Chaque année, la Grèce est ravagée par les flammes et l’histoire semble se répéter. La population est confrontée à de gigantesques incendies. Cet été ne fait pas exception: dans la périphérie d'Athènes, les autorités de villes historiques comme Marathon et de banlieues comme Chalandri, ont demandé à leurs 70'000 habitants d’évacuer. Le front de l’incendie s’étend dorénavant sur plus de 30 km.
Alors qu’il se rapproche de plus en plus d’Athènes, la menace pour la capitale est inédite, explique Theodoros Giannaros, spécialiste des incendies et chercheur à l’Observatoire National d’Athènes en Grèce dans l'émission Tout un monde: "On parle, en ligne droite, d’environ 10 à 15 kilomètres du centre de la ville. Selon moi, la progression de cet incendie, qui arrive si proche du cœur de la périphérie, est sans précédent".
Le rôle du changement climatique
La Grèce connaît bien ces phénomènes, mais ils sont en pleine évolution, selon Pauline Vilain-Carlotti, docteure en géographie et spécialiste de la gestion sociale de l’environnement et des feux de forêt. Aujourd’hui, la fréquence des grands incendies a augmenté, passant d’un événement majeur tous les dix ans à des épisodes presque annuels.
Cette recrudescence de grands incendies limite la capacité des espaces boisés à pouvoir se régénérer. Très clairement, on peut attribuer cela au changement climatique
Selon l’experte, la fréquence croissante de ces grands incendies limite la capacité de régénération des espaces boisés. En 2023, la Grèce a connu l’un des plus grands incendies jamais enregistrés en Europe, et en 2024, le phénomène s’est répété. Ces deux années ont été les plus chaudes jamais enregistrées, avec des records de température constamment battus. Depuis juin, la Grèce subit des vagues de chaleur. Dans ce contexte, le changement climatique joue un rôle majeur.
La responsabilité humaine
Pauline Vilain-Carlotti explique que la majorité de ces feux sont déclenchés par l’homme. "Sur l’ensemble de la planète, 90% des feux sont dus à des causes anthropiques. Ils sont donc très rarement liés à des phénomènes naturels, la foudre étant la seule cause naturelle d’incendies", précise-t-elle.
Cette réalité rend difficile la prévision et l’anticipation du déclenchement de ces feux. Cependant, les prévisions météorologiques peuvent indiquer si les conditions climatiques sont favorables aux incendies, comme c’était le cas ici.
Bien que les Grecs s’attendaient à ces incendies, leur gestion est un défi majeur en raison de la prolifération des foyers. Selon Pauline Vilain-Carlotti, la difficulté majeure réside dans la multiplication des foyers d’éclosion, comme c’est le cas à Marathon où une quarantaine de foyers ont été recensés. Cette situation entraîne une propagation rapide du feu et une saturation des services de secours. C’est ce qui arrive en général partout dans le monde, lorsque les incendies prennent une telle ampleur.
Les responsabilités politiques
Régulièrement, la population grecque exprime sa colère face à la gestion de l’Etat, critiquant les moyens matériels insuffisants et le manque de pompiers. Theodoros Giannaros souligne l’absence d’engagement politique dans la gestion des incendies en Grèce. Il note un manque d’investissements et d’utilisation des connaissances scientifiques dans ce domaine.
Aucun gouvernement n’a manifesté la volonté politique d’investir dans la gestion des incendies ou d’utiliser les connaissances scientifiques sur le sujet
De plus, il déplore l’absence de volonté "de tirer des leçons du passé pour tenter d’empêcher ces erreurs de réapparaître dans le futur. Les efforts ont été minimes, voire inexistants, au cours des 10 à 20 dernières années".
Arbitrage entre tourisme et prévention
Selon les deux scientifiques, la gestion des incendies doit être axée sur la prévention. Cependant, Pauline Vilain-Carlotti souligne le défi de la reconstruction. Elle met en avant la nécessité d’un équilibre entre l'urbanisme et la prévention.
"Il va falloir arbitrer entre la nécessité d’un aménagement urbain à destination du tourisme (...) et la prévention, soit limiter les interfaces habitat et forêt. Tous ces arbitrages (...) se retrouvent à l’échelle du bassin méditerranéen dans toutes ces zones qui sont touristiques et recherchées aussi pour leur qualité de vie", ajoute Pauline Vilain-Carlotti.
Sujet radio: Cédric Guigon
Adaptation web: Miroslav Mares