La guerre de l'ombre entre Israël et l'Iran a pris une tournure inquiétante ces derniers jours. Bien que la tension soit redescendue d'un cran, Téhéran promet toujours la destruction de ce qu'il appelle le "régime sioniste" en cas de nouvelle attaque.
D'entrée de jeu, Reza Pahlavi, le fils du Shah au pouvoir jusqu'à la révolution islamique en 1979, souligne qu'il faut faire une distinction entre le "peuple, première victime d'un régime qui a pris notre pays en otage il y a 45 ans, et le régime lui-même".
Le conflit avec Israël n'est pas, en suivant cette logique, une "guerre d'un pays contre un autre pays".
Il s'agit plutôt de "la guerre d'Ali Khamenei. Le guide suprême de cette théocratie religieuse a pour seule et unique mission d'exporter la révolution et de soumettre au-delà de nos frontières pour créer une sorte de théocratie moderne, un califat chiite dans la région", avance-t-il.
"Une seule solution" pour faire taire les armes
A ses yeux, le régime de Téhéran est responsable de la montée des tensions au Moyen-Orient. "La base réelle de tous ces problèmes, que ce soit le terrorisme, le radicalisme islamique ou la menace nucléaire, revient au régime à Téhéran."
Joint par la RTS à Washington, Reza Pahlavi poursuit: "La seule solution, c'est d'aboutir à une situation où ce régime n'existerait plus, plutôt que s'attarder sur une diplomatie qui ne fonctionne plus. Si on veut éviter la guerre, il ne reste qu'une seule solution possible: aider le peuple à pouvoir se libérer", soutient-il.
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"Peur et insécurité" de la population
Pourtant, des images ont montré des Iraniens en liesse après l'attaque de 300 drones et missiles contre Israël dans la nuit du 13 au 14 avril.
Ce régime ne prête aucune attention à leurs intérêts
Mais pour Mahnaz Shirali, sociologue et politologue spécialiste de l'Iran, cet enthousiasme est loin de représenter le sentiment général au sein de la population.
"Ce qui revient le plus communément chez les Iraniens, c'est leur peur, leur inquiétude énorme vis-à-vis de la paix et de la sécurité de leur pays, parce qu'ils savent que ce régime ne prête aucune attention à leurs intérêts. Les comportements belliqueux et la diplomatie guerrière de la République islamique ne réveillent donc que la peur et l'insécurité chez les Iraniens", analyse-t-elle depuis Paris.
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Une économie à bout de souffle
Reza Pahlavi souligne de son côté que le quotidien des Iraniens et des Iraniennes est surtout marqué par une situation "économique désastreuse".
Une partie importante de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, pointe-t-il, rappelant également la forte dévaluation du rial iranien au cours des décennies.
Dans le même temps, le régime "ne dépense pas pour le peuple, mais pour de l'armement, l'envoi de missiles ou de roquettes pour attaquer un autre pays ou pour soutenir Poutine dans sa guerre contre l'Ukraine", déclare-t-il. "Le peuple se dit: Encore une fois, nous souffrons, c'est notre argent qui est dépensé pour un but qui n'a rien à faire avec l'intérêt national de notre pays", poursuit-il.
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Une puissance militaire?
Alors que l'Iran est en proie à une crise économique, son gouvernement gonfle les muscles sur la scène internationale. Il cherche à gagner en influence, en soutenant notamment le Hamas dans la bande de Gaza, le Hezbollah au Liban ou les rebelles Houthis au Yémen.
D'après Mahnaz Shirali, la puissance iranienne est toutefois faible. "Je n'arrête pas de dire depuis des années que la République islamique n'est pas une puissance militaire, mais une nuisance", lance-t-elle. La sociologue estime que l'arsenal du pays "n'est pas vraiment fonctionnel".
"Aujourd'hui, à mon sens, il y a encore la possibilité de gérer ce régime voyou. Mais demain, s'il se dote de la bombe atomique, il deviendrait ingérable et véritablement fort", redoute la double nationale franco-iranienne.
"L'Iran mérite beaucoup mieux"
Mahnaz Shirali et Reza Pahlavi vivent tous deux en exil. Le second déclare entretenir l'espoir que l'Iran change de régime, pour pouvoir ainsi retourner dans ce pays.
"Aujourd'hui, j'ai 63 ans. J'avais 17 ans et demi quand j'ai quitté l'Iran", raconte le fils du souverain renversé en 1979. "Quand je pense aux jeunes garçons et filles iraniens de la génération Z, qui rêvent d'un Iran différent, à leur énergie et à leurs sacrifices… Je suis là pour les aider, pour les soutenir, pour passer le flambeau que j'ai essayé de garder allumé plus de quatre décennies. Parce que je pense que l'Iran mérite beaucoup mieux que ce qu'on a aujourd'hui."
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Interviews radio: Patrick Chaboudez
Texte web: Antoine Michel