Résumé de l’article
Los Angeles se prépare au retour de vents violents qui pourraient faire dégénérer les incendies
Les efforts déployés par des milliers de pompiers, y compris venus du Mexique voisin, ont permis de maîtriser en partie les deux principaux incendies. Mais après une courte accalmie, les vents chauds et secs doivent se renforcer dès mardi.
Les services météo américains "prévoient des vents proches de la force d'un ouragan", a averti la maire de Los Angeles Karen Bass. Les prévisions font état d'un "risque extrême d'incendies" et d'une "situation particulièrement dangereuse", avec des vents qui culmineront à 110 km/h à partir de mardi matin, a précisé la météorologue Rose Schoenfeld.
Les pompiers à pied d'oeuvre ont reçu des renforts humains et matériels, dont des dizaines de camions citernes, et sont prêts à faire face à la situation, a affirmé leur chef dans le comté de Los Angeles. "Nous allons continuer à utiliser tous les moyens dont nous disposons pour contribuer à combattre les incendies", s'est pour sa part engagé lundi le président américain Joe Biden.
Héberger les 100'000 évacués, un défi
Dans les zones sinistrées où les flammes ont été éteintes, les lotissements ne sont plus que des tas de cendres et de décombres, comme à Altadena, au nord de Los Angeles.
Si les écoles ont rouvert, pas loin de 100'000 personnes restent concernées par un ordre d'évacuation. L'affluence de personnes évacuées et à héberger constitue d'ailleurs un autre défi pour la ville. Des informations font état de cas de propriétaires opportunistes ayant augmenté leur loyer.
Tout retour des évacués a été stoppé jusqu'à jeudi à cause du renforcement attendu du vent, ont averti les pompiers, appelant à la patience les dizaines de milliers d'habitants faisant la queue, parfois pendant des heures, dans l'espoir de récupérer des médicaments ou des vêtements chez eux, ou tout simplement de voir si leur maison a été détruite ou non.
Oeuvres d'art menacées
Plus de 12'000 habitations, bâtiments et véhicules ont été détruits ou endommagés par les feux, qui pourraient être les plus coûteux jamais connus, selon des estimations provisoires.
Ces incendies destructeurs s'attaquent aussi à des trésors artistiques. Longtemps éclipsée par New York, Los Angeles s’est imposée aujourd'hui comme le foyer d’une scène alternative. En résultent des ateliers réduits en cendres, des collections englouties, des galeries dévastées, et plus de 400 œuvres d’art déjà parties en fumée, au point que les experts parlent de l'une des pertes artistiques les plus importantes jamais vues aux Etats-Unis. De son côté, le musée Getty et ses toiles inestimables résiste, car il a été conçu pour ça.
Combat politique
Nombre d'habitants commencent à critiquer la gestion des autorités locales, les pompiers ayant parfois dû composer avec des bouches d'incendie à sec ou avec une faible pression.
Le gouverneur démocrate de l'Etat Gavin Newsom, a demandé "un examen indépendant complet" des services de distribution d'eau de la ville. Donald Trump a lui une nouvelle fois attaqué dimanche les dirigeants locaux, qualifiés de "politiciens incompétents".
Face aux pillages, un couvre-feu entre 18h et 6h du matin est en vigueur dans les secteurs les plus ravagés, et les autorités locales ont annoncé dimanche l'arrestation de dizaines de personnes.
afp/vic/zd
Des vents qui "assèchent les collines et les nerfs"
Les incendies de l'agglomération de Los Angeles sont favorisés par les vents de Santa Ana, un phénomène météorologique connu pour assécher les collines jusqu'au point d'inflammabilité. Ces vents forts surviennent lorsque de l'air froid s'accumule dans le Nevada et l'Utah, Etats voisins de la Californie. A mesure que cette masse d'air se dirige vers l'ouest puis dévale les montagnes californiennes, elle se réchauffe et s'assèche.
Les vents de Santa Ana soufflent habituellement entre septembre et mai, généralement par séries de quelques jours. Ils peuvent créer des conditions favorables à des incendies de forêt meurtriers, ou les attiser une fois qu'ils font rage, car ils assèchent la végétation. Ces vents forts ont ainsi aggravé les incendies en cours de Palisades (23'700 hectares brûlés) et d'Eaton (14'000 ha) en faisant s'envoler des braises chaudes vers des zones de végétation sèches mais encore indemnes.
Le quotidien américain Washington Post compare ce phénomène météorologique à un "foehn géant". Des écrivains décrivent pour leur part les effets de ces vents sur la santé mentale des habitants. L'auteur américain Raymond Chandler a un jour écrit que les vents de Santa Ana, si chauds, "frisent les cheveux, énervent et entraînent des démangeaisons de la peau". Joan Didion a pour sa part raconté qu'ils faisaient souffler "des tempêtes de sable le long de la Route 66 en asséchant les collines et les nerfs jusqu'au point d'inflammabilité".
Les événements climatiques extrêmes rendent certains bâtiments inassurables
Le réchauffement climatique augmente la fréquence et la violence des phénomènes météo extrêmes. Conséquence, le risque pour les infrastructures s'accroît. Des assureurs commencent à renoncer à couvrir certains bâtiments exposés.
"Les compagnies d'assurances ont fait sensation en 2023 en annonçant leur retrait des assurances bâtiment dans plusieurs grands Etats des Etats-Unis", expliquait la climatologue Katharine Hayhoe l'année passée au Forum économique mondial à Davos. "En Australie, une étude a estimé qu'un bâtiment sur 25 dans le pays serait inassurable d'ici 2030 en raison du risque croissant d'extrêmes météo", ajoutait-elle.
Christian Mumenthaler, alors patron du géant de la réassurance Swiss Re, notait de son côté que certaines situations rendaient toute couverture hors de prix.
>> A relire : Quand les assurances n'assurent plus, un autre effet du changement climatique
"Si par exemple vous vous trouvez dans une plaine inondable et qu'il y a une inondation chaque année, la prime sera aussi élevée que la valeur de la maison, puisqu'il faudra la reconstruire chaque année. Si la fréquence est trop élevée, cela devient donc impraticable", argumentait-il.
Assureurs et réassureurs sont aux avant-postes de ce risque grandissant. Les coûts des dégâts annuels ne cessent d'augmenter par apport aux moyennes des 30 dernières années. Ils se montaient à 320 milliards de dollars l'an dernier.