert des cavités, nous avons protesté auprès du Hamas et également informé les Israéliens", dit-il. "Et à chaque fois que les Israéliens ont fait part d'inquiétudes par rapport à des tunnels, je leur ai demandé de nous indiquer où ces tunnels se trouvent et jusqu'à ce jour, nous n'avons pas reçu de réponse", ajoute Philippe Lazzarini.
Des accusations prises au sérieux
Le Neuchâtelois assure également avoir pris très au sérieux les accusations à l'encontre des douze membres de l'UNRWA soupçonnés d'avoir participé à l'attaque 7 octobre. "Nous avons immédiatement mis en place une enquête interne", affirme-t-il. "C'est une revue de toutes les politiques de la gestion des risques et des questions de neutralité qui va commencer et nous attendons des recommandations pour nous dire quel système a besoin d'être amélioré."
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Pour certains observateurs, le licenciement des employés soupçonnés d'avoir collaboré avec le Hamas indique que l'UNRWA estime possible que l'agence onusienne ait été infiltrée par le Hamas, mais Philippe Lazzarini insiste sur le fait que cette décision n'a été prise qu'"en raison de la gravité des accusations".
"La raison principale, c'est d'essayer de préserver la réputation de l'organisation, mais également la capacité de continuer de délivrer nos services pour les Palestiniens", affirme-t-il.
L'importance de l'UNRWA soulignée
Philippe Lazzarini estime en effet que l'UNRWA est essentielle et que son démantèlement affaiblirait la réponse humanitaire sur place. "Je ne vois pas qui peut remplacer l'UNRWA durant une période de transition, c'est-à-dire la période entre la fin des hostilités militaires et le jour d'après", déclare-t-il, rappelant qu'il y a à Gaza "un demi-million d'enfants qu'il faut remettre dans un système éducatif".
"Il faut veiller à ne pas sacrifier une génération et plus on attendra pour les remettre dans un système éducatif, plus on va semer les graines de la haine, du ressentiment et de la revanche dans le futur. Et ce n'est certainement pas la meilleure recette pour promouvoir la paix et la sécurité", affirme-t-il.
Interrogé dans le 19h30 de la RTS sur la collaboration de l'UNRWA avec le Ministère de l'éducation de l'Autorité palestinienne, Philippe Lazzarini assure que les écoles de Gaza ne sont pas pro-Hamas mais qu'elles enseignent un "curriculum des droits de l'homme" et promeuvent la pensée critique.
Il admet toutefois que plusieurs manuels scolaires comportent des attaques très dures contre Israël. "Certains éléments doivent être adressés, mais dans cette région qui est très divisée, il y a un narratif palestinien et il y a un narratif israélien que l'on n'arrive pas à réconcilier", explique-t-il. "Mais nous avons également un narratif de la communauté internationale et c'est ce qui est enseigné dans nos écoles."
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Le chef de l'UNRWA estime également que les critiques envers l'organisation sont parfois motivées par des intérêts politiques. "Eliminer l'UNRWA, pour certains, c'est éliminer la question du statut de réfugié", explique-t-il. "Mais éliminer le statut de réfugié signifie aussi compromettre les chances de l'autodétermination des Palestiniens à l'avenir, donc il y a un véritable enjeu politique."
Propos recueillis par Thibaut Schaller et Philippe Revaz
Adaptation web: Emilie Délétroz