Au sud de Bagdad, la famille al ShumMari se prépare à marier son fils. Ahmed, 18 ans, doit épouser une adolescente d'à peine 15 ans. Il ne la connaît pas: c'est la fille d'un ami de son père.
Dans l'émission Tout un monde de la RTS, Abou Ghazi, le père du futur marié, a expliqué l'importance d'un tel mariage pour sa famille: "Lorsque la mère marie sa fille, plus personne n’est là pour l’aider. Elle doit donc marier son fils pour avoir à nouveau de l’aide à la maison. Même si son fils est jeune".
La mère d'Ahmed entend perpétuer cette tradition et s'occupera de l'éducation de sa future belle-fille de 15 ans. Les mariés grandiront ensemble et "seront tous les deux heureux. De cette façon, ils se comprendront", explique-t-elle. Pour elle aussi, il est important de marier son fils jeune: "Et s'il se marie avec une fille plus âgée que lui, elle ne le comprendra pas".
Près d'un tiers des filles déjà mariées avant 18 ans
En Irak, l'âge légal du mariage est actuellement de 18 ans. Entre 15 et 18 ans, l'union doit être au préalable approuvée par un juge en fonction de la maturité de la jeune fille. Cette loi pourrait être prochainement modifiée au profit de la jurisprudence islamique "Jaafari", soutenue par de nombreux musulmans chiites.
Selon l'Unicef, 28% des filles irakiennes sont mariées avant l'âge de 18 ans. Et la Mission des Nations unies en Irak s'alarme: 22% des mariages non enregistrés concernent, eux, des filles de moins de 14 ans.
Le mariage d’enfants est un crime qui devrait être combattu
L'imam chiite Sheikh Noor al Saadi défend fermement ce projet de loi: "A neuf ans, si l'esprit et le corps suivent, la fille peut être mariée, à condition que le corps soit mature". Il souligne l'importance de sa maturité: si une fille semble "petite et a un comportement d'enfant et non d'adulte", elle ne peut pas se marier.
Pour ce guide religieux, la loi actuelle détruit la famille. Quant à la réforme, "elle protège la femme, l’homme et l’enfant, car elle émane de Dieu et a été écrite en vue de construire la famille et non de la détruire".
"Privées d'éducation"
Des propos que réfute en bloc l’activiste irakienne Hannah Edwar, défenseure des droits des femmes. "Le mariage d’enfants est un crime qui devrait être combattu", affirme-t-elle. Elle rajoute que toute une génération de filles sera privée d'éducation et n'aura pas accès à de bons services de soins et de santé. "Elles font parfois l’objet de trafic. Des femmes sont vendues sous couvert du mariage et sont ensuite prostituées. C’est une tragédie", déplore l'activiste.
Depuis 1959, la législation du mariage, du divorce et des héritages dépend de l’Etat irakien et non plus des autorités religieuses. Mais si la loi est modifiée, les Irakiens et Irakiennes pourront choisir de régler ces questions à nouveau auprès des autorités religieuses, ce qui ouvrirait la voie au mariage de très jeunes filles.
Sujet radio: Anne-Sophie Le Mauff
Adaptation web: Lucie Ostorero avec afp