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"S’approprier certaines propositions de la droite radicale est une stratégie perdante"

Geopolitis
L’Europe des extrêmes droites / Geopolitis / 26 min. / le 27 octobre 2024
Avec le récent succès du FPÖ aux élections législatives autrichiennes, ainsi que la progression de l’AfD lors d’élections régionales dans trois Länder de l’est de l’Allemagne, la poussée des partis d’extrême droite au sein de l’Union européenne se poursuit.

Le 29 septembre dernier, le FPÖ est arrivé en tête des élections législatives autrichiennes avec 29% des voix, soit une progression de 13% par rapport au scrutin de 2019. Son président Herbert Kickl a salué "l'ouverture d'une porte sur une nouvelle ère".

Connu pour ses positions radicales, le quinquagénaire est anti-système et surtout anti-immigration: il prône l’expulsion massive des migrants et la remigration, c’est-à-dire l’expulsion d’étrangers munis d’un titre de séjour ou naturalisés, vers leur pays d’origine. Malgré le score électoral historique de son parti, Herbert Kickl n’est pourtant pas certain d’arriver au pouvoir: aucun parti ne veut pour l’instant s’allier à lui.

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Séduction auprès de jeunes électeurs

En Allemagne, l’AfD a massivement investi dans sa communication sur les réseaux sociaux. Une stratégie qui s’est avérée payante aux élections régionales du mois de septembre. Le parti a obtenu chez les moins de 24 ans des scores supérieurs au reste des votants: 38% en Thuringe et 31% en Saxe et dans le Brandebourg. L’essor de cette formation, notamment parmi les jeunes, fait vaciller les partis traditionnels et touche la vie politique allemande. 

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L'Allemagne a ainsi annoncé vouloir instaurer des contrôles à l'ensemble de ses frontières pour lutter contre l'immigration illégale. "Comme dans beaucoup d’autres pays, les partis traditionnels ont le mauvais réflexe d’essayer de contrer la montée de la droite radicale en s’appropriant certaines de leurs propositions. C’est une stratégie perdante", estime Natasha Wunsch, directrice du Centre d'études européennes à l'Université de Fribourg, dans l’émission Géopolitis. "Je crains qu’à terme, ce durcissement de l’immigration en Allemagne ne renforce l’AfD plutôt que de l’affaiblir".

Progression de l’extrême droite dans l’UE

Aux Pays-Bas, le parti de la liberté, le PVV, a remporté les élections législatives en novembre dernier. Mais son dirigeant Geert Wilders a dû se résoudre à renoncer à être Premier ministre faute de soutien, mais avec plusieurs ministères – dont ceux de l’asile et des affaires économiques – le PVV influence la politique nationale.

La droite radicale progresse au sein des gouvernements de l'Union européenne. [RTS - Géopolitis]
La droite radicale progresse au sein des gouvernements de l'Union européenne. [RTS - Géopolitis]

Depuis une vingtaine d’années, les partis de droite radicale ont gagné en popularité. Au sein de l’Union européenne, l’extrême droite est à la tête du gouvernement en Italie et en Hongrie. En Croatie, en Slovaquie, aux Pays-Bas et en Finlande, elle y participe.

Selon la professeure en études européennes, ces formations politiques partagent un socle commun: "Un certain conservatisme culturel qui s'attache notamment à un rejet de l'immigration. Il y a par ailleurs un rejet de tout ce qui est mesure contre le changement climatique, une contestation même de l'existence de ce changement climatique. Et il y a troisièmement une crainte économique qui amène à privilégier le cadre national, le rejet du supranational et le rejet notamment de l'Union européenne comme niveau supérieur de gouvernance."

Ces partis essaient de puiser dans le réservoir d’électeurs qui sont déçus par les partis traditionnels pour les mobiliser en leur faveur

Natasha Wunsch, directrice du Centre d'études européennes à l'Université de Fribourg

Mais ces partis ont aussi des différences. Pour Natasha Wunsch, il faut tenir compte de leur dimension historique et établir une nuance lexicale entre extrême droite et nouvelle droite radicale "qui n’est pas moins dangereuse pour la démocratie". 

Si certains, comme le FPÖ en Autriche ou Fratelli d’Italia en Italie prennent racine dans le fascisme, des partis plus récents comme VOX en Espagne ou Chega au Portugal, émergent et "essaient de puiser dans ce réservoir d’électeurs qui sont déçus par les partis traditionnels pour les mobiliser en leur faveur". Des électeurs de plus en plus nombreux, de tous horizons et couches sociales, "notamment aussi parmi les immigrés récents qui préfèrent être les derniers venus et fermer la porte à ceux qui pourraient venir par la suite", précise la chercheuse.

Les raisons de l’essor

Si ces partis séduisent, c’est parce qu’il y a "un ressenti de menace provenant à la fois de l'intérieur par les difficultés économiques que vivent beaucoup de personnes aujourd'hui, mais aussi de l'extérieur, notamment par un rejet de l'immigration avec des personnes étrangères qui viendraient prendre les emplois et les subsides de l'État des personnes de la nation d'origine", explique Natasha Wunsch.

On peut aussi percevoir l'essor de la droite radicale comme une certaine chance qui permet aux partis traditionnels de se positionner plus clairement

Natasha Wunsch, directrice du Centre d'études européennes à l'Université de Fribourg

Et l'experte d'ajouter: "Ce rejet, avec l'accumulation ces dernières années, d'abord de la crise financière, ensuite de la crise de la migration, a vraiment créé un terrain très fertile pour l'émergence de ces partis et la mobilisation de leurs électeurs."

Que ce soit en Allemagne, en Autriche, en France, en Hongrie ou en Italie, une partie de la population se mobilise et manifeste contre cette poussée. "On peut aussi percevoir l'essor de la droite radicale comme une certaine chance qui permet aux partis traditionnels de se positionner plus clairement et de défendre de manière plus offensive, plus articulée, les avantages de la démocratie libérale et pourquoi il faut la défendre."

>> Réécouter le sujet de Tout un monde sur les similitudes et différences des extrême droites européennes :

WIEN - ÖSTERREICH: FPÖ-Chef Herbert Kickl Herbert Kickl (FPÖ) am Sonntag, 29. September 2024, anlässlich der FPÖ Wahlparty im Rahmen der Nationalratswahl in Wien. [APA/Keystone - ROLAND SCHLAGER]APA/Keystone - ROLAND SCHLAGER
Similitudes et différences des extrêmes droites européennes / Tout un monde / 7 min. / le 4 octobre 2024

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