Dans un pays qui tente de sortir de deux années de crise du coût de la vie et dont les services publics sont à genoux, le chef du gouvernement travailliste était appelé par beaucoup au sein de son parti à insuffler un peu d'optimisme, après avoir passé ses premières semaines à Downing Street à faire un tableau très noir du bilan laissé par les Tories.
"Ne vous trompez pas, le travail de changement a commencé", a lancé Keir Starmer aux milliers de militants présents à Liverpool (nord-ouest de l'Angleterre), énumérant les premières mesures de son gouvernement pour la transition énergétique, le contrôle de l'immigration illégale, la construction de logements et l'amélioration des transports.
Nous sommes une grande nation, personne n'en doute
Keir Starmer a fait un effort pour adopter un ton plus optimiste, promettant "la lumière au bout du tunnel". Il s'est engagé à "changer" le pays "brique par brique", comme il a changé le Labour depuis qu'il en a pris les rênes, en 2020, pour aboutir à sa large victoire aux législatives du 4 juillet dernier.
"Faites-moi confiance, nous sommes une grande nation, personne n'en doute. Une nation connue pour sa créativité, ses talents artistiques, ses génies scientifiques et bien sûr son pragmatisme. Des qualités qui, grâce à nos industries, ont permis de réécrire l'histoire de ce pays et aussi celle du monde. Nous pouvons le faire à nouveau", a-t-il lancé à ses militants.
"Keir Starmer n'a jamais été un leader populaire"
A Liverpool, cela faisait 15 ans que le Labour n'avait pas tenu un congrès annuel en étant au gouvernement. Mais Keir Starmer, dont la popularité est déjà en berne selon les sondages — un quart des électeurs approuvent son action et 23% se disent déçus, selon un sondage YouGov —, n'a pas abandonné le message de sérieux et de prudence auquel il s'astreint depuis son arrivée à Downing Street, fustigeant "la politique des réponses faciles" de ses prédécesseurs.
Cette dégringolade dans les sondages ne surprend pas l'expert John Curtice. "Sir Keir Starmer n'a jamais été un leader populaire. Il a profité d'une petite embellie après sa victoire aux élections, mais sa courbe de popularité est retombée", analyse-t-il dans l'émission Tout un monde.
John Curtice pointe du doigt deux points faibles du Premier ministre actuel, pouvant expliquer cette chute dans les sondages. "Tout d'abord, il ne parvient pas vraiment à construire un narratif politique: à quoi sert le Labour? Quelle est sa feuille de route? Quelle est sa vision pour le Royaume-Uni? Il n'a pas non plus toujours un bon flair politique, comme on a pu le constater ces dernières semaines."
Entre polémique et désaveu
Répondant aux critiques sur certaines premières mesures prises par son gouvernement, notamment la suppression d'un chèque énergie pour les retraités, Keir Starmer a affirmé qu'il avait un "devoir" de prendre "les décisions nécessaires" pour le pays.
Mercredi, les militants du parti travailliste ont infligé un désaveu embarrassant au gouvernement en votant pour le rétablissement de ce chèque énergie. Le résultat du vote, bien que non contraignant pour le gouvernement, reste délicat pour Keir Starmer dans le cadre de sa politique d'austérité.
"J'ai changé le parti travailliste pour le remettre au service des travailleurs. Et c'est exactement ce que nous ferons pour le Royaume-Uni. Mais je ne le ferai pas avec des réponses faciles. Je ne le ferai pas avec de faux espoirs", a-t-il prévenu, se disant prêt à assumer des décisions "impopulaires".
"Ce sera dur à court terme, mais à long terme, c'est la bonne chose à faire pour notre pays", a-t-il insisté, au moment où son gouvernement est empêtré dans une polémique sur les cadeaux (vêtements, places de concert et de matches de football, etc) reçus par plusieurs de ses membres, dont Keir Starmer lui-même.
Un budget qui s'annonce douloureux
Le futur budget, qui sera présenté le 30 octobre, sera une étape cruciale, même si Keir Starmer a déjà prévenu depuis des semaines qu'il serait "douloureux".
Revenant sur les émeutes d'extrême droite qui ont secoué le pays cet été, il a dénoncé un racisme "ignoble" et rappelé les "valeurs britanniques" de "respect des différences sous un même drapeau".
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Un lapsus qui passe mal
Keir Starmer, qui a appelé "à la retenue" et à "la désescalade" à la frontière entre Israël et le Liban après de nouvelles frappes israéliennes contre le Hezbollah, a également rappelé la position du Royaume-Uni en faveur d'un cessez-le-feu "immédiat" à Gaza.
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"J'appelle à nouveau à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, au retour des saucisses ("sausages" en anglais)... des otages ("hostages" en anglais)", a-t-il déclaré, en référence aux otages israéliens enlevés lors d'une attaque d'une ampleur sans précédent du Hamas le 7 octobre 2023.
Presque immédiatement après avoir été prononcée, cette phrase est devenue virale sur les réseaux sociaux. Mardi soir, elle était le deuxième contenu le plus partagé sur X (ex-Twitter).
Sujet radio: Catherine Ilic
Article web: jfe avec les agences
Retour plutôt positif des militants travaillistes
Mais Keir Starmer a plutôt convaincu les militants présents à Liverpool. Thomas Hyde, jeune militant de 17 ans a trouvé son discours "plus motivant que ce qu'on a pu entendre jusqu'ici". "C'est bien de savoir qu'il y a un objectif", "une direction", au moment où le gouvernement promet un budget difficile, ajoute-t-il.
Martin Rathfilder, vétéran du Labour de 72 ans, a lui aussi jugé le discours "bon", notamment quand il a dit "qu'il y allait avoir un coût à payer" pour reconstruire le pays et qu'il fallait assumer "de devoir prendre l'argent quelque part".
Le mouvement "Momentum", qui défend une politique plus à gauche au sein du Labour, a lui appelé Keir Starmer à "changer urgemment" de politique et à prendre des mesures fidèles aux "vraies valeurs du Labour", citant l'égalité, la justice et la solidarité.