Des responsables britanniques, comme le maire de Londres Boris Johnson, se sont émus ces derniers jours de l'effondrement du cours de BP, qu'ils ont imputé en grande partie aux attaques "anti-britanniques" contre la compagnie pétrolière. En ligne de mire, les propos du président américain, qui s'était dit déterminé à "maintenir sa botte" sur la gorge du groupe britannique et à "botter les fesses" des responsables de la marée noire qui ravage le Golfe du Mexique.
Londres à la rescousse
L'action BP a ainsi déjà perdu près de 50% de sa valeur en Bourse depuis le début de la catastrophe. La plateforme pétrolière Deepwater Horizon, qu'exploitait le groupe britannique BP à 80 km des côtes américaines, a coulé il y a sept semaines provoquant la pire catastrophe écologique qu'ont connue les Etats-Unis. Les investisseurs britanniques redoutent par ailleurs que ces critiques ne forcent BP à suspendre le paiement de dividendes, qui représentent une manne importante pour des millions de retraités actionnaires du groupe.
David Cameron a été forcé jeudi de monter au créneau pour défendre BP, au cours de sa première visite en Afghanistan en tant que chef du gouvernement. Il a gardé un ton très diplomatique, assurant partager la "frustration" de Barack Obama, mais appelant à se concentrer sur la lutte contre la marée noire.
Le ministre des Finances George Osborne est ensuite monté au filet, disant avoir appelé le patron de BP Tony Hayward de la part du Premier ministre. Ce dernier a conscience de "la valeur économique que BP apporte aux Britanniques et aux Américains", a-t-il affirmé. Mais la presse britannique a jugé ces déclarations trop timorées, exigeant un soutien plus ferme du gouvernement.
La presse sévère
"Cameron échoue à défendre BP dans sa lutte avec Obama", a titré vendredi le Daily Telegraph, proche des conservateurs. "Défendez votre pays, M. Cameron", a sommé le tabloïde Daily Mail, tandis que le Daily Express accusait Barack Obama "de tuer nos retraites" et qualifiait ses "harangues contre BP" de "honteuses".
Un grand patron très respecté, John Napier, qui préside deux entreprises du Footsie (équivalent britannique du CAC 40), a envoyé une lettre ouverte à Barack Obama, l'appelant à se conduire d'une manière plus "équilibrée" et plus digne de son statut d'homme d'Etat. La banque américaine JPMorgan a elle-même souhaité que le Royaume-Uni "agite le drapeau rouge diplomatique pour protéger les entreprises britanniques".
Après cette levée de boucliers, David Cameron a appelé vendredi le président de BP, Carl-Eric Svanberg, et l'a assuré, selon son porte-parole, "qu'il était dans l'intérêt de chacun que BP continue à être une entreprise financièrement robuste et stable". De son côté, le vice-Premier ministre Nick Clegg a cherché à calmer les esprits, en prévenant que "s'engouffrer dans une spirale politico-diplomatique" serait contre-productif.
Obama sous pression
Certains commentateurs britanniques ont toutefois admis la position très délicate du président américain, qui doit composer avec une opinion publique américaine très remontée, à six mois des élections de mi-mandat aux Etats-Unis. Pour Michael Cox, professeur à la London School of Economics, Barack Obama "tente de faire deux choses : d'une part, essayer de détourner l'attention (de sa propre responsabilité), et d'autre part, utiliser une dose de populisme".
Howard Wheeldon, stratégiste chez BGC Partners, a estimé de son côté que "Barack Obama a le droit, jusqu'à un certain point, de mettre la pression sur BP", même si, cette fois, "il est allé trop loin". Selon Michael Cox, cet épisode ne devrait toutefois pas avoir de conséquences à long terme sur la relation entre Londres et Washington, car "elle est très forte, et les Britanniques ne peuvent pas s'en passer".
David Cameron et Barack Obama pourraient d'ailleurs recoller les morceaux dès ce week-end, lors d'un coup de fil "de routine" prévu samedi, où ils aborderont la marée noire. En espérant que le match de football Angleterre-USA qui se jouera le soir même en Afrique du Sud ne ravivera pas les tensions.
afp/dk
Une fuite deux fois plus importante que prévu
Les autorités américaines estiment que la fuite de brut dans le golfe du Mexique est deux fois plus importante que ce qu'elles redoutaient. Selon l'estimation haute des scientifiques, jusqu'à 40'000 barils de pétrole - soit 6,4 millions de litres ou quelque 5260 tonnes - se déversent chaque jour dans l'océan.
La précédente estimation faisait état d'un écoulement allant de 12'000 à 19'000 barils de brut par jour. L'évaluation des autorités américaines a été réalisée avant la pose le 3 juin d'une sorte d'entonnoir destinée à contenir le brut sortant du puits situé à 1500 mètres de profondeur.
BP récupère actuellement 15'000 barils de brut par jour grâce à l'entonnoir. Le groupe BP va s'employer à pratiquement doubler d'ici la mi-juillet sa capacité de siphonnage du puits de pétrole, a déclaré vendredi l'amiral des garde-côtes Thad Allen, chargé de superviser les efforts de nettoyage.
Une fois qu'un système de confinement plus hermétique sera en place à la mi-juillet, la capacité de siphonnage de BP sera de l'ordre de 40'000 à 50'000 barils par jour, a dit Allen lors d'un point de presse à Washington.
BP évalue d'autre part de trois à six milliards de dollars (de 3,4 à 6,9 milliards de francs) le coût total du nettoyage consécutif à la marée noire, écrit vendredi un analyste pétrolier du Credit Suisse, qui a été informé par Steve Westwell, le secrétaire général du groupe pétrolier britannique.
En dehors de la facture de nettoyage et de confinement, BP s'est engagé à dédommager ceux qui ont été lésés par la marée noire. Le Credit Suisse juge que cela donnera lieu à une ardoise supplémentaire de 14 milliards de dollars (16 milliards de francs).