Entre ambitions démesurées et scandales, le projet de la ville du futur "Neom" s’effrite
Au cœur de ce projet, une vision grandiose: deux gratte-ciels parallèles de 500 mètres de haut, reliés entre eux pour former une ville linéaire unique. À l’intérieur, un concept inédit: une ville organisée sur plusieurs niveaux verticaux. Les habitants pourraient y vivre, travailler et se divertir dans des espaces superposés, entourés de jardins suspendus et de fermes verticales, le tout dans un environnement urbain verdoyant au milieu du désert.
Sous cette ville, un réseau de transport ultra-rapide permettrait de relier les deux extrémités en 20 minutes. Et à la surface? Pas de voitures, tout est pensé pour les piétons et les déplacements souterrains. Mais le projet, estimé à 500 milliards de dollars, a dû être drastiquement revu à la baisse. Désormais, seul un tronçon de 2,4 kilomètres devrait être terminé d’ici 2030 contre les 170 km initialement prévus. Et plutôt que 9 millions d’habitants, ce seront seulement 300'000 personnes qui devraient y vivre.
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Difficultés financières
La revue à la baisse du projet s'explique en grande partie par des contraintes financières. Le prix du baril de pétrole reste en deçà des 98 dollars nécessaires pour équilibrer le budget, et les investisseurs étrangers se montrent peu enclins à s'engager.
Plus important encore, le chantier est entaché par des accusations de violations des droits humains. Selon le Wall Street Journal, parmi les 100'000 travailleurs mobilisés sur ce site perdu en plein désert, il y aurait eu des cas de viols collectifs, de tentatives de meurtre et de trafic de drogue. Les autorités, elles, parlent d’"incidents à la marge".
Dans un rapport de 79 pages intitulé "Die First, and I'll Pay You Later", l'ONG Human Rights Watch détaille de son côté des conditions de travail s'apparentant parfois à du travail forcé, notamment sur les chantiers du plan Vision 2030, l'ambitieux projet de réforme porté par Mohammed ben Salmane, prince héritier et dirigeant de facto du pays.
D'autres priorités
Mais tout ne semble pas encore perdu pour les initiateurs du projet. En octobre dernier, un premier bout de Neom a vu le jour: Sindalah, une station balnéaire de luxe sur la mer Rouge. On est loin de la ville futuriste promise, mais davantage dans le tourisme haut de gamme.
L'Arabie saoudite prépare également la Coupe du Monde de football 2034 et l'Exposition universelle 2030. Ainsi, le royaume se concentre davantage sur des infrastructures concrètes: stades, aéroports.
Parmi ces projets, le Neom Stadium, une enceinte de 46'000 places perchée à 350 mètres du sol entre deux gratte-ciels. Le prince héritier Mohammed Ben Salman semble avoir compris que le réalisme doit désormais primer sur les rêves de science-fiction.
Sujet radio: Pascal Wassmer
Article web: Hélène Krähenbühl