La stabilité au Moyen-Orient se fera "par le biais de la reconstruction" et pas par les armes

Karim Sader, spécialiste des pays du Moyen-Orient et du Golfe. [Jean Ber]
Un nouveau Moyen-Orient après le cessez-le-feu à Gaza / Tout un monde / 8 min. / hier à 08:12
Alors qu'Israël et le Hamas sont parvenus à un accord de cessez-le-feu, la question de l'avenir du Moyen-Orient se pose. Selon le politologue Karim Sader, pour parvenir à une certaine stabilité dans la région, il faut désormais miser sur le développement économique et la reconstruction de la bande de Gaza.

Le cabinet de sécurité israélien a donné son feu vert vendredi à l'accord sur une trêve avec le Hamas dans la bande de Gaza. L'accord, qui prévoit un cessez-le-feu dès dimanche, assorti d'échanges d'otages captifs à Gaza contre des prisonniers palestiniens, pourrait rebattre les cartes de la dynamique politique au Moyen-Orient.

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Alors que le Premier ministre Benjamin Netanyahu rêvait d'un "nouveau Moyen-Orient" dans ce qu'il appelait un "corridor de prospérité" entre l'Asie et l'Europe, il ne sort pas forcément gagnant de ces 15 mois de conflit, estime le politologue basé à Beyrouth Karim Sader.

"Il s'est lancé dans un pari extrêmement audacieux de totalement chambouler la région. Il a réussi en partie, mais par les armes", affirme-t-il dans l'émission Tout un monde. Or, "vous savez qu'on ne construit pas une stabilité et une paix uniquement par les armes", ajoute-t-il.

Coopération avec les acteurs régionaux

"Il faut maintenant que, sur le terrain, une stabilisation se fasse, et cette fois-ci pas par le biais des armes, mais par le biais du développement économique et de la reconstruction" de la bande de Gaza, souligne-t-il. Et cela passe par une coopération avec les acteurs régionaux, qui doit être repensée.

Benjamin Netanyahu s'est lancé dans un pari extrêmement audacieux de totalement chambouler la région

Karim Sader, politologue

"Le quasi-anéantissement du dispositif iranien" laisse un vide à combler, relève Karim Sader, mentionnant le Hamas, désormais "coupé de son sponsor iranien", le Hezbollah, "qui a subi un revers sans précédent au Liban", ainsi que le régime de Bachar al-Assad, "qui était le lien important entre l'Iran et la Méditerranée". "C'est tout un dispositif que les Iraniens ont mis des décennies à bâtir qui s'est littéralement effondré", résume-t-il.

Le politologue voit donc deux groupes de pays qui pourraient se profiler. "Il y a d'un côté les pays du Golfe – l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis en tête – qui vont jouer un rôle dans le financement de la reconstruction", dit-il. "Et il y a de l'autre côté la Turquie, épaulée par le Qatar, qui, eux, sont là pour maîtriser la mouvance islamiste qui est en train d'émerger".

Garanties pour les Palestiniens

Le développement économique et la reconstruction sont en effet le seul moyen d'éviter l'émergence de mouvances islamistes, qui sont "nocives pour la stabilité et la paix", souligne Karim Sader. Cela profiterait également aux Palestiniens, qui vivent dans des conditions catastrophiques et qui comptent des milliers de morts et de déplacés.

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Un rapprochement entre Israël et certains pays arabes, dont l'Arabie saoudite, pourrait justement être conditionné à la question palestinienne. "Après ce qu'il s'est passé à Gaza et les conséquences humanitaires qui ont suscité énormément d'émoi par rapport aux victimes civiles, il va falloir attendre beaucoup de temps avant qu'un des pays arabes, l'Arabie Saoudite en tête, ne franchisse le pas", explique Karim Sader.

Il faut qu'une stabilisation se fasse, et cette fois-ci pas par le biais des armes, mais par le biais du développement économique et de la reconstruction

Karim Sader, politologue

L'Arabie Saoudite a tiré des leçons des "accords d'Abraham", signés en 2020 à Washington sous la présidence de Donald Trump, entre Israël, Bahreïn et les Emirats arabes unis, "mais sans avoir pris en compte la question des Palestiniens", ajoute l'expert. "Or, ces pays-là se sont trouvés plongés dans un profond embarras lorsque le conflit a été déclenché, parce qu'ils étaient jugés comme complaisants à l'égard de la campagne de l'offensive militaire de Benjamin Netanyahu", précise-t-il.

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Un rapprochement ne peut donc être envisagé qu'en contrepartie de garanties de la part d'Israël, que Mohammed ben Salmane, le prince héritier saoudien, "va monnayer à prix fort au profit des Palestiniens". "Et c'est peut-être cette fois-ci une opportunité à saisir pour enfin trouver un règlement à cette question qui ne peut pas être résolue uniquement par la voie des armes", conclut Karim Sader.

Propos recueillis par Eric Guevara-Frey

Adaptation web: Emilie Délétroz

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