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Régis Genté: L'influence russe sur Donald Trump est "certainement très importante"

Régis Genté, correspondant RTS dans le Caucase et auteur du livre "Notre homme à Washington". [RTS]
L'invité de La Matinale (vidéo) - Régis Gente, auteur de "Notre homme à Washington" / La Matinale / 14 min. / le 10 octobre 2024
Journaliste indépendant et écrivain, Régis Genté s'est penché dans son dernier livre sur les liens entre Donald Trump et Moscou. Une love story qui a débuté dans les années 1970 et qui n'a jamais pris fin.

Le 5 novembre prochain, Donald Trump sera de nouveau candidat à la présidence des Etats-Unis face à la vice-présidente démocrate Kamala Harris. A moins d'un mois du scrutin, les révélations sur les liens entre le milliardaire new-yorkais et la Russie se succèdent et intriguent.

Correspondant dans le Caucase pour la RTS, Régis Genté s'apprête à sortir, le 16 octobre, son ouvrage "Notre homme à Washington: Trump dans la main des Russes". Le journaliste revient sur la genèse d'un amour naissant entre Donald Trump et la Russie, qui a débuté dans les années 1970.

Donald Trump et Vladimir Poutine en 2018, en Finlande. [KEYSTONE - PABLO MARTINEZ MONSIVAIS]
Donald Trump et Vladimir Poutine en 2018, en Finlande. [KEYSTONE - PABLO MARTINEZ MONSIVAIS]

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Le 45e président des Etats-Unis a été repéré alors qu'il n'avait qu'une trentaine d'années et qu'il était un jeune homme d'affaires actif dans l'immobilier à New York. A l'époque, le KGB, les services de renseignement russes, constate son retard dans le recrutement des sources.

"Sans doute qu'au tout départ, ça passe par la première femme de Donald Trump, Ivana, qui était tchèque. A l'époque, la Tchécoslovaquie est un régime socialiste très dur avec une sécurité d'Etat, la STB, qui travaille main dans la main avec le KGB. Il est repéré et suivi", explique Régis Genté dans La Matinale.

Première visite en 1987

Le KGB entreprend alors une opération qui va aboutir au premier voyage de Donald Trump à Moscou en 1987. "On prétexte qu'on veut lui faire construire une Trump Tower dans la capitale russe, mais en réalité, il s'agissait de le cerner et d'en faire quelque chose qui puisse être utile à la patrie soviétique", relève le journaliste.

Donald Trump devient alors un "contact confidentiel", comme on l'appelle dans le jargon. "C'est quelqu'un qui n'est pas forcément conscient de ça, qui n'est pas payé, mais qui fait partie d'un réseau qu'on cultive, à qui on rend des services et vice-versa. Parce que maîtriser Trump, ce n'est pas forcément quelque chose de facile."

A son retour de Moscou, Donald Trump prend des positions publiques dans la presse américaine critiquant l’Otan, tout à fait dans la ligne du Kremlin.

C'est une sorte de galaxie qui passe son temps à tourner autour de lui avec beaucoup d'argent qui circule et des gens dont on comprend très vite qu'ils sont liés au Kremlin

Régis Genté

Pas fondamentalement pro-russe, le milliardaire américain y trouve aussi son compte. "On va retrouver une galerie incroyable de personnages qui tournent autour de lui, notamment des gens de la mafia qui est intimement liée à la vie de l'Etat russe et à ses intérêts. Il rencontre des gens de très haut niveau", raconte Régis Genté, soulignant que ce réseau lui sera particulièrement utile.

"Une quinzaine d'entre eux vont acheter ou louer un appartement dans la fameuse Trump Tower. Ils vont aussi blanchir leur argent dans les casinos de Donald Trump. Souvent, ils vont intervenir à des moments clés de son histoire, notamment lorsqu'il est près de la faillite. C'est peut-être de cette façon dont il a été cultivé et il n'était peut-être pas conscient que cet argent venait directement d'une décision du KGB", retrace le spécialiste des anciennes républiques soviétiques.

Autre exemple: la vente en 2008 de l'une de ses villas à Palm Beach à l'oligarque Dmitry Rybolovlev. "Il avait acheté cette maison pour 40 millions de dollars et l'a revendue quatre ans plus tard 95 millions de dollars, alors que l'immobilier n'a pas évolué dans la région. Tout d'un coup, 50 millions de dollars lui tombent dans l'escarcelle et on ne sait pas pourquoi.[...] Voilà, c'est une sorte de galaxie qui passe son temps à tourner autour de lui avec beaucoup d'argent qui circule et des gens dont on comprend très vite qu'ils sont liés au Kremlin."

