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Vladimir Poutine promet une Russie qui ne se laissera pas "intimider"

Vladimir Poutine a célébré lundi son écrasante victoire lors des élections présidentielles. Le président russe a mentionné pour la première fois le nom d'Alexeï Navalny
Vladimir Poutine a célébré lundi son écrasante victoire lors des élections présidentielles. Le président russe a mentionné pour la première fois le nom d'Alexeï Navalny / 12h45 / 1 min. / le 18 mars 2024
Vladimir Poutine, réélu sans surprise pour six années supplémentaires au Kremlin, a dressé le portrait d'une Russie "consolidée" par sa victoire. Le pays ne se laissera pas "intimider" par ses adversaires, dit-il.

Le maître du Kremlin, au pouvoir depuis près d'un quart de siècle, a obtenu officiellement 87,28% des suffrages après le dépouillement de tous les bureaux de vote en Russie, selon les résultats actualisés publiés lundi par la Commission électorale. Il s'agit de son meilleur résultat, à l'issue d'un scrutin d'où l'opposition a été écartée.

>> Relire : Vladimir Poutine triomphalement réélu après une présidentielle sur mesure

Dimanche soir, le président russe a tenu une conférence de presse surprise lors de laquelle il a remercié ceux qui sont allés voter et qui ont permis de créer les conditions d'une "consolidation politique interne", deux ans après le début de l'assaut contre l'Ukraine et de l'adoption de sanctions sans précédent par les Occidentaux.

"Tenir tête à tous nos adversaires"

"Je tiens à vous remercier tous, ainsi que tous les citoyens du pays, pour votre soutien et votre confiance", a-t-il lancé devant son équipe de campagne, avant de promettre que la Russie tiendra tête à tous ses adversaires.

"Peu importe qui veut nous intimider ou à quel point, peu importe qui veut nous écraser ou à quel point, notre volonté ou notre conscience. Personne n'a jamais réussi à faire quelque chose de semblable dans l'histoire. Cela n'a pas fonctionné aujourd'hui et ne fonctionnera pas à l'avenir", a lancé le président de 71 ans.

>> Lire aussi : Vladimir Poutine: sauveur des valeurs traditionnelles ou dangereux réactionnaire ?

Comment expliquer ce plébiscite de plus de 87%?

Pour Nadia Sikorsky, rédactrice en cheffe du média russophone Nasha Gazeta, basé en Suisse, il est impossible de tirer une conclusion sur la base de ces chiffres "parce qu'on ne peut pas les croire".

"Ce qui est drôle, poursuit-elle lundi dans La Matinale: même la présidente de la commission électorale russe a publiquement remercié l'Occident qui a poussé les Russes à s'unifier et à serrer les rangs autour du président".

L'Occident serait-il responsable de ce score soviétique? "C'est une réaction d'autodéfense évidemment, contre la propagande 24 heures sur 24 qui raconte que la Russie est la victime de méchants Occidentaux. Malheureusement, cette propagande marche car il y a beaucoup de Russes qui ne s'intéressent pas aux autres avis et qui ne font confiance qu'à la première chaîne gouvernementale", relève-t-elle encore.

>> Son interview complète :

Vladimir Poutine est réélu président de la Russie: interview de Nadia Sikorsky
Vladimir Poutine est réélu président de la Russie: interview de Nadia Sikorsky / La Matinale / 6 min. / le 18 mars 2024

Un vote par défaut

Ce score annonce une certaine radicalité à venir, ou en tout cas un régime de plus en plus répressif, analyse de son côté la journaliste Isabelle Cornaz, ancienne correspondante de la RTS à Moscou, dans l'émission Tout un monde. Ce régime tient par la propagande et par la peur davantage que par l'adhésion. Ce vote en faveur du président Poutine est aussi un vote par défaut, par manque d'alternative, explique-t-elle.

De plus, c'est la première fois que Vladimir Poutine est réélu depuis le début de l'invasion de l'Ukraine en 2022. Quand il a été élu en 2018, il n'a pas été élu pour mener la guerre. A présent, il a obtenu en quelque sorte un mandat pour la guerre, alors qu'une partie importante des Russes souhaitent en fait la fin des hostilités. 

>> Regarder le sujet du 19h30 sur les célébrations de la victoire de Poutine: :

Le Président russe Vladimir Poutine célébrait lundi sa victoire aux présidentielles et les dix ans de l’annexion de la Crimée
Le Président russe Vladimir Poutine célébrait lundi sa victoire aux présidentielles et les dix ans de l’annexion de la Crimée / 19h30 / 2 min. / le 18 mars 2024

L'ampleur des fraudes difficile à évaluer

Ce chiffre fait évidemment penser à des fraudes. Mais il est difficile d'en évaluer l'ampleur, relève-t-elle encore. "On a vu beaucoup moins de vidéos de bourrage d'urnes que par le passé, mais il y a aussi moins d'observateurs. D'autres techniques ont été mises au point, qui permettent de manipuler un peu avant le jour de l'élection. Ainsi, le vote électronique, en vigueur désormais dans un tiers des régions et encouragé par les autorités, est impossible à contrôler". Le vote sur trois jours, voire sur trois semaines dans les territoires occupés ukrainiens, permet également davantage de manipulations, notamment la nuit.

