Invité mardi dans le 19h30 de la RTS, Romano Prodi, Premier ministre italien à deux reprises et ancien président de la Commission européenne, partage ses préoccupations sur le monde politique occidental: "Nous ne réussissons plus à faire des projets à long terme, (…) nous travaillons mois après mois, jour après jour."
"Pendant ce temps, Vladimir Poutine et Xi Jinping ont l’éternité devant eux, ils pensent à long terme", avertit-il.
Les jeunes ne vont pas voter pour des compromis, ils iront voter si on leur propose un programme, une vision d’avenir. En Europe, il y a un problème de leadership
Selon lui, cela n’a pas toujours été ainsi. Par exemple, en Allemagne, Angela Merkel avait une vision à long terme. Mais aujourd'hui, poursuit-il, la montée du populisme et des extrêmes politiques, tant à droite qu’à gauche, est due à un manque de projets démocratiques forts et à une crise de leadership en Europe.
L'ancien dirigeant aujourd'hui âgé de 85 ans ajoute que les jeunes ne voteront pas pour des compromis, ils ont besoin de leaders capables de présenter une vision d'avenir.
La crainte de l'autoritarisme moderne
Bien que le passé ne se répète jamais exactement de la même manière, les exemples historiques d’autoritarisme, comme Mussolini et Hitler, restent pertinents pour comprendre les dangers actuels, estime le politicien.
Donald Trump est une sorte de voie intermédiaire entre l’autoritarisme d’hier et la nouvelle crise de la démocratie.
Romano Prodi voit ainsi Donald Trump comme une figure intermédiaire entre l’autoritarisme du passé et la crise démocratique actuelle, soulignant que cette période de transition complexe pourrait transformer profondément la démocratie moderne.
L'ancien dirigeant note par ailleurs que l’Italie, malgré ses divisions et sa fragilité, a souvent été à l’avant-garde des mouvements populistes, citant Mussolini, Berlusconi et le Mouvement Cinq Etoiles.
Une Europe qui doit retrouver sa place
Selon celui qui a présidé la Commission européenne entre 1999 et 2004, la construction européenne n’est pas en danger, mais il critique la récente décision de l’Allemagne de rétablir les contrôles aux frontières, soulignant que cela va à l’encontre de l’esprit de Schengen. "A chaque crise politique, cibler les immigrés fonctionne politiquement. Mais ce qui est curieux, c’est que cette décision n’a suscité aucune réaction. Cela paraît tout à fait naturel", s’étonne-t-il.
Autrefois, l’Europe jouait le rôle d’arbitre, mais aujourd’hui, cette idée a disparu
Dans le passé, dans un monde pluraliste, l’Europe jouait un rôle d’arbitre, mais cette influence a disparu, ajoute l'Italien, soulignant que même des figures politiques comme Kamala Harris ne mentionnent plus l’Europe dans leurs discours, illustrant la perte de poids de l’Europe sur la scène mondiale: "Elle n’a jamais cité l’Europe dans son discours, voilà où nous en sommes arrivés."
Romano Prodi insiste enfin sur la nécessité de reconstruire l’unité européenne, "parce que nous sommes encore la deuxième puissance industrielle du monde et nous avons encore une force très importante".
Propos recueillis par Philippe Revaz
Adaptation web: Miroslav Mares