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Vingt ans après le tsunami de 2004 dans l'océan Indien, des Suisses retournent sur place

Disparus suisses du Tsunami
Disparus suisses du Tsunami / Mise au point / 15 min. / le 15 décembre 2024
Le 26 décembre 2004, un tsunami dévastateur a ravagé les côtes de l'océan Indien, emportant avec lui plus de 280'000 vies, dont 113 Suisses et Suissesses. Vingt ans plus tard, des familles romandes endeuillées s'apprêtent à retourner en Thaïlande, là où leur vie a basculé.

Parmi les victimes, de nombreux enfants ont perdu la vie, laissant des familles dévastées, comme celles de Laurence Pian et de Mary-France Fatton. Vingt ans plus tard, elles s'apprêtent à retourner en Thaïlande pour honorer la mémoire de leurs proches disparus. Les deux familles ont témoigné sur leurs parcours aux destins communs et la RTS a suivi les quelques jours avant le voyage en Thaïlande et l'arrivée à l'aéroport.

Le fils de Laurence, Lennart Åstrand, qui avait seize ans à l'époque du drame, a entrepris un périple de 20'000 kilomètres à moto de Salvan, dans le canton du Valais, jusqu'à Bangkok. Un voyage symbolique qui marque "un chemin de vie de 20 ans". Ce périple de 100 jours, démarré en septembre, est à la fois un hommage et une quête personnelle. C'est une manière de rattraper le temps perdu avec ses frères, emportés par les vagues meurtrières sur une plage de Khao Lak dans la province de Phang Nga.

Il a sillonné 13 pays sur sa moto. S'autoriser à tout plaquer pour prendre la route a été un acte formidablement libérateur. Il a été porté tout du long par le souvenir de ses petits frères. "Pendant mon voyage, je me suis senti souvent porté. Un peu comme s'ils m'avaient agrippé par le t-shirt et puis amené à ma destination".

De l'eau bouillonnante

Sur une plage de Khao Lak, il a perdu ses deux petits frères, Jan, 12 ans, et Oscar, 8 ans, lors de leur premier jour en Thaïlande, un "cadeau de Noël" de leur père fraîchement séparé de leur mère. "On était sur la plage, on jouait, jusqu'au moment où mon père a vu au large l'eau comme bouillonnante". Ce souvenir tragique est marqué par le "dernier cri de panique" de son frère avant d'être englouti par les flots. Par miracle, Lennart et son père ont survécu, tout comme sa petite sœur.

Les corps de ses deux frères n'ont été retrouvés que des mois plus tard, permettant enfin une "petite cérémonie d'enterrement" qui a libéré la famille d'une attente interminable. Ce retour en Thaïlande, après deux décennies de deuil, est pour eux "la dernière escale d'un voyage hautement symbolique" où ils se recueilleront là où, chaque année, les disparus sont pleurés.

Je me faisais peur des fois en me disant: 'c'est pas possible, tu continues à vivre et à rire. Tu as perdu tout ce qui faisait ta vie et tu continues à vivre'

Mary-France Fatton

Une fondation pour se reconstruire

Le voyage à moto de Lennart contribue à promouvoir une fondation créée par sa mère, Laurence. "De Suisse en Thaïlande à moto - un voyage pour Jan et Oscar", peut-on lire sur le site. C'est une grande fierté pour elle que son fils aîné s'engage dans la Fondation Jan & Oscar, qu'elle a créée quelques mois seulement après la mort de ses fils. Elle a réussi à se reconstruire grâce à cette organisation humanitaire dont l'un des buts est de financer la construction d'une école pour l'Andaman Centre for Migrant Education, dans une région frappée violemment par le tsunami.

D'une histoire très triste, on peut en faire quelque chose de positif et on peut en faire une force

Laurence Pian, fondatrice de la Fondation Jan & Oscar

Laurence s'est aussi rendu au Collège Champittet, à Pully, où son fils Jan était scolarisé, pour présenter l'historique de création de sa fondation. Elle explique notamment comment le séisme a provoqué les vagues dévastatrices qui ont rayé des villages entiers de la carte. "Pourquoi je vous parle de tout ça?", interroge-t-elle devant l'assemblée. C'est parce que "d'une histoire très triste, on peut en faire quelque chose de positif et on peut en faire une force", philosophe-t-elle.

