Le Premier ministre canadien Justin Trudeau annonce sa démission après presque dix ans au pouvoir
Justin Trudeau va quitter ses fonctions de Premier ministre du Canada et de chef du Parti libéral du Canada (PLC). Le chef du gouvernement a fait cette annonce lors d'une allocution prononcée à deux jours d'une réunion nationale de son parti et au moment où de plus en plus de voix, y comprisdans ses rangs, l'appelaient à la démission.
"Ce pays mérite un véritable choix lors des prochaines élections. Il est devenu clair pour moi que si je dois mener des batailles internes, je ne peux pas être Premier ministre", a-t-il déclaré avec émotion.
Vers des élections au printemps?
Le dirigeant, qui était chef du PLC depuis onze ans, restera toutefois en poste jusqu’à ce que sa ou son successeur à la tête du caucus libéral soit choisi. Il a demandé à la gouverneure générale Mary Simons de suspendre les activités du Parlement jusqu'au 24 mars, le temps de trouver un nouveau chef au PLC. Cela permettra d'éviter une dissolution du collège d'ici cette date.
Mais les Canadiennes et les Canadiens devront vraisemblablement se rendre aux urnes au printemps pour élire leur prochain Premier ou Première ministre, avec une nouvelle tête pour mener la campagne libérale et donc une nouvelle candidature, car conformément à la tradition de la démocratie canadienne, le chef du parti arrivé en tête des élections est chargé de former un gouvernement.
Parmi les papables, on cite son ancienne vice-Première ministre Chrystia Freeland, ou l'ex-gouverneur de la Banque du Canada Mark Joseph Carney.
Crise politique
Alors que les prochaines élections fédérales devaient de toute manière se tenir d'ici fin octobre 2025, plusieurs médias canadiens avaient anticipé cette annonce, car Justin Trudeau était confronté à la plus grave crise politique depuis son arrivée au pouvoir en 2015.
Sans majorité absolue au Parlement, il était fragilisé par le retrait de son allié de gauche et le mécontentement croissant au sein de son propre parti. Sa popularité s'était considérablement affaiblie ces derniers mois et son gouvernement avait survécu de justesse à une série de votes de défiance.
Après une décennie au pouvoir, il est perçu comme responsable de la forte inflation qui frappe le pays, tout comme de la crise du logement et des services publics. Ses différents mandats ont aussi été entachés de trois enquêtes éthiques liées à des conflits d'intérêts ou des acceptations d'avantages.
Retard conséquent dans les sondages
Par ailleurs, le chaos règne particulièrement à Ottawa depuis la démission surprise de sa vice-Première ministre Chrystia Freeland, sur fond de désaccord quant à la façon de gérer la guerre économique qui se profile avec les Etats-Unis. Depuis, le dirigeant ne s'était pas exprimé publiquement.
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Jusqu'ici, Justin Trudeau avait annoncé son intention de se représenter, malgré un retard de plus de 20 points dans les sondages sur son rival conservateur Pierre Poilievre. Il a expliqué avoir pris le temps des Fêtes pour réfléchir à son avenir politique.
Pierrik Jordan avec afp
Une chute vertigineuse annoncée pour le Parti libéral
D'après une agrégation de différents sondages, le Parti libéral du Canada passerait de 160 à 35 sièges aux prochaines élections, avec 20% d'intentions de vote, tandis que le Parti conservateur obtiendrait une écrasante majorité de 236 sièges (45%).
Avec 45 sièges (9% d'intentions de vote au niveau fédéral, mais au bénéfice d'un statut régional particulier), le Bloc québécois constituerait alors la principale opposition officielle. Ce serait la première fois depuis 1993 que l'alternance entre libéraux et conservateurs serait rompue.
Enfin, le Nouveau Parti démocratique raflerait 25 sièges (19%) tandis que le Parti vert du Canada en obtiendrait deux (4%).
Un libéral progressiste, fervent adepte du multilatéralisme
A son arrivée en 2015, le monde entier observe avec intérêt, voire admiration, les premiers pas au pouvoir de Justin Trudeau, jeune dirigeant multilatéraliste qui proclame que "le Canada est de retour" sur la scène internationale.
Fils aîné de l'ex-Premier ministre Pierre Elliott Trudeau, Justin Trudeau est entré tardivement en politique en 2007. Il se fait élire député de Montréal en 2008 puis chef d'un Parti libéral en lambeaux en 2013.
Légalisation du cannabis
Premier ministre, il mène une politique plutôt progressiste. Il a notamment fait du Canada le deuxième pays au monde à légaliser le cannabis, a instauré l'aide médicale à mourir et lancé une enquête publique sur les femmes autochtones disparues et assassinées. Il a cependant refusé de signer la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Il s'engage également en faveur de l'accueil des réfugiés et assouplit les conditions d'accès à la nationalité canadienne. Toutefois, en 2024, il réinstaure les visas obligatoires pour les Mexicains et remet en question les seuils d’immigration du Canada. Il estime alors que l'immigration temporaire a dépassé les "capacités d'absorption" du pays.
Adepte du libre-échange
En matière économique, ce libéral convaincu a notamment mis en place une nouvelle version de l'accord de libre-échange nord-américain (Aléna). À son arrivée au pouvoir, il a toutefois mis fin à une période de forte rigueur budgétaire des précédents gouvernements conservateurs en relançant l'investissement public, un choix qui a contribué à la réduction du taux de chômage jusqu'à un seuil historiquement bas en 2019. Il a aussi mis en place en 2016 une nouvelle allocation familiale.
Enfin, en termes d'écologie, Justin Trudeau a mis en place une taxe carbone. Il a également signé l'accord de Paris sur le climat. Toutefois, en dépit de ces déclarations, il a défendu l'exploitation du gaz de schiste liquéfié et des sables bitumineux de la province de l'Alberta, l'un des pétroles les plus polluants du monde. Il estime que cette exploitation aidera à financer la transition écologique, ses détracteurs l'accusant au contraire de greenwashing. Ainsi, en 2021, le Canada affiche le pire bilan des pays du G7 en matière d'augmentation des émissions de gaz à effet de serre depuis la COP21.
Donald Trump affirme encore que le Canada devrait intégrer les Etats-Unis
Donald Trump a estimé dans un message sur son réseau social qu'il était dans l'intérêt du Canada de devenir le "51e Etat" des Etats-Unis, après la démission de Justin Trudeau.
"Si le Canada fusionnait avec les Etats-Unis, il n'y aurait pas de droits de douane, les impôts baisseraient considérablement et le Canada serait TOTALEMENT SÛR face à la menace des navires russes et chinois qui l'entourent constamment. Ensemble, quelle grande nation ce serait!!!", a-t-il prétendu sur Truth Social, alors que sa victoire à l'élection présidentielle américaine a été officiellement validée lundi.