Quel avenir politique pour les îles du Pacifique en cas de disparition liée à la montée des eaux?
Les îles du Pacifique sont menacées par la montée des eaux. Un rapport de l'Organisation météorologique mondiale publié cette semaine fait état d'un réchauffement des eaux de surface du Pacifique trois fois plus rapide que la moyenne mondiale depuis 1980.
>> Lire à ce sujet : Le chef de l'ONU lance un "SOS mondial" sur la rapide montée des eaux du Pacifique
La menace est "existentielle" pour plusieurs territoires anatoliens du Pacifique, composés entièrement de formations coralliennes de très basse altitude, relève Géraldine Giraudeau, professeure de droit international à l'Université Paris-Saclay et spécialiste des territoires insulaires. C'est le cas notamment des îles Marshall, de Kiribati et de Tuvalu.
"Dans ces territoires, la population sera amenée à être relocalisée avant qu'ils ne soient entièrement submergés", souligne-t-elle dans l'émission Tout un monde.
>> Lire : Kiribati, ce pays qui va disparaître sous la montée des océans
Un avantage stratégique
Tuvalu, par exemple, pourrait se retrouver sous l'eau d'ici 50 à 80 ans. L'archipel a signé l'année dernière un accord de mobilité climatique avec l'Australie, permettant aux quelque 11'000 habitantes et habitants d'y déménager.
Imaginez un Etat qui disparaîtrait physiquement: Tuvalu, par exemple, continuerait-il à exister en tant qu'Etat et à bénéficier d'un siège en tant que membre des Nations unies ou au sein d'autres organisations internationales?
"Des titres de séjour seraient concédés par les autorités australiennes, avec un nombre de visas annuels, ce qui permettrait aux ressortissants de Tuvalu d'aller s'installer en Australie et de bénéficier des services de base étatiques", détaille Géraldine Giraudeau.
L'Australie en retire un avantage stratégique. Un des articles du texte est consacré à la mainmise du pays sur les potentiels projets de défense et de sécurité de Tuvalu, dans un contexte de luttes d'influence entre Pékin et Canberra dans le Pacifique et alors que certains territoires, tels que les îles Salomon, ont signé un accord avec la Chine.
>> Lire aussi : La Chine et les Iles Salomon signent un accord controversé sur la sécurité
Une existence virtuelle
Aujourd'hui, la question de l'avenir des zones maritimes de Tuvalu se pose. L'archipel possède un territoire maritime vaste de 756'000 kilomètres carrés, pour une surface terrestre de moins de 30 kilomètres carrés.
"C'est tout à fait nouveau dans l'histoire de la société internationale. Imaginez un Etat qui disparaîtrait physiquement: Tuvalu, par exemple, continuerait-il à exister en tant qu'Etat et à bénéficier d'un siège en tant que membre des Nations unies ou au sein d'autres organisations internationales? Il y a des réflexions qui sont menées en ce sens, mais il n'y a pas encore de véritable solution", explique Géraldine Giraudeau.
Il existe toutefois "une sorte de présomption de continuité de l'Etat qui s'appliquerait, afin qu'il y ait une existence virtuelle", précise la spécialiste. Tuvalu a d'ailleurs créé un double numérique du pays dans le métavers afin que les ressortissants et leurs descendants puissent, en cas de disparition physique de l'archipel, accéder à des services par le biais d'un site internet.
>> Lire plus de détails à ce sujet : Menacé par la montée des eaux, l'archipel des Tuvalu veut déménager dans le métavers
Dans le Pacifique, de nombreuses communautés sont déjà relocalisées, du fait de la montée des eaux, notamment aux Tuvalu et aux îles Fidji, souligne Géraldine Giraudeau. "C'est une réalité pour ces territoires et ces populations depuis plusieurs années déjà."
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey
Adaptation web: Isabel Ares