Joe Biden ou Donald Trump au pouvoir: quelles conséquences sur le monde?
- Les États-Unis éliront leur président le 5 novembre prochain. Alors que le duel devrait se jouer entre le républicain Donald Trump, ancien locataire de la Maison Blanche, et le sortant démocrate Joe Biden, cette élection à la tête de la première puissance mondiale sera, comme d'habitude, largement scrutée à l'international.
- Ukraine, Proche-Orient, Chine, Mexique, Otan ou commerce international: de nombreux enjeux mondiaux risquent d'être conditionnés par le nom du vainqueur. Alors que Joe Biden semble incarner la continuité et une certaine stabilité, un retour de Donald Trump apparaît comme un facteur d'incertitude.
- Dans plusieurs dossiers toutefois, les changements ne pourraient finalement être que marginaux ou cosmétiques. Tour d'horizon dans La Matinale de la RTS des potentielles conséquences de cette présidentielle américaine pour le reste du monde.
RTSinfo
Proche-Orient
Les Etats-Unis, meilleurs alliés d'Israël mais pas des Palestiniens
En Israël, Donald Trump est très populaire. Au-delà de son amitié avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu, l'ancien président américain a même une colonie israélienne à son nom, en honneur à sa reconnaissance de la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan. En 2017, il avait également transféré l'ambassade américaine à Jérusalem. "Nous avons vraiment été ravis de cette administration", résume un habitant de Jérusalem dans La Matinale de la RTS.
Cette proximité entre les Etats-Unis et Israël est restée forte depuis l'accession de Joe Biden à la Maison Blanche, même si les massacres à Gaza ont poussé le démocrate à émettre de rares critiques envers son allié. En mai, il a par exemple menacé d'interrompre les livraisons d'armes américaines, essentiellement pour des raisons électorales. Mais malgré ces tensions, quelle que soit l'issue du vote le 5 novembre, les Etats-Unis devraient rester les meilleurs alliés d'Israël.
Pour les Palestiniens en revanche, "une administration Biden ou Trump, c'est un peu le choix entre la peste et le choléra", estime Ines Abdel Razek, directrice plaidoyer de l'Institut palestinien pour la diplomatie publique. Certains Palestiniens américains dénoncent aussi un désintérêt de la part de la Maison Blanche. Mais pour eux, le soutien du peuple américain importe plus celui du futur président.
Ukraine
Joe Biden considéré comme la meilleure option pour préserver l'aide américaine
L'Ukraine observe attentivement le duel entre Joe Biden et Donald Trump, d'autant que pour contrer l'invasion russe, son armée dépend de l'aide militaire américaine. Se souvenant du blocage des républicains d'un nouveau paquet d'aide au Congrès pendant plus de six mois, beaucoup d'Ukrainiens et d'Ukrainiennes craignent une victoire de Donald Trump.
Ils reprochent aussi à l'ancien président d'avoir évoqué une issue diplomatique au conflit, avec de potentielles concessions ukrainiennes. Selon le président ukrainien, si Donald Trump est élu et pousse l'Ukraine à négocier un accord de paix, il resterait dans l'Histoire comme le président qui aura "cédé face à l'axe Russie-Chine-Iran" et qui aura contribué à une "bascule du monde vers l'autoritarisme".
Pour l'historien militaire Cédric Mas, "on est déjà dans un affrontement mondial entre un bloc des démocraties et un bloc des dictatures", et la situation pourrait devenir "dramatique" si Donald Trump était élu. Ainsi, du point de vue de l'Ukraine et sa population, Joe Biden reste une meilleure option.
Chine
Donald Trump, facteur de déstabilisation
Aux yeux de la Chine, aucun des deux candidats n'apparaît idéal. Mais le souvenir de la présidence Trump a laissé un goût particulièrement amer. Jugé impulsif, égocentrique, suprémaciste ou encore facteur d'incertitude par la population chinoise, le républicain est accusé d'avoir lancé une guerre commerciale frontale contre la Chine, à coups de taxes et autres pressions en tout genre.
