Dix ans après, Charlie Hebdo commémore le premier attentat d'une année noire pour la France
Dix ans jour pour jour après la tuerie du 7 janvier 2015, Charlie Hebdo sort mardi un numéro spécial de 32 pages. Il y publie des caricatures sur Dieu sélectionnées dans le cadre d'un concours international lancé fin 2024. Dans ce numéro, l'hebdomadaire se dit "increvable" avec, en dessin de Une, un lecteur assis sur un fusil d'assaut, lisant, ravi, ce Charlie "historique".
"La satire possède une vertu qui nous a aidés à traverser ces années tragiques: l'optimisme. Si on a envie de rire, c'est qu'on a envie de vivre. Le rire, l'ironie, la caricature sont des manifestations d'optimisme. Quoi qu'il arrive de dramatique ou d'heureux, l'envie de rire ne disparaîtra jamais", souligne Riss, son directeur, dans l'édito qui revient sur les dix dernières années marquées, selon lui, par une "situation géopolitique" qui s'est "aggravée".
"Aujourd'hui, les valeurs de Charlie Hebdo, comme l'humour, la satire, la liberté d'expression, l'écologie, la laïcité, le féminisme pour ne citer que celles-ci, n'ont jamais été autant remises en cause (...) Peut-être parce que c'est la démocratie elle-même qui se trouve menacée par des forces obscurantistes renouvelées", affirme celui qui avait été blessé lors de l'attaque.
Dix-sept morts
Douze personnes, dont huit membres de la rédaction, ont perdu la vie dans l'attaque de l'hebdomadaire par les frères Chérif et Saïd Kouachi, des Français d'origine algérienne qui avaient prêté allégeance à Al-Qaïda.
Après deux jours de traque, ces derniers avaient été abattus par une équipe d'intervention du GIGN, le groupe d'élite de la gendarmerie française, dans une imprimerie de Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne), où ils s'étaient retranchés.
Journal joyeusement anarchiste et anticlérical créé en 1970 sur les cendres du magazine Hara-Kiri, Charlie était la cible de menaces djihadistes depuis la publication de caricatures du prophète Mahomet en 2006.
Parmi les morts figuraient son emblématique directeur, le dessinateur Charb, ainsi que deux légendes de la caricature en France, Cabu et Wolinski.
D'autres attentats islamistes près de Paris ont ensuite coûté la vie à une policière le lendemain à Montrouge, puis à quatre personnes de confession juive dans un magasin casher porte de Vincennes le 9 janvier.
Près de quatre millions de personnes dans les rues
Ces attentats avaient provoqué une émotion mondiale et donné naissance à un slogan de soutien resté célèbre: "Je suis Charlie".
Le 11 janvier 2015, des manifestations avaient réuni près de 4 millions de personnes à travers la France, avec de nombreux chefs d'Etat et de gouvernement dans le cortège parisien, dont le président français d'alors François Hollande, la chancelière allemande Angela Merkel, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas.
Cependant, la présence de plusieurs dirigeants ou représentants étrangers présents à Paris a été critiquée, à l'instar de celles du dirigeant autoritaire gabonais Ali Bongo, du Hongrois Viktor Orban, du Premier ministre turc Ahmet Davutoğlu ou encore du ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov et de ses homologues algérien et égyptien.
Dix ans après, les commémorations se sont tenues mardi en présence du président Emmanuel Macron, de plusieurs ministres et de la maire de Paris Anne Hidalgo, mais sans casting international. En fin de matinée, à l'heure même du drame, les survivants de la rédaction, les familles des victimes et de nombreuses personnalités se sont rassemblées dans le 11e arrondissement de Paris. Noms des victimes prononcés, dépôt de gerbes, sonnerie aux morts, minute de silence, et enfin Marseillaise: la séquence a été sobre, dans un quartier bouclé par les forces de l'ordre.
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Loin des records de 2015 (le numéro suivant l'attentat a été diffusé à huit millions d'exemplaires et les abonnements culminaient à 240'000 en février), l'hebdomadaire compte aujourd'hui 30'000 abonnés et s'écoule à 20'000 exemplaires en kiosques. Ses locaux ultra-protégés sont tenus secrets.
Perpétuité
Hasard du calendrier, l'anniversaire tombe le lendemain de l'ouverture du procès de six hommes jugés aux assises des mineurs pour une attaque au hachoir contre Charlie Hebdo en 2020.
Le 3 octobre, le djihadiste Peter Cherif avait été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, notamment pour avoir participé à la formation de son ami d'enfance Chérif Kouachi au Yémen.
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Deux semaines plus tard, on apprenait la mort à 40 ans de l'ancien webmaster de Charlie Hebdo Simon Fieschi, grièvement blessé dans l'attentat.
La même année, le 13 novembre, la France avait été endeuillée par d'autres attentats, de plus grande ampleur encore, dans la salle de concert parisienne du Bataclan et sur plusieurs terrasses de bars et restaurants (130 morts).
vajo avec afp