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Strava, l'application de running qui permet de pister les présidents

Stravaleaks, quand une application permet de localiser les présidents: interview de Sébastien Bourdon
Stravaleaks, quand une application permet de localiser les présidents: interview de Sébastien Bourdon / Forum / 6 min. / le 31 octobre 2024
Selon une enquête du journal Le Monde, Strava, une application très connue des coureurs, est utilisée par les gardes du corps d'Emmanuel Macron ou de Joe Biden. "C'est très facile" de suivre ainsi les déplacements présidentiels, explique dans Forum Sébastien Bourdon, co-auteur de l'enquête.

Des gardes du corps d'Emmanuel Macron, de Joe Biden ou de Vladimir Poutine ont utilisé l'application de running Strava sans se douter que cela permettait de les localiser, et donc de connaître dans le détail les déplacements des chefs d'Etat, révèle une enquête du journal français Le Monde.

Interrogé jeudi dans Forum, Sébastien Bourdon, co-auteur de l'enquête, explique que celle-ci est la suite d'autres enquêtes réalisées ces dernières années. En 2018, un reportage du New York Times avait déjà démontré que l'application Strava pouvait être liée à une faille de sécurité qui concernait alors l'armée américaine. "Nous avons poursuivi ce travail en allant plus loin et en trouvant des profils encore plus sensibles que les profils des militaires."

Il est "malheureusement très facile" de retracer les déplacements d'un chef d'Etat en utilisant l'application, explique le journaliste. "On a réussi à le faire avec mon collègue Antoine Girard en l'espace de quelques clics. L'idée était d'arriver à identifier les profils des gardes du corps, publics sur cette application, en les identifiant dans des endroits discriminants, c'est-à-dire des endroits où, par définition, ils étaient les seuls à avoir accès."

Cela paraît hallucinant que des personnes dont le cœur du métier est la sécurité du chef de l'Etat ne prennent pas la précaution sommaire de mettre leur profil en privé

Sébastien Bourdon, journaliste

La résidence secondaire du président français sous la loupe

Dans le cadre de la présidence française, les journalistes se sont intéressés au pavillon de la Lanterne, qui est la résidence secondaire du chef de l'État, "un endroit évidemment sécurisé". "Les personnes qui y courent sont donc vraisemblablement liées au président Macron. Un certain nombre d'entre elles sont ses gardes du corps. Une fois qu'on a identifié ces profils dans ces lieux, on a tout simplement accès à leur historique et on a pu recouper ces données avec les déplacements d'Emmanuel Macron."

Comment expliquer que l'entourage des chefs d'État ne prenne pas plus de précaution ou interdise l'utilisation de ce type d'application aux gardes du corps?

"C'est la grande interrogation de notre enquête. La seule explication que je vois est l'amateurisme. Cela fait plus de six ans maintenant qu'on sait que cette application peut provoquer des failles de sécurité liées à l'armée. Cela paraît hallucinant que des personnes dont le cœur du métier est la sécurité du chef de l'Etat ne prennent pas la précaution sommaire de mettre leur profil en privé", relève Sébastien Bourdon.

Vladimir Poutine aussi concerné

Vladimir Poutine est aussi concerné. "Dans le cas du président russe, on a pu identifier six de ses gardes du corps et on a remarqué que plusieurs d'entre eux ont séjourné à quatre reprises dans les environs immédiats d'un palais qui se situe sur les rives de la mer Noire, au sud de la Russie". Ce palais, d'après l'opposition, appartiendrait au président russe ou en tout cas, serait utilisé par le président russe. Or le Kremlin a toujours nié l'utilisation de cette maison par Vladimir Poutine.

Suite à la publication de l'enquête, "près de la moitié des profils des gardes du corps d'Emmanuel Macron et de Joe Biden, ont été passés en privé ou supprimés. Mais il reste à peu près la moitié des profils qui sont encore publics et qui sont encore actifs ou l'ont été très récemment. Du côté de la Russie, les six profils qu'on a identifiés sont toujours en ligne", conclut Sébastien Bourdon.

Propos recueillis par Renaud Malik

Adaptation web: France-Anne Landry

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