Ce frigo géant de plus de 100'000 mètres carrés s'ajoute aux dizaines d'autres infrastructures du genre sorties de terre en Chine ces dernières années sous l'impulsion des autorités. Elles ambitionnent de faire du pays une "nation des sports d'hiver".
D'une taille supérieure à 14 terrains de football, la nouvelle halle de Shanghai contient trois pistes de ski d'environ 300 mètres de long qui s'entrecroisent, certaines construites sur pilotis.
On parvient à leur sommet en empruntant un télésiège, une télécabine ou un funiculaire. Seul le dénivelé ne constitue pas un record: avec 60 mètres, il reste inférieur, notamment, à la célèbre halle construite en 2005 à l'intérieur du "Mall of the Emirates" de Dubaï et ses 85 mètres de différence d'altitude.
Des pistes de luges et plusieurs espaces de jeux complètent l'espace, avec une fausse montagne aux allures de Cervin et un château encerclé par les pistes.
Reproduction d'un village alpin
A l’extérieur de l’imposant bâtiment, le thermomètre affiche plus de 31 degrés. Après avoir franchi une succession de portes coulissantes, les clients se retrouvent nez-à-nez avec une armée d’employés, tout sourire derrière une vaste allée de comptoirs. Sur le ticket d’entrée, un code QR contient les informations cruciales: taille, poids, niveau de ski. Le matériel est distribué en conséquence.
Les combinaisons sont acheminées via un système de rails suspendus au plafond. Une fois vêtus, les skieurs se dirigent vers une seconde rangée de caisses pour récupérer leurs skis, chaussures, snowboards, casques et bâtons. "C'est ma première fois à l'intérieur! Chaque année, je fais du snowboard au nord de la Chine. L'hiver, j'y vais pratiquement une fois par mois. Mais ici, je pourrai venir toutes les semaines", se réjouit Jeff. Debout dans le vestiaire, ce jeune Shanghaien sort fièrement sa planche d'un grand sac de voyage. Comme les plus aguerris, il dispose de son propre équipement.
Parés à affronter la température hivernale, les skieurs se dirigent vers le sas d’entrée. De l'autre côté de cette barrière thermique, les visiteurs plongent dans un froid d'environ -6 degrés. Le contraste avec l’extérieur est saisissant.
"C’est la première fois qu'elle voit la neige"
Chalets, restaurant d'altitude, batailles de boules de neige, luge et même saut à l’élastique: diverses activités ont été prévues pour attirer les non skieurs dans cet univers hivernal en carton-pâte.
Assise sur un tas de neige, une mère de famille tient les mains rougies de sa fille de trois ans entre les siennes. "C'est la première fois qu'elle voit la neige! Nous ne sommes jamais allés au nord en hiver. On voulait vraiment qu'elle voie ça. C'est super!", témoigne-t-elle. "Pour nous qui vivons à Shanghai, c'est une nouvelle activité à faire avec les enfants. J'espère que ça permettra d’attirer les visiteurs des régions avoisinantes. Economiquement, c'est une aubaine pour Shanghai".
Promouvoir le ski et son potentiel économique
Dès le lendemain de l'attribution des Jeux olympiques à Pékin, en 2015, les autorités chinoises ont entrepris de développer et d'exploiter le filon des sports d’hiver. L'ambition initiale était de mettre 300 millions de Chinois aux sports de glisse avant la cérémonie d'ouverture en février 2022. Objectif: inciter la classe moyenne à voyager et consommer dans les centaines de stations de ski sorties de terre ces dernières années.
Une cinquantaine d'infrastructures en intérieur ont parallèlement vu le jour à travers le pays. Censée ouvrir en 2019, la halle géante de Shanghai s'inscrit dans ce contexte. Mais cinq ans de retard plus tard, les temps ont changé. Entre Covid et crise immobilière, l'économie tourne désormais au ralenti.
"C'est vrai que le ski n'est pas à la portée de tous, surtout actuellement avec la crise. C'est cher, même pour des employés de bureau", convient un trentenaire, snowboard sous le bras. "Malgré tout, pas mal de monde s'intéresse aux sports d’hiver. Regardez tous les jeunes garçons et filles qui nous entourent! L’ambiance est super, on s'entend tous bien, ça nous rapproche. Et ce type de structure ne pourra qu'améliorer le niveau de sport en Chine", se félicite-t-il.
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Reportage radio: Michael Peuker
Adaptation web: Vincent Cherpillod
Discrétion autour du coût environnemental de la station
Aux yeux de Yin Kang, l'un des responsables de la halle de ski, l'infrastructure répond non seulement à une demande, mais aussi à une nécessité de l’époque: "Le marché s'est développé rapidement ces dernières années, et les sports d’hiver, le ski notamment, sont coûteux et énergivores comparés à d'autres sports. En Chine, il faut prendre l'avion pour aller au nord ou à l’étranger. Installer une telle station de ski à Shanghai permet de réduire ces frais et ces émissions", explique-t-il.
"C'est pratique pour tout le monde. Il n'y a plus besoin d'aller skier en Nouvelle-Zélande. C'est trop loin. Vous pouvez désormais rester à Shanghai!", poursuit Yin Kang.
Une infrastructure écologique, donc? Insinué, l'argument n’est pas explicitement formulé. Et pour cause: plus de 70 puissants climatiseurs et 30 canons à neige sont nécessaires pour faire tourner la station. Le bilan énergétique reste un secret bien gardé. Si les autorités locales reconnaissent une "grande consommation d’énergie inévitable", elles soulignent la vaste toiture recouverte de panneaux solaires.