Trump fait planer la menace de guerres commerciales tous azimuts avec ses voisins
"Le 20 janvier, pour l'un de mes nombreux premiers décrets, je signerai tous les documents nécessaires pour imposer au Mexique et au Canada des droits de douane de 25% sur TOUS les produits entrant aux Etats-Unis", a écrit lundi le président élu sur son réseau Truth Social.
C'est à cette date que le républicain de 78 ans, élu confortablement le 5 novembre, prêtera serment. "Cette taxe restera en vigueur jusqu'à ce que les drogues, en particulier le fentanyl, et tous les immigrants illégaux arrêtent cette invasion de notre pays", a-t-il ajouté.
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Des mesures déjà prises par le Mexique
Face à ces menaces, la présidente du Mexique Claudia Sheinbaum a écrit à son futur homologue républicain pour le mettre en garde: "A un tarif douanier, un autre viendra en réponse et ainsi de suite jusqu'à ce que nous mettions en danger nos entreprises communes".
Et d'interroger Donald Trump: "Savez-vous que les principaux exportateurs du Mexique vers les Etats-Unis sont General Motors, Stellantis et Ford Motors Company, qui sont arrivés au Mexique il y a 80 ans?"
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Claudia Sheinbaum a défendu le traité de libre-échange qui unit le Canada, les Etats-Unis et le Mexique et qui a été "bénéfique pour renforcer l'économie de l'Amérique du Nord". La présidente mexicaine a également rappelé que le Mexique avait déjà pris des mesures pour réduire la migration en direction des Etats-Unis et souffrait tout autant du trafic de drogue.
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Les deux économies sont très imbriquées depuis la signature de l'accord en 1994. Les Etats-Unis sont devenus le premier partenaire commercial du Mexique en 2023, qui y exporte 83% de sa production.
Une zone frontalière importante
Dans les faits, il existe une véritable interdépendance économique entre les deux pays. Les chaînes de production sont étroitement liées, en particulier le long des 3000 kilomètres de frontières entre les deux pays, avec des zones industrielles spécialisées dans le domaine automobile à Ciudad Juárez, ou dans l'électronique à Tijuana.
Cette production électronique est essentiellement destinée au marché américain. Elle avait bénéficié de la décision en janvier 2023 de Joe Biden d'inclure le Mexique dans la production de semi-conducteurs pour contrer l'hégémonie chinoise.
Empêcher les produits chinois d'entrer aux Etats-Unis par le Mexique est aussi une raison avancée par Donald Trump pour imposer des droits de douane. A cette attaque, le Mexique répond qu'une équipe travaille pour proposer des solutions à ses partenaires pour réduire la part des composants chinois dans la production destinée aux Etats-Unis.
Cette part de pièces chinoises a augmenté ces dernières années, car les entreprises américaines implantées au Mexique les importent de plus en plus. Selon Claudia Sheinbaum, réduire le nombre de ces pièces implique une décision à l'échelle de toute l'Amérique du Nord. Reste à savoir si cette proposition sera écoutée par les partenaires américains et canadiens.
"Comme être poignardé par un membre de sa famille"
Au Canada, où 75% des exportations partent pour les Etats-Unis, les réactions à l'annonce-choc de Donald Trump ont fusé lundi. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau, dont la relation avec le milliardaire a toujours été tendue, a affirmé avoir eu un "bon" échange téléphonique avec le président élu. Il a tenu à rassurer les Canadiennes et les Canadiens sur sa capacité à limiter les répercussions économiques qu'aurait une telle décision.
Selon Doug Ford, qui dirige la province de l'Ontario, les commentaires du futur locataire de la Maison Blanche sont "injustes" et "insultants". "C'est comme être poignardé par un membre de sa famille", s'est-il insurgé, précisant que le Canada n'aura pas d'autre choix que de riposter si l'administration Trump appliquait ces droits de douane.
Automobile, pétrole et gaz affectés
La province de l'Ontario a en effet un lien très fort avec son voisin américain, notamment pour les usines de fabrication automobile. En Alberta, dans l'ouest du pays, l'impact pourrait être grand concernant l'industrie du pétrole et du gaz. Pour le Québec, les mesures américaines pourraient toucher 23% de son économie.
S'ils sont effectivement appliqués, les nouveaux tarifs douaniers évoqués par Donald Trump pourraient avoir un effet négatif sur le marché canadien, avec un dollar canadien qui pourrait être dévalué et des investissements qui pourraient ralentir. Près de 70% des échanges au Canada se font avec les Etats-Unis, permettant à plus de deux millions de Canadiens de travailler.
L'industrie de l'aluminium pourrait aussi en pâtir, car le pays exporte plus de 90% de sa production vers les Etats-Unis, avec à la clé une perte de revenu considérable. Néanmoins, "tout est loin d'être joué", relève la correspondante de la RTS au Canada Camille Fereisen dans Tout un monde.
"Les Américains consomment largement plus d'aluminium qu'ils n'en produisent. Dans un premier temps, cela aurait un impact potentiellement désastreux pour eux, puisqu'ils se retrouveraient à payer 25% plus cher pour le métal", précise-t-elle.
Une tactique pour négocier?
Certains économistes canadiens appellent à ne pas paniquer face aux annonces de Donald Trump, rappelant que le Canada est le principal client de 34 Etats américains, dans lesquels des emplois dépendent de cette relation commerciale.
Reste à savoir désormais si Donald Trump mettra sa menace à exécution, ou si ces déclarations fracassantes relèvent davantage de la stratégie de l'ancien homme d'affaires, enclin à aborder les relations diplomatiques, politiques ou économiques sur le mode de l'empoignade.
Adaptation web: Jérémie Favre