Salomé Zourabichvilii: Les fraudes électorales en Géorgie ont été "inspirées et soutenues par la Russie"
En Géorgie, les élections législatives ont donné dimanche la victoire au Rêve géorgien, parti au pouvoir piloté par l'oligarque pro-russe Bidzina Ivanichvili. La présidente pro-européenne du pays Salomé Zourabichvilii, en rupture avec son propre gouvernement, dénonce une opération spéciale russe et une forme moderne de guerre hybride contre le peuple géorgien.
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"La Russie a inspiré [cette fraude] et a sans doute aidé", affirme-t-elle mardi lors d'une interview accordée à l'émission Tout un monde de la RTS. "Le parti au pouvoir a utilisé une sophistication dans la violation de ces élections qui a pris tout le monde au dépourvu."
"Les autorités ont manifestement planifié de longue date une violation non seulement systémique, utilisant plusieurs fraudes dont certaines ont pu être connues dans le passé, mais également massive, avec l'utilisation pour la première fois en Géorgie du vote électronique, sous le contrôle d'une commission électorale centrale complètement dominée par le parti au pouvoir et sur laquelle les organisations non gouvernementales, très entravées dans leur fonctionnement depuis la loi [sur l'influence étrangère], n'avaient aucune emprise", poursuit Salomé Zourabichvilii.
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Des fraudes "totales"
Pour la présidente, les fraudes lors de ces élections ont été "tellement totales dans toutes les régions qu'elles n'ont pas suffi à contrebalancer la mobilisation de la population", pourtant "très largement" pro-européenne malgré le programme du Rêve géorgien qui "aurait pu séduire".
"C'est ce caractère total qui me fait dire qu'il y a un soutien [russe], qui est très proche du milieu dirigeant et dont l'intérêt est de voir la Géorgie s'éloigner de l'Europe."
Le Premier ministre Irakli Kobakhidzé assure de son côté que l'adhésion à l'Union européenne reste une priorité et qu'elle sera effective d'ici 2030. Mais pour Salomé Zourabichvilii, il faut plutôt croire les dirigeants européens, "qui ont très clairement dit que si les élections n'étaient pas démocratiques et transparentes, il n'y avait aucun moyen que la Géorgie continue dans sa voie européenne".
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"L'élection n'est pas terminée"
L'ancienne diplomate française garde toutefois espoir sur un rapprochement de son pays avec l'Europe et mise sur la population géorgienne. "Rien n'est encore joué. L'élection n'est pas terminée, il peut encore y avoir beaucoup de changements", affirme-t-elle, confiante.
"La parole, c'est tout ce que m'a laissé la Constitution telle qu'elle a été retravaillée par les autorités. Mais la parole est très forte, tout comme la volonté de la population d'affirmer son européanité", souligne encore Salomé Zourabichvilii, qui cite également le soutien des "partenaires européens et américains".
Désormais en Géorgie, les organisations non gouvernementales et certains partis travaillent à trouver des preuves de fraudes lors des élections, notamment sur le système électronique. L'Union européenne et les Etats-Unis ont également demandé une enquête.
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey
Adaptation web: iar
Des opérations de recomptage
Un recomptage des votes va débuter mardi dans 14% des bureaux de vote en Géorgie, où l'opposition pro-européenne accuse le parti au pouvoir de fraude et d'avoir "volé" les législatives, a annoncé la commission électorale.
Les autorités "vont mener un recomptage des voix dans cinq bureaux de vote de chaque circonscription", selon un communiqué de la commission.
Bruxelles et Washington ont demandé à Tbilissi d'ouvrir des enquêtes sur les allégations d'irrégularités. Voix discordante au sein de l'Union européenne, le dirigeant hongrois Viktor Orban est toutefois en Géorgie où il est arrivé lundi soir pour afficher son soutien au gouvernement face à ces accusations.