Plus de 200 désistements pour tenter de contrer le RN lors du second tour des législatives françaises
Le dépôt des candidatures, clos officiellement mardi à 18h, donne une vision claire de la physionomie de ces élections historiques, provoquées par la dissolution choc de l'Assemblée nationale le 9 juin par le président Emmanuel Macron.
Majoritairement de gauche (127) ou du camp macroniste (81), les candidats qui ont annoncé leur retrait étaient pour la plupart arrivés troisièmes au premier tour dans une circonscription où le Rassemblement national (RN) était en tête au premier tour. Au total, avec les plus de 210 désistements recensés par l'AFP, seulement une grosse centaine de triangulaires et quadrangulaires, à savoir lorsque trois ou quatre candidats sont qualifiés pour le second tour, ndlr), subsistent, sur les 311 qui étaient annoncées dimanche dernier.
Souvent sans enthousiasme, ces retraits visent à empêcher le RN et ses alliés de former un gouvernement qui serait historique, l'extrême droite n'ayant jamais été au pouvoir dans le pays depuis la Seconde Guerre mondiale.
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Une majorité absolue pas garantie
La plupart des projections en sièges réalisées ces derniers jours indiquent que le RN peinera au final à atteindre la majorité absolue de 289 députés. Les analystes privilégient le scénario de trois blocs à l'Assemblée (extrême droite, gauche, macronistes), ce qui pourrait rendre le pays ingouvernable, alors qu'il s'apprête à accueillir les Jeux olympiques.
Selon Mathieu Gallard, directeur d'études à l'institut Ipsos, ces désistements ne sont "pas une très bonne nouvelle pour le Rassemblement national". "Les triangulaires lui étaient, à priori, beaucoup plus favorables que les duels, parce qu'il y a des reports de votes des électeurs des candidats éliminés au premier tour qui ne se font majoritairement pas en sa faveur", analyse-t-il dans l'émission Forum, misant "plutôt sur un scénario de majorité relative" pour le RN après le scrutin de dimanche.
Le président du RN Jordan Bardella, promis au poste de Premier ministre en cas de majorité absolue RN, a dénoncé des "alliances du déshonneur" et appelé les électeurs à lui donner les clés du pouvoir "face à la menace existentielle pour la nation française" que représente, selon lui, la gauche.
La figure de proue de l'extrême droite Marine Le Pen a de son côté évoqué la possibilité de former un gouvernement avec une majorité relative de 270 députés, complétée avec des soutiens, "par exemple divers droite, divers gauche, quelques LR" (Les Républicains).
Un président affaibli
Emmanuel Macron a affirmé pour sa part lundi à ses ministres que "pas une voix" ne devait aller au RN. Une manière de répondre à ceux qui, dans sa majorité et à l'instar du ministre de l'Economie Bruno Le Maire, renvoient dos-à-dos le RN et La France insoumise (LFI), le parti de gauche radicale.
Mais la voix du président français ne porte plus dans son propre camp, qui lui reproche l'échec cinglant du premier tour et sa relégation en troisième position, loin derrière le RN et la gauche.
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Le chef de l'Etat, attendu pour le sommet de l'Otan à Washington la semaine prochaine juste après le scrutin, est également affaibli sur la scène internationale, qui scrute avec attention ou inquiétude le résultat de dimanche.
Une coalition envisagée
La journée de mardi a également vu une passe d'armes entre Marine Le Pen et la présidence française. Double finaliste de la présidentielle face à Emmanuel Macron en 2017 et 2022, Marine Le Pen a mis en garde contre un éventuel "coup d'Etat administratif" du camp présidentiel, accusé de vouloir procéder à une vague de nominations avant une éventuelle cohabitation, notamment à la tête de la police et de la gendarmerie.
En réponse, l'Elysée l'a appelée à faire preuve de "sang froid" et de "mesure".
Si le RN ne pouvait gouverner, les macronistes, une partie de la gauche et certains LR pourraient bâtir une "grande coalition", courante dans d'autres pays européens, mais étrangère aux traditions politiques françaises. Le Premier ministre Gabriel Attal a ainsi parlé d'une "Assemblée plurielle", le LR Xavier Bertrand évoquant de son côté un "gouvernement de sursaut national".
Mais un représentant de la gauche radicale, Manuel Bompard, a exclu que LFI participe à une telle coalition. "Les Insoumis ne gouverneront que pour appliquer leur programme, rien que le programme mais tout le programme", a-t-il affirmé.
afp/iar