Pour Laurence, ces fils vivent toujours dans son cœur, mais aussi dans celui des proches et, grâce à la Fondation qui porte leurs noms, dans celui de gens qu'ils ne connaissaient même pas. "J'avais envie de continuer leur vie, un peu par personne interposée si on peut dire, par procuration".

"Le bruit des vagues"

Au Locle à Neuchâtel, Mary-France se prépare aussi pour ce voyage commémoratif. Elle partage une amitié très profonde avec Laurence et se tiendra à ses côtés le 26 décembre en Thaïlande. En 2004, elle a perdu son mari Pierre-Alain et ses deux fils, Tristan et Jan. Sauvée in extremis de la noyade et grièvement blessée, elle est restée hospitalisée de longs mois au CHUV.

Des étrangers et des Thaïlandais lâchent quelques-unes des 2552 lanternes flottantes pour marquer le cinquième anniversaire de la catastrophe du tsunami de 2004 sur le site commémoratif du bateau de patrouille de police Tor 813, dans la province de Phang Nga, dans le sud de la Thaïlande, le 26 décembre 2009. [KEYSTONE - RUNGROJ YONGRIT]
Des étrangers et des Thaïlandais lâchent quelques-unes des 2552 lanternes flottantes pour le 5ème anniversaire de la catastrophe du tsunami de 2004, dans la province de Phang Nga, dans le sud de la Thaïlande, le 26 décembre 2009. [KEYSTONE - RUNGROJ YONGRIT]

Elle a dû se reconstruire après toutes ses blessures. "Le peu de temps que j'ai eu mes enfants, ils m'ont donné tellement d'amour", dit-elle, se rappelant la force que ces souvenirs lui apportent encore aujourd'hui. "On a cette force en nous de pouvoir continuer, le problème, c'est qu’elle fait peur. Je me faisais peur des fois en me disant: 'c'est pas possible, tu continues à vivre et à rire. Tu as perdu tout ce qui faisait ta vie et tu continues à vivre'".

Mary-France a donc continué à vivre, mais avec des stigmates encore présents. Pour elle, "affronter les vagues, affronter le bruit des vagues" est toujours difficile. C'est grâce au soutien de sa famille, à une thérapie et aussi à l'équitation qu'elle a réussi à se reconstruire.

>> Voir le documentaire dix ans après la tragédie :

Il ne reste plus rien des hôtels construits en bord de mer à Khao Lak. [Malik Baulet]
Tsunami 2004, un voyage sans retour / Les coulisses de l'événement / 63 min. / le 17 décembre 2014

Derniers préparatifs avant le voyage

Quelques jours avant le départ en Thaïlande, Mary-France et Laurence se retrouvent dans un village de la Riviera vaudoise pour une dernière vente caritative. Une bijoutière a conçu des bracelets et des colliers à l'effigie de la Fondation: deux "petits bonhommes". "C'est intemporel, ces petits bracelets. Comme ça, on a toujours nos petits enfants avec nous", s'émeut Mary-France.

Ce voyage, entre joie et appréhension, est un chapitre qui se ferme et en même temps un autre qui s'ouvre. Une sorte de "redépart", propose Laurence en pensant à son fils Lennart.

L'aéroport Suvarnabhumi de Bangkok

Quelques jours avant le 26 décembre, c'est l'heure des retrouvailles: Mary-France, Laurence, la femme de Lennart et ses deux filles sont arrivées à l'aéroport Suvarnabhumi à Bangkok. Pour Lennart, c'est un gros chapitre qu'il clôt, après trois mois et demi face à lui-même sur sa moto.

La date que tout le monde attend avec appréhension, c'est le 26 décembre, un anniversaire qu'ils vivront ensemble. Cet anniversaire sera le moment d'honorer la mémoire des proches disparus. Sur la plage de Khao Lak, ils lâcheront des lanternes en papier, symbole, dans la culture thaï, de l'éloignement des malheurs de la vie.

>> Parcourir le minute par minute du 26 décembre 2004 : Le tsunami du 26 décembre 2004 minute par minute

Sujet TV: Nathalie Ducommun

Adaptation web: Gaël Itim

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