"Voyage au bout de l'extrême": les réactions de la presse au décès de Jean-Marie Le Pen
"Jean-Marie Le Pen ou le voyage au bout de l'extrême" pour Libération, "Une vie à l'extrême droite" pour Les Echos. "L'homme qui a remis l'extrême droite au cœur du jeu politique". Le Breton "aura épousé toutes les vicissitudes de l'histoire de l'extrême droite française" pour Le Monde. "Chantre du roman national et de ses pages les plus sombres, Jean-Marie Le Pen aura marqué de ses excès un demi-siècle de l'histoire politique", résument Les Echos.
L'Humanité tire en Une à boulets rouges: "antisémite, tortionnaire et patriarche de l'extrême droite". Le parcours de Jean-Marie Le Pen, "commencé dans les exactions de guerres coloniales, se confond avec une entreprise de haine dont l'héritage continue d'empoisonner la société française", note le quotidien communiste.
A l'autre bout de l'échiquier politique, Valeurs Actuelles salue "l'odyssée d'un Menhir". Le co-fondateur du Front national laisse un "héritage aussi massif, controversé, qu'unique", ajoute l'hebdomadaire français.
Un héritage d'extrême droite bien vivant
Dans son édito, Le Figaro relève "l'intuition précoce de Le Pen selon laquelle l'immigration deviendrait l'inquiétude première des Français". Et de conclure: il est surtout la "Némésis de la paresse de la droite, de la gauche et du centre, qui ont laissé germer et grandir une entreprise politique, au départ minuscule, sur le terreau d'une suite coupable de renoncements".
"Le Pen est mort, le combat continue", titre Libération dans son éditorial. Pour le quotidien, les liens entre le Rassemblement national de Marine Le Pen, la fachosphère et les groupuscules extrémistes fort peu recommandables sont loin d'être rompus. C'est un héritage d'extrême droite bien vivant, à qui "Libération continuera, malgré les vents contraires, de dire non".
"Un monstre d'un autre temps"
Pour Der Spiegel, Jean-Marie Le Pen était "un monstre d'un autre temps" et "le parrain du populisme de droite européen moderne". Un constat partagé par The Guardian qui parle de "l'enfant terrible de la politique française qui a normalisé le populisme". "La place qu'occupe aujourd'hui l'extrême droite dans la politique française et européenne montre à quel point son message anti-immigration, anti-élites, antimondialisation et anti-Union européenne était extraordinairement puissant", estime le quotidien britannique.
"Il avait fini par être désavoué par son propre parti, mais il laisse derrière lui un héritage politique majeur", relève Politico et "qui reste d'une actualité brûlante avec l'avènement de figures comme Donald Trump". Le quotidien autrichien Die Presse voit en Jean-Marie Le Pen le "dénominateur commun de l'extrême droite. Il est mort, mais ses idées nationalistes inspirées du fascisme perdurent et pourraient porter sa fille au pouvoir".
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Patrick Chaboudez/Lucie Ostorero/Fabien Grenon
La mort de Le Pen également dans la presse suisse
Une "âme noire" selon le St-Galler Tagblatt, l'Aargauer et le Luzerner Zeitung. Il était "provocateur jusqu'à la moelle" pour la NZZ. "Le diable de la République" est mort titre le Blick. Il était "l'extrémiste de droite qui a changé la France" pour les journaux Tamedia alémaniques; "un réveil de l'extrême droite à laquelle il avait consacré sa vie", écrivent 24 Heures et la Tribune de Genève.
"Morte la bête, reste le venin", image Le Courrier. Dans l'éditorial du Temps, on s'interroge: "il y a des figures controversées chez qui à l'heure des hommages funèbres, on trouve toujours à relativiser les défauts, voire à redorer le blason. Est-ce le cas ici ?" se demande l'éditorialiste.
Plusieurs rassemblements d'opposants à travers la France
Plusieurs centaines d'opposants à Jean-Marie Le Pen se sont rassemblés mardi dans plusieurs villes de France - comme à Lyon, Marseille et Paris - pour célébrer, avec chants, fumigènes et feux d'artifice, le décès de cette figure historique de l'extrême droite. Plusieurs débordements ont été signalés en marge de ses manifestations, et une dizaine de personnes ont été interpellées.
Réactions contrastées
Les manifestations célébrant sa mort mardi soir ont provoqué des réactions très diverses.
Le très conservateur ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a fustigé sur le réseau X ces rassemblements: "La mort d'un homme, fût-il un adversaire politique, ne devrait inspirer que de la retenue et de la dignité. Ces scènes de liesse sont tout simplement honteuses".
Vice-président du RN, Louis Aliot a a vilipendé "la chienlit, toujours la même, dans la rue, la racaille gauchiste".
Mais la patronne des députés de la gauche radicale Mathilde Panot a défendu de son côté mercredi "l'esprit Charlie", une référence au célèbre journal satirique, en soulignant que Le Pen était un "ennemi de la République".
La porte-parole du gouvernement Sophie Primas, interrogée sur les rassemblements célébrant le décès de Jean-Marie Le Pen, a jugé mercredi que "mort", il avait droit au "respect" même s'il a eu "des propos tout à fait inacceptables" et "agi de façon parfois inacceptable".