Jimmy Carter, de président impopulaire à Nobel de la paix engagé

Grand Format

KEYSTONE - WILSON

Introduction

Au début de la campagne présidentielle de 1976, Jimmy Carter était à peine connu. Le démocrate sera toutefois élu président des Etats-Unis. Il ne fera qu'un mandat, rendu impopulaire par la crise pétrolière et celle des otages américains à Téhéran. L'agriculteur de Géorgie redorera son blason par la suite, en s'engageant pour la démocratie et les droits humains, recevant à ce titre le Nobel de la paix en 2002.

Chapitre 1
1976, l'élection d'un outsider

AFP - GENE FORTE

"Je prie pour que je puisse être à la hauteur de votre confiance et ne jamais vous décevoir." Telles sont les paroles de Jimmy Carter, rapportées par la presse locale au moment de sa victoire à l'élection de novembre 1976. Le 20 janvier de l'année suivante, il sera intronisé 39e président des Etats-Unis, à l'âge de 52 ans.

Devant ses supporters réunis à Atlanta, la capitale de son Etat de Géorgie, il poursuit: "Il est temps pour nous de nous réunir, de corriger nos erreurs, de répondre aux questions difficiles et de grandir notre nation."

Sa victoire lors de la primaire au sein du Parti démocrate, où il doit faire face à de solides concurrents, en avait surpris plus d'un. Bien qu'ayant été gouverneur de la Géorgie entre 1971 et 1975, l'agriculteur spécialisé dans la cacahuète et ancien officier de la marine est méconnu du public au niveau national. "Jimmy qui candidat à quoi?", pique à l'annonce de sa candidature le journal de référence de l'Etat de Géorgie, rappelle le Miller Center, un institut dédié à la politique et rattaché à l'Université de Virginie.

A l'étranger, les médias soulignent son manque de notoriété. Le 3 novembre 1976, alors qu'on dépouille les bulletins de vote, le journal alémanique NZZ écrit: "Il y a 23 mois, Jimmy Carter, alors peu connu, avait officiellement annoncé sa candidature en tant que gouverneur d'un Etat peu important. Il avait serré des mains devant les usines lors du changement d'équipe, avait annoncé dans les supermarchés aux ménagères plus intéressées par la tête de salade qu'il voulait devenir président des Etats-Unis. Il y a un an, il était encore quasiment inconnu des sondages d'opinion."

Scandales politiques

Mais c'est le bon moment pour jouer sur ce profil. La classe politique est alors ébranlée par le scandale du Watergate, qui a mené à la démission du président républicain Richard Nixon, et par l'échec de la guerre du Vietnam.

Jimmy Carter fait campagne en rappelant qu'il n'a rien à se reprocher et promet des changements à Washington.

Le président Jimmy Carter prend la route de la Maison Blanche accompagné de son épouse Rosalynn, le 20 janvier 1977, jour de son investiture comme 39e président des Etats-Unis. [KEYSTONE - SUZANNE VLAMIS]
Le président Jimmy Carter prend la route de la Maison Blanche accompagné de son épouse Rosalynn, le 20 janvier 1977, jour de son investiture comme 39e président des Etats-Unis. [KEYSTONE - SUZANNE VLAMIS]

Il remporte la bataille électorale contre Gerald Ford, le "président non élu". Le républicain avait en effet été nommé vice-président pour remplacer Spiro Agnew, poussé vers la sortie en raison d'accusation d'évasion fiscale, un autre scandale. Après la démission de Richard Nixon, en 1974, Gerald Ford avait donc accédé au sommet de l'Etat.

Dans ce climat qui met les républicains sur la sellette, Jimmy Carter obtient 297 grands électeurs – contre 240 pour son adversaire. Il gagne aussi de justesse le vote populaire, avec 50,1% des voix - même si ce score-là ne compte pas.

Chapitre 2
Une fin de mandat difficile

via REUTERS - Library of Congress

Quatre ans plus tard, c'est la déconvenue. Le républicain Ronald Reagan remporte l'élection présidentielle haut la main: 489 grands électeurs et 44 Etats. Le président sortant, lui, n'en obtient respectivement que 49 et 7 (en comptant le District de Columbia, où est située la capitale Washington).

Que s'est-il passé? Celui qui se voulait proche du peuple est devenu impopulaire. A son entrée en fonction, l'économie était mise à mal par de la stagflation. A la fin de son mandat, l'inflation est toujours là, accentuée par le second choc pétrolier. Le prix de l'essence augmente, le mécontentement aussi. 

Crise des otages en Iran

Au niveau international, la dernière année de présidence de Jimmy Carter est marquée par la crise des otages en Iran. En novembre 1979, l'ambassade des Etats-Unis à Téhéran est prise d'assaut par des étudiants. Une cinquantaine de personnes sont retenues captives, la plupart pendant plus d'une année. Le pouvoir iranien réclame alors l'extradition du Shah, qui avait pris la fuite devant le mouvement révolutionnaire islamique.

