Une vaste étude pointe la "marée montante" de l'antisémitisme en Europe ces cinq dernières années
Selon les résultats de cette enquête de l'Agence des droits fondamentaux (FRA), 90% des personnes interrogées ont été confrontées à l’antisémitisme en ligne au cours de l'année précédant leur réponse. Dans la sphère publique, 56% des personnes interrogées ont été victimes d’antisémitisme de la part de personnes qu'elles connaissent et 51% dans les médias.
En outre, 37% déclarent avoir été harcelées au motif qu’elles sont juives, la plupart d’entre elles à plusieurs reprises. Ces violences se produisent le plus souvent dans la rue, les parcs ou les magasins. La FRA relève aussi que les stéréotypes ont la vie dure. Ceux qui accusent les juifs de contrôler la finance et les médias sont les plus courants.
Au total, 96% ont été confrontés à l'antisémitisme au moins une fois en 2022-2023. Et une écrasante majorité (80%) des répondants juge ainsi que la situation s'est aggravée ces cinq dernières années.
Un tableau accablant
Dans ce contexte tendu, 76% des répondants disent "cacher occasionnellement leur identité" juive. C'est particulièrement le cas en France, où ils sont 83% à le faire.
L'étude dresse donc un tableau accablant du climat d'insécurité dans lequel vit la communauté juive d'Europe, alors même qu'elle a été réalisée avant l'attaque palestinienne du 7 octobre sur Israël.
Or, le tableau s'est encore noirci depuis le début des représailles israéliennes. Si l'étude elle-même a été menée avant ces événements, le rapport contient des informations sur l'antisémitisme recueillies plus récemment auprès de 12 organisations communautaires juives. Selon certaines d'entre elles, le nombre "d'incidents antisémites" aurait plus que quadruplé depuis octobre 2023.
Capitaliser sur les progrès à réaliser
L'UE et certains de ses États membres ont mis en place des mesures et des plans d’action pour s’attaquer à l’antisémitisme "qui ont permis de réaliser certains progrès", souligne la FRA. Mais les efforts de la stratégie européenne en la matière, lancée en 2021, pourraient être sapés par la situation au Proche-Orient.
Dans ce contexte, le rapport propose des moyens concrets pour tirer parti des progrès réalisés. Il suggère de mieux financer des plans d’action contre l’antisémitisme dans les pays de l'UE qui n'en disposent pas et d’élaborer des indicateurs permettant de suivre la situation. En matière de sécurité, les pays devraient investir davantage dans la protection des personnes juives.
En outre, les plateformes en ligne devraient traiter et supprimer plus systématiquement les contenus antisémites, mieux enquêter sur les contenus problématiques et engager des poursuites à leur encontre. Enfin, le signalement et l'enregistrement des actes antisémites devraient être davantage promus.
Il s'agit de la troisième enquête sur le sujet après ceux de 2013 et de 2018. Mi-juin, la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance dénonçait une recrudescence des actes antisémites et islamophobes en Europe.
>> Lire à ce sujet : Le Conseil de l'Europe alerte sur les actes racistes, xénophobes et antisémites
Pierrik Jordan avec afp et zd
Treize pays qui rassemblent 96% de la communauté juive d'Europe
L'enquête de l'Agence des droits fondamentaux a été menée en ligne entre janvier et juin 2023 auprès de 8000 personnes dans 13 pays de l'Union européenne: la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Autriche, la Hongrie, la Belgique, la Tchéquie, le Danemark, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, l'Espagne et la Suède. Ces 13 pays rassemblent 96% de la population juive estimée en Europe.
Le panel comportait 52% de femmes et 47% d'hommes, avec une très légère surreprésentation des plus de 60 ans (36% pondéré, contre 33% pour les 16-39 ans et 30% pour les 40-59 ans). Les personnes ayant un niveau d'études supérieur étaient largement majoritaires (79%).
En janvier et février 2024, l'agence a complété son travail en s'informant auprès de 11 organisations faîtières nationales et une organisation européenne juives sur les répercussions enregistrées de la flambée de violences au Proche-Orient. Ces apports ont été fait de manière anonyme et le rapport ne fournit donc que des informations très générales sur ce volet.