11 janvier 2020: le jour où le Covid-19 a commencé à bouleverser le monde
Le premier décès en Chine lié au Covid-19, communiqué officiellement le 11 janvier 2020, suscite à l'époque une relative indifférence mondiale. En effet, les médias occidentaux semblent à ce moment-là encore peu enclins à s'emparer du sujet.
L'alerte est pourtant lancée au début du mois de janvier 2020. Le 9 janvier, une dépêche de l'agence de presse Keystone-ATS rapporte "une pneumonie d'origine inconnue qui affecte actuellement 59 personnes à Wuhan, dans le centre de la Chine" et qui "pourrait être due à un nouveau coronavirus".
Mais les autorités sanitaires chinoises se montrent encore rassurantes, parlant notamment "de huit patients, guéris, qui ont été autorisés à quitter l'hôpital" et ajoutant qu'"aucun patient n'est mort pour l'instant", relayait la RTS sur son site internet (lire aussi en encadré).
>> Relire le premier sujet de RTSinfo sur l'apparition du virus en Chine, le 9 janvier 2020 : Un nouveau virus identifié en Chine après une pneumonie
Un premier mort passé inaperçu
Deux jours plus tard, le 11 janvier, soit juste avant le Nouvel An chinois fixé cette année-là au 25 janvier et connu pour ses grands chassés-croisés à travers le pays, l'Empire du Milieu, qui cherche déjà à gommer son image d'épicentre de la maladie, annonce un premier mort de "l'épidémie de pneumonie qui sévit à Wuhan, dans le centre de la Chine", selon les agences de presse. Il faut toutefois attendre encore quelques jours pour que le thème s'impose véritablement dans l'agenda médiatique occidental.
Inquiétude après de nouveaux cas
Le 18 janvier, RTSinfo parle d'"inquiétude après de nouveaux cas" de ce qui est toujours qualifié de "mystérieux virus" et qui a fait deux morts en Chine. "La souche incriminée est un nouveau type de coronavirus, une famille comptant un grand nombre de virus. Ils peuvent provoquer des maladies bénignes chez l'homme (comme un rhume) mais aussi d'autres plus graves comme le Sras (Syndrome respiratoire aigu sévère)", est-il notamment rapporté.
Un total de 45 malades est alors recensé, selon la Commission de l'hygiène et de la santé de la ville de Wuhan. Ces chiffres fournis par le régime communiste chinois commencent à être mis en doute par de premiers experts, évoquant plutôt un total de près de 2000 cas à Wuhan, relate encore le site RTSinfo, sans compter les cas qui commencent à apparaître hors de Wuhan et même hors de Chine, notamment en Thaïlande et au Japon.
>> Relire le sujet publié le 18 janvier 2020 : Inquiétude après de nouveaux cas d'un mystérieux virus en Chine
Tout s'emballe
Depuis là, tout s'emballe. Le jour suivant, les autorités sanitaires chinoises communiquent toujours davantage de cas, dont un troisième mort le 19 janvier, puis un quatrième le jour suivant.
L'épidémie gagne ensuite les pays voisins de la Chine, puis les autres continents. L'Asie passe rapidement en "alerte maximale" et les contrôle se renforce dans le monde, notamment aux aéroports. Certaines compagnies aériennes, dont Swiss, stoppent leurs liaisons avec l'Empire du Milieu.
L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) se réunit en urgence à Genève le 22 janvier, mais décrète dans l'immédiat que "le coronavirus ne nécessite pas d'urgence internationale". Il faudra attendre le 30 janvier pour que l'OMS le fasse.
Construction d'hôpitaux d'urgence à Wuhan
En parallèle, toujours plus de cas sont signalés à travers le monde, notamment en France, et la Chine, en plein Nouvel An, se confine. Les hôpitaux chinois étant saturés, le régime communiste ordonne la construction d'hôpitaux d'urgence, dont l'ouverture du premier a lieu dix jours plus tard, le 3 février.
Un premier décès hors de Chine est signalé le 2 février aux Philippines. Il s'agit d'un Chinois venu de Wuhan, selon l'OMS.
Le 11 février, le coronavirus devient officiellement le Covid-19 (pour COronaVIrus Disease 2019) et l'ONU met en place une équipe de gestion de crise face à l'épidémie.