Les correspondants étrangers en poste à Moscou ont également remarqué que, dans les bureaux de vote, il y avait moins de rideaux dans les isoloirs et plus de membres des forces de l’ordre tentant de contrôler les bulletins des électeurs

Un autre point très important est la pression en amont sur tous les gens qui dépendent de l'État: les fonctionnaires, les employés des entreprises liées à l'État ou encore les retraités sont incités à voter pour Vladimir Poutine et en fournir des preuves, en envoyant par exemple une photo de leur bulletin de vote.

>> L'analyse d'Isabelle Cornaz dans Tout un monde :

Des camions lance-missiles du système de défense antiaérien S-400, le 9 mai 2023, lors de la parade militaire à Moscou commémorant la victoire lors de la Deuxième Guerre mondiale. [Keystone - Pelagia Tikhonova/AP]Keystone - Pelagia Tikhonova/AP
Réélection présidentielle en Russie: l'analyse d'Isabelle Cornaz / Tout un monde / 6 min. / le 18 mars 2024

Légitimer son pouvoir

Cette élection est nécessaire pour Vladimir Poutine pour légitimer son régime et la guerre en Ukraine vis-à-vis des citoyens mais surtout vis-à-vis de l'élite politique, relève encore la journaliste. Il s'agit pour lui d'affirmer son pouvoir et de montrer qu'il contrôle la situation, y compris ce scrutin.

C'est aussi une manière de décourager la minorité qui ne veut pas du régime actuel. Le décès de l'opposant Alexeï Navalny avait déjà été un coup très dur pour cette frange de la population qui ne veut pas du président et du régime actuel. 

Décourager l'opposition

Dans le même temps, depuis le début de l'année, trois événements ont permis à cette minorité de se retrouver et de voir qu'elle existe: tout d'abord, la récolte de signatures en soutien au candidat Boris Nadejdine, finalement été écarté du scrutin, puis quelques semaines plus tard l'enterrement d'Alexeï Navalny avec cette foule venue déposer des fleurs. Enfin, ce dimanche, l'action "midi contre Poutine" devant les bureaux de vote, qui a bien fonctionné, en Russie comme à l'étranger.

La télévision d'État en Russie a toutefois repris ces images, sans préciser qu’il s’agissait d’une action de l'opposition, pour vanter l’affluence lors de l’élection présidentielle.

>> Reportage à la rencontre des Russes qui célèbrent Vladimir Poutine dans Forum: :

Reportage à la rencontre des Russes qui célèbrent Vladimir Poutine et l’annexion de la Crimée sur la place Rouge de Moscou
Reportage à la rencontre des Russes qui célèbrent Vladimir Poutine et l’annexion de la Crimée sur la place Rouge de Moscou / Forum / 3 min. / le 18 mars 2024

lan avec afp

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En Suisse, Vladimir Poutine perd largement selon un sondage

Sur les bases des votes des Russes en Suisse, Vladimir Poutine a perdu l'élection à la présidentielle. Selon des sondages à la sortie des urnes réalisés à Berne et à Genève, le résultat est inversé par rapport aux 87% de voix revendiqués par le Kremlin.

A Berne, Vladimir Poutine a obtenu 16% des suffrages et à Genève, 20%. Dans les deux villes, des centaines de Russes ont été interrogés - devant l'ambassade respectivement le consulat général - par des membres de l'association Russie de l'avenir/Suisse et par des bénévoles sous la coordination de l'organisation Vote Abroad, a expliqué Polina Petuschkowa de Russie de l'avenir/Suisse à l'agence de presse Keystone-ATS.

Le plus grand nombre de voix a été obtenu par Vladislav Dawankow, 40 ans, du parti du Peuple nouveau, vice-président de la Douma et l'un des trois candidats autorisés à se présenter en plus de Poutine, avec Leonid Slutski et Nikolai Kharitonov.

A Berne, Vladislav Dawankow a obtenu 45% et à Genève 29% des suffrages, dépassant donc nettement Vladimir Poutine, selon le sondage post-électoral. Environ un cinquième des votants ont rendu leurs bulletins inutilisables, donc nul.

Bien que la Commission électorale centrale de la Fédération de Russie à Moscou ait disposé des résultats exacts dès lundi après-midi, l'ambassade russe à Berne n'a pas été en mesure de les communiquer pour la Suisse jusqu'au soir.