Tout un monde: Israël a-t-il encore les moyens de faire face à une nouvelle attaque similaire à celle de samedi, ou a-t-il épuisé toutes ses ressources?
Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques et auteur de "Tsahal: nouvelle histoire de l'armée israélienne": Tsahal dispose encore de nombreuses ressources. On peut donc raisonnablement considérer qu'en cas de nouvelles attaques iraniennes par missiles balistiques, de croisière ou drones, Israël serait capable d’intercepter un nombre élevé d’entre eux. Peut-être pas autant que lors du précédent week-end, car le résultat était spectaculaire.
L’armée israélienne dispose encore de nombreuses ressources
Engagé dans la guerre à Gaza depuis six mois, Israël a-t-il les moyens d’ouvrir un deuxième front? Cette situation influence-t-elle sa réflexion sur sa riposte?
Le débat ne porte pas sur la capacité d’Israël à mener des attaques sur plusieurs fronts. Car en termes de ressources, de planification, de détermination et d’armement, il en a largement les moyens. Y compris de frapper sur Gaza et au sud du Liban avec le Hezbollah. Il peut aussi lancer des frappes sur l'Iran. La vraie question est plutôt de savoir s'il a politiquement intérêt à le faire.
Le cabinet de guerre d’Israël est très divisé sur la question. D’un côté, il y a les pragmatiques qui prônent la prudence, arguant qu’une attaque directe sur le sol iranien serait contreproductive et mènerait à une escalade difficile à contrôler. De l’autre, il y a Netanyahu et les faucons de son cabinet de guerre qui voient une opportunité inespérée de frapper l'Iran.
Les dirigeants israéliens devront se poser la question: frapper l'Iran peut-être, mais où, avec quel objectif politique et comment s'assurer de la maîtrise de l'escalade derrière?
Pour eux, c'est un peu "maintenant ou jamais", non pas pour éliminer son potentiel et son programme nucléaire, qui est largement enterré et difficile d’accès (...) mais pour porter un camouflet au prestige du gouvernement de Téhéran et surtout aux Gardiens de la Révolution. Ce débat n’est pas tranché. Lorsqu’il le sera, les dirigeants israéliens devront se poser la question: frapper l’Iran peut-être, mais où, avec quel objectif politique et comment s’assurer de la maîtrise de l’escalade derrière?
Israël a-t-il la capacité de frapper le programme nucléaire iranien, notamment ses bunkers très solides et enterrés profondément?
Il a la capacité technique de frapper plusieurs cibles, mais probablement pas de détruire des bunkers profondément enfouis, seuls les Etats-Unis ont actuellement les moyens de le faire. A moins de surprendre tout le monde, en utilisant par exemple des bombes nucléaires tactiques... Mais pour le moment, l’escalade n’a pas encore atteint ce stade.
On peut se poser la question si l'Iran ne cherche pas à mettre l’équation nucléaire sur le devant de la scène
Est-ce que la capacité nucléaire de l'Etat hébreu entre dans l’équation?
Oui, très probablement. Le week-end dernier, pour la première fois, Téhéran a attaqué directement Israël sur son territoire, un Etat qui possède l’arme nucléaire. On peut donc se poser la question si l'Iran ne cherche pas à mettre l’équation nucléaire sur le devant de la scène, pour finalement forcer Israël à lancer ou à rouvrir le débat sur la reconnaissance de son statut nucléaire.
Si l'Etat hébreu déclarait clairement qu’il possède l’arme nucléaire et qu'il en a un certain nombre, l’Iran pourrait alors dire: puisque c’est ainsi, nous franchissons aussi le seuil et nous devenons un Etat doté de l’arme nucléaire.
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey
Adaptation web: Miroslav Mares