Le 15 février, le Covid-19 fait une première victime en France, qui est également le premier décès hors d'Asie et le premier en Europe. Il s'agit d'un touriste chinois âgé de 80 ans.
Dès fin février, plusieurs localités du nord de l'Italie vont progressivement placer leurs habitants en quarantaine. La pandémie de coronavirus a alors officiellement gagné le sol européen, faisant de la Lombardie le premier foyer de Covid-19 en Europe. C'est en Italie du Nord d'ailleurs que les premiers Européens à succomber au Covid-19 sont enregistrés.
Le 9 mars, l'Italie étend la quarantaine à tout le pays, le gouvernement italien ordonnant d'éviter les déplacements dans tout le pays. Quelque 60 millions de personnes sont concernées.
Premier cas et premier décès en Suisse
La Suisse, quant à elle, enregistre son premier cas officiel de coronavirus le 24 février 2020, lorsqu'un Tessinois âgé d'une septantaine d'années et ayant séjourné en Lombardie est testé positif.
Le premier décès du Covid en Suisse est confirmé le 5 mars dans le canton de Vaud. Il s'agit d'une patiente de 74 ans souffrant de problèmes respiratoires chroniques qui s'était rendue en Italie du Nord dans les semaines précédentes.
Le Covid-19 devient officiellement une pandémie mondiale
Il faut attendre le 11 mars pour que l'OMS qualifie pour la première fois officiellement le Covid-19 de pandémie mondiale. Lors d'une conférence de presse, son directeur général Tedros Adhanom Ghebreyesus déclare: "Nous estimons que le Covid-19 peut être qualifié de pandémie. [...] Nous sommes profondément préoccupés tant par les niveaux alarmants de propagation et de gravité que par les niveaux alarmants d'inaction."
Cette qualification marque une étape importante dans la reconnaissance de l'ampleur globale de la crise sanitaire qui frappe alors la planète, et qui perdurera - on ne le sait pas encore à l'époque - durant trois ans, soit jusqu'au 6 mai 2023, date à laquelle l'OMS a annoncé la fin de l'urgence sanitaire.
Fabien Grenon
Pékin se mure dans le silence cinq ans après le début de l'épidémie
A Pékin, c’est le silence radio cinq ans après le premier décès du Covid. Officiellement, il n’y a ni commémoration, ni traitement des médias d'Etat à propos du début de la pandémie. Pour le Parti communiste chinois, le sujet est tabou.
Le pouvoir ne tient surtout pas à ressasser sa première réaction. Les autorités se sont d’abord montrées rassurantes, affirmant que le virus ne se propageait pas d’humain à humain. Dans le même temps, des médecins chinois à Wuhan qui tiraient la sonnette d’alarme étaient muselés. Ce n’est que fin janvier que Pékin a reconnu le danger.
Xi Jinping décide alors de passer à l'action sans ménagement à Wuhan: la ville et sa province — près de 60 millions de personnes — sont strictement confinées. Pour le président chinois, l’enjeu est grand, car il voit son pouvoir vaciller dans les premiers temps de l’épidémie. L’émotion et la colère sont fortes au sein de la population, notamment après la mort d’un jeune médecin âgé de 34 ans, qui faisait partie des lanceurs d’alerte.
La formule appliquée à Wuhan — confiner, tester et isoler — s’avère néanmoins payante et le nombre d’infections chute.
Xi Jinping déclare victoire deux mois plus tard. Il décrète aussi la fermeture des frontières, car dans l’intervalle, le virus s’est propagé à travers la planète. Les pays occidentaux tentent de leur côté d’appliquer la recette chinoise, sans pouvoir pour autant la reproduire entièrement. La propagande chinoise se saisit de l'occasion pour pointer l’échec des systèmes libéraux, jugés incapables de contenir le virus, preuve selon Pékin de la supériorité de son modèle de gouvernance.
La Chine s’enferme alors à double tour pendant près de trois ans au grand dam de la population. Le variant Omicron et l’exaspération des Chinois auront finalement raison du dispositif zéro-Covid dont l’économie chinoise ne s’est pas toujours remise.