Première passe d'armes ce jeudi entre Donald Trump et Joe Biden, au coude-à-coude dans les sondages
Voilà près de quatre ans que les deux derniers locataires de la Maison Blanche ne s'étaient plus parlé directement ni n'avaient même été présents dans la même pièce. Le 22 octobre 2020, en pleine pandémie de Covid-19, Joe Biden et Donald Trump s'étaient affrontés à Nashville, dans le Tennessee, lors d'un deuxième et dernier débat présidentiel moins houleux que le premier, mais toujours tendu (voir encadré).
Deux semaines plus tard, le 7 novembre 2020, les diverses projections des médias américains annonçaient la victoire et l'élection de Joe Biden à la présidence des Etats-Unis.
Des conditions de débat strictes
Organisé plus de quatre mois avant l'échéance électorale, le débat de jeudi est le plus précoce de l'histoire politique américaine. En cause, une campagne des primaires qui s'est très rapidement terminée. Côté démocrate, il n'y a eu aucun suspense, puisque Joe Biden a décidé de se représenter. Chez les républicains, Donald Trump a réussi très rapidement à faire le vide: la dernière opposante à rester en lice, Nikki Haley, a mis fin à sa campagne au début du mois de mars.
Pour cette première rencontre, les deux politiciens ont décidé de tourner le dos à la Commission des débats présidentiels, un organisme indépendant, pour s'en remettre à la chaîne d'information CNN. Face à l'enjeu de service public, la chaîne du groupe Warner Bros. Discovery a néanmoins autorisé ses rivales à diffuser le débat en simultané, avec un logo CNN et sans commentaires extérieurs.
Côté pratique, les règles de cet échange seront particulièrement différentes de ce à quoi sont habitués les téléspectateurs américains. Le débat se déroulera sans public et sans déclarations liminaires des deux candidats. Joe Biden et Donald Trump disposeront à chaque fois de deux minutes pour répondre aux questions de Jake Tapper et Dana Bash, les deux modérateurs de CNN, suivies d'une minute de réfutations et d'une minute de réponse aux réfutations.
Les micros des candidats seront par ailleurs coupés systématiquement quand ce ne sera pas à leur tour de s'exprimer.
Debout derrière un pupitre pendant 90 minutes, Joe Biden (81 ans) et Donald Trump (78 ans) n'auront pas non plus le droit à un prompteur ou à des fiches préparées et ne pourront pas s'entretenir avec leurs conseillers au cours des deux interruptions publicitaires.
Pour CNN, toutes ces règles doivent permettre de cadrer les échanges et d'éviter le chaos du premier débat présidentiel du 29 septembre 2020.
Des sondages dans la marge d'erreur
Historiquement, les débats présidentiels américains ont le plus souvent une influence modérée sur les électeurs et électrices. Mais pour de nombreux spécialistes, ce premier débat pourrait cette année faire exception et avoir une répercussion plus importante qu'à l'accoutumée.
En cause, la précocité de cette rencontre et la distance qui la sépare du deuxième débat, qui aura lieu sur ABC le 10 septembre. Pour les experts, une contre-performance, une bourde ou une absence de l'un ou l'autre des candidats pourrait se répercuter pendant de longs mois.
Le débat pourrait aussi revêtir une importance accrue alors que les sondages demeurent serrés et que les électeurs américains peinent à faire un choix entre les deux candidats. Dans un sondage IPSOS du mois de juin, Donald Trump continue à faire la course en tête dans les swing states, ces Etats pivots qui peuvent basculer du côté démocrate ou républicain d'une élection à l'autre.
Selon l'enquête de l'institut de sondages, 37% des électeurs du Michigan, de Pennsylvanie, du Wisconsin, de Géorgie, de Caroline du Nord, d'Arizona et du Nevada se disent prêts à voter pour Donald Trump contre 35% pour Joe Biden et 6% pour Robert Kennedy Junior, candidat indépendant. Dans le cas d'un face-à-face, le républicain récolterait 48% des voix contre 43% pour Joe Biden.