"Vladimir Poutine était un peu son idole"

En l'an 2000, Vladimir Poutine est élu président de la Russie, mais selon Régis Genté, le nouvel homme fort de Moscou n'a pas tout de suite prêté attention à l'homme d'affaires américain. "Au départ, il n'était pas forcément dans son radar, ça va venir plus tard. En 2013, Donald Trump a fait plusieurs voyages en Russie, où il rêvait de rencontrer Poutine. C'était un peu son idole [...] Ça l'aidait aussi à avoir une image, une stature internationale. Il avait besoin de s'afficher comme faisant partie d'une sorte de jet set politique", analyse Régis Genté.

Son élection n'était pas forcément un calcul du Kremlin au départ

Régis Genté

L'élection présidentielle américaine en 2016 sera le point culminant des liens obscurs entre Donald Trump et Vladimir Poutine, au cours de laquelle les Russes piratent les emails de son adversaire Hillary Clinton.

"C'est à ce moment-là que Donald Trump va certainement entrer en considération dans les préoccupations du président russe. Son élection n'était pas forcément un calcul du Kremlin au départ, ça s'est fait un peu par hasard. La révélation des emails d'Hillary Clinton, dans lesquels il n'y avait rien de scandaleux, a été utilisée pour affaiblir le camp démocrate. C'était à un moment important pour Trump, parce qu'il y avait, par exemple, des révélations sur sa vie privée", détaille l'invité de La Matinale, précisant que cela a permis de réduire la pression médiatique sur les échecs du futur président.

Une influence encore "très importante"

En évoquant Donald Trump et Vladimir Poutine, Régis Genté parle d'un duo "improbable", venant de deux mondes différents, mais "solide". "Il y a d'abord un fond politique assez commun entre les deux, pas beaucoup d'amour pour la démocratie. Il y a aussi l'idée que les Etats doivent être forts. Et ils ont les mêmes adversaires: les démocrates américains."

Et à l'aube de l'élection présidentielle américaine, Régis Genté estime que l'influence russe sur le milliardaire est "certainement très importante".

"Sur 40 ans de déclarations et de prises de position de Donald Trump sur la Russie, il n'y en a pas une seule qui soit véritablement critique. Il y en a peut-être une ou deux, mais ce sont des clowneries", conclut-il.

Propos recueillis par Pietro Bugnon

Article web: Jérémie Favre

Régis Genté, "Notre homme à Washington: Trump dans la main des Russes", ed. Grasset, octobre 2024.

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De nouvelles révélations sur les rapports entre Trump et Poutine

Dans son livre "War", qui paraîtra le 15 octobre, la légende américaine du journalisme Bob Woodward, célèbre chroniqueur des coulisses de la Maison Blanche qui avait révélé en 1974 le scandale du Watergate avec Carl Bernstein, écrit notamment que Donald Trump a maintenu une relation personnelle avec Vladimir Poutine, malgré l'invasion russe de l'Ukraine.

Selon un conseiller gardant l'anonymat, Donald Trump a parlé à Vladimir Poutine en secret jusqu'à sept fois depuis qu'il a quitté le gouvernement en 2021. Début 2024, il a demandé à un collaborateur de sortir de son bureau de la résidence Mar-a-Lago en Floride, pour avoir une conversation téléphonique avec le président russe, ce qu'a démenti le porte-parole du candidat républicain.

Donald Trump a aussi envoyé en secret des tests de dépistage du Covid-19 à son homologue russe Vladimir Poutine lorsqu'il était à la Maison Blanche et en pleine pandémie de coronavirus, alors que les Etats-Unis en manquaient.

Régis Genté rappelle encore les révélations effectuées par H.R. McMaster, ancien membre du Conseil de sécurité nationale américain, à l'époque où Donald Trump était président: "Il a rencontré Vladimir Poutine en 2017 et lui a demandé s'il pensait que c'était une bonne idée d'armer l'Ukraine... que la Russie était en train d'envahir. Le président russe a évidemment répondu non".

>> A lire aussi : Les relations troublantes entre Donald Trump et Vladimir Poutine au coeur du dernier livre de Bob Woodward