La position de Joe Biden a toutefois été tout aussi dure, quoique moins imprévisible. "Le président Biden est une moins mauvaise option", analyse Yun Sun, experte des relations sino-américaines. Une déstabilisation générale de l'ordre international pourrait cependant profiter à Pékin. Un retour de Donald Trump à la Maison Blanche pourrait menacer les alliances des Etats-Unis et éroder l'influence globale du pays.
Concernant les relations entre la Chine et Taïwan, Donald Trump pourrait adopter une approche plus ferme envers Pékin. Mais cela ne rassure pas forcément côté taïwanais: "Il y aurait davantage de confrontation et probablement moins de dialogue", affirme George Yin, chercheur et conseiller du gouvernement taïwanais. Dans ce cas, les Etats-Unis pourraient donc devenir "source de problèmes plutôt qu'un facteur stabilisateur".
Otan
L'avenir de l'alliance menacé?
Soutenue par Joe Biden mais critiquée par Donald Trump, l'Otan scrute l'élection présidentielle américaine. L'organisation, formée il y a 75 ans, réunit 32 pays qui se sont promis une protection mutuelle. Sur le papier, l'alliance est solide et la guerre en Ukraine a même resserré les rangs. Mais dans les faits, le soutien américain s'enraie depuis plusieurs années.
Pour le général Jean-Marc Vigilant, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), déjà sous l'administration Obama, les Etats-Unis se sont détournés de l'Europe pour s'intéresser à l'Asie. "Ils ont reconnu dans la Chine leur principal compétiteur stratégique et l'Otan est devenue pour eux quelque chose de moins important", affirme-t-il. À ce désintérêt stratégique s'ajoute la question des dépenses militaires. Plus gros contributeur de l'alliance, les Etats-Unis reprochent aux Européens de ne pas assez mettre la main au portemonnaie. Un agacement encore plus marqué chez Donald Trump.
Ainsi, s'il semble improbable que les Etats-Unis se désengagent totalement de l'Otan, l'alliance a du plomb dans l'aile. Pour l'ex-eurodéputé français Arnaud Danjean (LR, droite), le résultat sera le même quelle que soit l'issue de la présidentielle. Seule la manière pourrait changer: "Avec Donald Trump, ce sera fait avec une brutalité, une rapidité et une hostilité vis-à-vis des Européens qui sont sans commune mesure avec une transition plus souple ou plus douce qui serait négociée avec l'administration démocrate", déclare-t-il.
Mexique
Dans les camps de migrants, la peur de Trump et peu d'espoir de réel changement
Peu de pays sont aussi directement concernés par l'élection américaine que le Mexique, premier partenaire commercial avec lequel les Etats-Unis partagent 3000 km de frontière. Chaque année, des milliers de migrants d'Amérique latine traversent la frontière par le Mexique en quête d'une vie meilleure, et leurs destins dépendent des décisions américaines en matière de migration.
Depuis plus d'un an, l'administration Biden a mis en place un protocole qui oblige les migrants à attendre des mois avant d'avoir une chance de passer la frontière légalement. Et cette attente est difficile, car le Mexique n'a rien d'accueillant: beaucoup survivent dans des conditions précaires sous les tentes et les bâches de la place Giordano Bruno à Mexico. Sur place, l'inquiétude de voir Donald Trump revenir au pouvoir est palpable, car l'inimitié du républicain pour les Latino-Américains est bien connue. Sa présidence a provoqué une vraie régression pour les droits des migrants.
Cependant, s'il s'est montré moins virulent, Joe Biden n'a pas beaucoup infléchi sa politique migratoire. Il a même décidé début juin de limiter les demandes d'asile à 2500 par jour. Des restrictions qui ont déçu les ONG humanitaires. "Bien sûr qu'à l'époque de Trump, c'était bien pire, parce qu'il y avait beaucoup plus de déportations et beaucoup plus d'informations négatives dans la presse. Mais si les dirigeants et leurs discours ont changé, nous n'avons pas vu de changement clair sur le terrain", témoigne Adriana Palomares, cheffe de mission de Médecins sans frontières au Mexique.
Sur place, il semble donc clair que la politique migratoire américaine ne changera que lorsque l'opinion publique évoluera sur cette question. Ce qui ne semble pas être le cas pour le moment.