A l'inverse, le président démocrate est remonté dans les intentions de vote au niveau national. Selon un sondage de Fox News du mois de juin, Joe Biden est repassé pour la première fois devant Donald Trump depuis octobre 2023, avec 50% contre 48% pour le républicain. Un changement qui pourrait être directement lié au procès et aux condamnations pénales de Donald Trump à New York.
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Très serrés et figurant le plus souvent dans la marge d'erreur, les résultats de sondages dépeignent donc une Amérique qui peine toujours à se décider entre les deux hommes.
Coût de la vie, immigration et démocratie
Si CNN n'a pas précisé quels seraient les thèmes abordés au cours de ce premier débat, analystes et spécialistes anticipent déjà les potentiels angles d'attaques des candidats.
Selon la plupart des grands quotidiens américains, tels le New York Times, le Washington Post ou le Wall Street Journal, Donald Trump devrait s'en prendre au bilan de Joe Biden sur le coût de la vie et l'immigration, qui sont considérés comme les principales faiblesses du président démocrate. Dans le sondage IPSOS du mois de juin 2024, l'inflation et la hausse du coût de la vie sont en effet considérés par les électeurs des swing states comme la pire menace pour les Etats-Unis (49%) juste devant l'immigration (30%).
Conscient de ce problème, le locataire de la Maison Blanche a annoncé au début du mois de juin un coup de barre à droite sur l'immigration en indiquant qu'il fermerait temporairement la frontière des Etats-Unis avec le Mexique à chaque rebond d'arrivées de migrants clandestins.
Joe Biden devrait quant à lui profiter du débat de jeudi pour rappeler aux électeurs et électrices les condamnations pénales de son prédécesseur à la Maison Blanche.
Le démocrate devrait aussi souligner le risque que prendrait l'Amérique pour sa démocratie si elle élisait à nouveau une personnalité qui n'a toujours pas reconnu les résultats de l'élection présidentielle de 2020, qui souhaite gracier des émeutiers de l'assaut du Capitole du 6 janvier 2021 et qui a une position ambiguë sur le droit à l'avortement.
Convaincre les indécis
Mais pour Donald Trump comme pour Joe Biden, l'objectif de ce premier débat sera surtout de convaincre les indécis et de mobiliser les électeurs qui échappent à l'extrême polarisation de la vie politique américaine et qui ne voulaient pas de ce "match retour".
Avec une élection qui pourrait se jouer à quelques dizaines de milliers de voix près dans six ou sept Etats-pivots, il faudra réussir à mobiliser ces électeurs et électrices qui risquent de ne pas voter, jugeant les candidats trop vieux ou indignes de la fonction.
Tristan Hertig
En 2020, deux débats et peu d'impact
Invectives, railleries, et un président sortant, Donald Trump, ne cessant d'interrompre son challenger Joe Biden, qui finit par lui lancer "tu vas la fermer, mec?"
En 2020, le premier débat du 29 septembre avait été marqué par un ton chaotique et des échanges très tendus. Les deux candidats s'étaient mutuellement interrompus de manière fréquente, rendant difficile toute forme de discussion constructive. Une atmosphère tumultueuse largement critiquée par les observateurs qui avaient souligné le manque de civilité et de substance politique claire du débat.
Un peu mois d'un mois plus tard, le 22 octobre 2020, le deuxième débat avait été plus structuré que le premier. Les règles déjà mises en place, comme le micro coupé quand l'adversaire a la parole, avaient permis un échange plus civil, bien que tendu, sur des sujets tels que la pandémie de Covid-19, la politique de santé et l'économie.
Joe Biden avait été généralement considéré comme ayant mieux performé, avec des critiques plus ciblées sur la gestion du président Donald Trump.
Les enquêtes d'opinion avaient toutefois démontré que les deux débats présidentiels avaient eu peu d'influence sur le choix final des électeurs.
>> Relire à ce sujet : Un dernier débat plus posé mais incisif entre Donald Trump et Joe Biden