Un médecin réserviste israélien choisit de briser le silence pour témoigner de la situation à Gaza
Yuval Green est un réserviste de 26 ans qui a servi, en tant que médecin, au sein d'une brigade de parachutistes déployée à Khan Younes, dans le sud de la bande de Gaza. Avant le 7 octobre, il envisageait de quitter l'armée pour marquer son désaccord avec la politique israélienne menée dans les territoires palestiniens. L'attaque terroriste du Hamas l'a toutefois fait revenir sur sa décision. "Ce n'était pas juste, dit-il, de quitter mes amis" à ce moment-là.
Mais lors de son déploiement à Gaza, la réalité du terrain, et notamment l'étendue des destructions massives, l'a profondément choqué. "Que vous regardiez à droite ou à gauche, ce n'était que des bâtiments en ruine. Toutes les infrastructures étaient complètement inutilisables. Nous avons détruit les routes. Tous les bâtiments que nous avons vus à Gaza étaient au moins partiellement endommagés", témoigne-t-il.
Certains soldats ont confondu les objectifs militaires avec leur désir personnel de vengeance. Ils ont pillé des souvenirs, fait des graffitis, (...) ils nous ont même ordonné de brûler des maisons
Il évoque une atmosphère chargée de ressentiment et de démonisation des habitants de Gaza après l'attaque terroriste du Hamas. "Dans ma section, par exemple, je ne pense pas qu'il y ait une seule personne qui n'ait pas connu quelqu'un qui a été brutalement assassiné le 7 octobre. Dans ce contexte, vous devez comprendre à quel point les gens étaient furieux."
Ce qui a provoqué, selon lui, "une confusion entre les objectifs militaires que nous étions censés remplir et le désir de vengeance personnelle des soldats." Pour Yuval Green, le point de rupture est intervenu quand il a reçu l'ordre de brûler une maison sans aucune raison valable: "c'est à ce moment-là que je me suis dit: je ne veux plus rester, je pars".
Entre évacuation et confrontation
Quand on lui pose la question des très nombreuses victimes palestiniennes, Yuval Green estime "qu'Israël essaie d'empêcher la mort de Palestiniens innocents. En fait-il assez? Je pense que non."
Et de relever que des "erreurs se produisent tout le temps. Même dans nos propres rangs; il nous arrive de tuer accidentellement nos propres soldats." Il souligne également la difficulté de distinguer les civils des combattants du Hamas, qui ne portent aucun signe distinctif et se fondent dans la population.
"L'armée dit essentiellement aux Palestiniens: cette région va devenir une zone de guerre, si vous tenez à votre vie, vous devez évacuer. Quant à ceux qui restaient, nous pensions qu'ils allaient nous tirer dessus ou se battre contre nous", dit Yuval Green.
La quantité de destruction que nous avons laissée derrière nous était tout simplement inimaginable
Concernant les infrastructures et les bâtiments de Gaza, il a été particulièrement marqué par l'absence de précaution prise pour les préserver: "Nous n'avions besoin d'aucune autorisation pour faire ce que l'on voulait. Nous aurions pu sans autre brûler une maison dans laquelle vivaient, disons, trois familles qui se seraient retrouvées sans abri. Et j'ai trouvé cela horrible".
Plaidoirie pour un Etat palestinien
Yuval Green et une quarantaine d'autres réservistes ont pris la décision de signer une lettre exprimant leur refus de continuer à servir à Gaza. Mais il s'agit d'une position qui reste très minoritaire en Israël. Si Yuval Green a décidé de s'exprimer publiquement, c'est dans l'espoir de contribuer à mettre fin à la guerre. "Il y a actuellement un moyen clair de le faire. Nous avons un accord sur la table, et Israël refuse de le signer parce qu'il n'est pas prêt à arrêter la guerre."
Et pour lui, il est "important de dire aux pro-Palestiniens que je suis de leur côté. Je pense qu'une partie de la solution à cet horrible conflit serait d'établir un Etat palestinien fonctionnel."
Réaction de l’armée israélienne
Dans un communiqué à CNN - après une interview de Yuval Green - l'armée israélienne précise que "les actions de l'armée sont soumises aux lois israéliennes et internationales. Dans certain cas, pour éliminer une menace, il faut détruire des bâtiments", mais elle affirme le faire "selon des moyens appropriés." Et elle précise que "les actions et les incidents qui ne sont pas conformes aux ordres et à la loi font l'objet d'une enquête".
Sujet radio: Patrick Chaboudez
Adaptation web: Miroslav Mares