Des étudiants iraniens pénètrent dans l'enceinte de l'ambassade des Etats-Unis à Téhéran, le 04 novembre 1979. [KEYSTONE - IRNA]
Des étudiants iraniens pénètrent dans l'enceinte de l'ambassade des Etats-Unis à Téhéran, le 04 novembre 1979. [KEYSTONE - IRNA]

Jimmy carter paiera le prix de cette situation tendue. Des erreurs commises sur le terrain lui coûteront cher. Dans le désert iranien, une opération militaire américaine de libération fait long feu, émaillée de nombreuses avaries et accidents. Une collision entre un hélicoptère et un avion tue huit soldats.

Cet échec donnera un coup de pouce à la campagne de Ronald Reagan. Jimmy Carter, lui, privilégiera dès lors les négociations. Mais les otages seront libérés le jour même de l'investiture de Ronald Reagan. Les relations diplomatiques entre les deux pays ont été officiellement rompues le 7 avril 1980. Depuis cette période, la Suisse est chargée de représenter les intérêts des Etats-Unis en Iran.

>> Lire également : Le rôle de la Suisse dans la crise des otages américains ressort de l'ombre

Crise économique, crise des otages. C'est ce qui est retenu du mandat de Jimmy Carter et qui explique son impopularité.

L'histoire retient aussi son rôle d'artisan des accords de Camp David, qui ont abouti, en mars 1979, à la signature du traité de paix israélo-égyptien.

La signature de l'accord de Paix, le 26 mars 1979, entre le président égyptien Anouar el Sadat et le Premier ministre israélien Menachem Begin, à Camp David, la résidence secondaire des présidents des Etats-Unis. [KEYSTONE - STR]
La signature de l'accord de Paix, le 26 mars 1979, entre le président égyptien Anouar el Sadat et le Premier ministre israélien Menachem Begin, à Camp David, la résidence secondaire des présidents des Etats-Unis. [KEYSTONE - STR]

Avant-gardiste environnemental

Fait moins connu, Jimmy Carter fut un précurseur dans la politique environnementale, avant que le thème n'acquière ses lettres de noblesse.

Il fait par exemple poser des panneaux solaires à la Maison Blanche, qui seront retirés par son successeur. Le président encourage les Américains et Américaines à être économes en énergie, pour laquelle il a créé un Département fédéral en 1977.

"Jimmy Carter était un homme de la terre. Il connaissait tous les coins et recoins du comté de Sumter, en Géorgie", explique Douglas Brinkley, historien à l'Université Rice.

Selon lui, le président était par nature "quelqu'un qui ne croyait pas au gaspillage des ressources naturelles " et qui avait une "profonde affinité" pour la nature.

Le démocrate a également fait en sorte que le gouvernement fédéral protège des millions d'hectares de terres sauvages en Alaska. Il a mis en place un programme de nettoyage de sites pollués.

Chapitre 3
Au service des autres

KEYSTONE - ALEX BRANDON

Après son mandat présidentiel de quatre ans, Jimmy Carter se mettra au service de la société civile, notamment à travers la fondation qui porte son nom.

"Ses efforts infatigables pour trouver des solutions pacifiques aux conflits internationaux, pour faire avancer la démocratie, les droits de l'homme, et pour la promotion du développement économique et social" lui valent le prix Nobel de la paix en 2002.

>> Revoir le sujet du 12h45 du 11 octobre 2002 :

Le prix nobel de la paix 2002 attribué à l'ancien président des Etats-Unis, Jimmy Carter
12h45 - Publié le 11 octobre 2002

Même à un âge avancé, il s'affaire encore sur les chantiers de l'association Habitat for Humanity, qui construit des logements pour les plus démunis.

Inséparable, le couple Carter - ici sur un chantier caritatif en 2015 - est marié depuis le 07 juillet 1946. Née en 1927, Rosalynn Carter s'est beaucoup engagée en faveur des enfants atteints de handicaps. [KEYSTONE - BEN GRAY]
Inséparable, le couple Carter - ici sur un chantier caritatif en 2015 - est marié depuis le 07 juillet 1946. Née en 1927, Rosalynn Carter s'est beaucoup engagée en faveur des enfants atteints de handicaps. [KEYSTONE - BEN GRAY]

Son engagement pour la démocratie refera surface après l'élection présidentielle de 2020 aux Etats-Unis. Un an après l'assaut du Capitole du 6 janvier 2021, il met en garde dans un tribune du New York Times, intitulée "J'ai peur pour notre démocratie".

"Notre grande nation vacille maintenant au bord d'un abîme qui s'élargit", écrit l'ancien président. Sans action immédiate, nous courons un risque réel de conflit civil et de perdre notre précieuse démocratie. Les Américains doivent mettre de côté leurs différences et travailler ensemble avant qu'il ne soit trop tard."