Considéré comme l'architecte de l'attaque du 7 octobre 2023 contre Israël et représentant de l'aile dure du Hamas, Yahya Sinwar avait pris la tête du mouvement palestinien en août, après l'assassinat de son prédécesseur Ismaïl Haniyeh à la fin juillet à Téhéran.
Si la mort de Yahya Sinwar a été présentée comme une victoire majeure par Israël, les analystes estiment que son héritage pourrait inspirer une nouvelle génération de Palestiniens subissant les conséquences des représailles israéliennes.
Un "vide" dans la direction du Hamas
"Le martyr de notre chef (...) ne fera que renforcer notre mouvement et notre résistance", a affirmé vendredi un responsable du Hamas basé au Qatar. Mais pour l'analyste Andreas Krieg, la mort de Yahya Sinwar n'est pas que "symbolique". Elle a créé "un vide dans la direction d'une organisation très structurée".
Son élimination survient un peu plus de deux mois après l'assassinat, imputé à Israël, de l'ancien chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh. Israël n'a ni confirmé ni nié son rôle dans cet assassinat. En juillet, l'Etat hébreu avait déclaré avoir tué le chef militaire à Gaza, Mohammed Deif, ce que le Hamas n'a pas confirmé.
Selon l'expert en géopolitique James Dorsey, Yahya Sinwar était "exceptionnel", car il "bénéficiait d'un large soutien au sein du mouvement, tant de l'aile politique que de l'aile militaire". Des divergences étaient apparues dans le passé entre la direction politique du Hamas, en exil principalement au Qatar, et les ailes militaires et opérationnelles à Gaza.
"Différentes cellules du Hamas continueront à se battre, mais au coeur du mouvement, il y a un vide, ce qui rendra la coordination très difficile", estime Andreas Krieg, maître de conférences au King's College de Londres.
Qui pour succéder à Yahya Sinwar?
Après la mort d'Ismaïl Haniyeh, Yahya Sinwar était l'un des candidats potentiels à la direction du Hamas, comprenant également des modérés basés en dehors de Gaza. Le nom de Moussa Abou Marzouk, un conseiller et négociateur, qui était considéré proche de l'ancien chef, avait notamment été cité.
D'autres personnalités en exil comme Khalil al-Hayya, basé au Qatar qui s'est imposé comme le principal négociateur du mouvement dans les pourparlers sur une trêve, et Khaled Mechaal, l'ancien chef du Hamas également basé dans l'émirat du golfe Persique, pourraient être des successeurs potentiels, selon James Dorsey.
Mais le choix de Yahya Sinwar plutôt que des membres de l'aile politique en août a été largement perçu comme une restructuration du mouvement autour de la lutte armée, centrée sur Gaza. "Le prochain dirigeant sera inévitablement quelqu'un du niveau opérationnel", prédit Andreas Krieg.
Si le choix se porte sur un homme de terrain, le frère cadet du chef tué, Mohammed Sinwar, apparaît comme un favori. Celui-ci n'a pas le charisme de son frère, mais "il a une bonne réputation (...) en tant que militant et combattant", dit l'analyste.
Le Hamas peut-il s'en remettre?
Le Hamas "ne peut pas être éliminé" car il s'agit d'"un mouvement mené par des gens cherchant la liberté et la dignité", a déclaré vendredi Bassem Naïm, membre du bureau politique du mouvement. La mort de son chef est, certes, une "défaite tactique et opérationnelle", mais elle "ne va pas changer la résistance armée contre Israël à l'intérieur de Gaza", abonde dans le même sens Andreas Krieg.
Le Hamas s'est révélé "très résilient", affirme pour sa part James Dorsey, en rappelant que son histoire est marquée par "les d'assassinats de ses dirigeants par Israël. Yahya Sinwar vient s'ajouter à cette liste".
Selon ce chercheur basé à Singapour, la guerre déclenchée par l'attaque du 7 octobre 2023 pourrait continuer à renforcer les rangs du Hamas, mais cela résulterait autant du désespoir qui règne à Gaza que de l'influence de Yahya Sinwar.
"C'est une génération qui a perdu tout espoir... surtout à Gaza. Quand vous n'avez plus d'espoir, vous n'avez plus rien et nulle part où aller, vous n'avez plus rien à perdre", résume James Dorsey.
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afp/dk