Les détails de cette refonte des systèmes de pensions, présentée comme la réforme-clé des deux dernières années de mandat du président français, ont été annoncés mercredi matin par le ministre du Travail Eric Woerth. L'avantage de pouvoir partir à la retraite dès 60 ans, même avec une pension non complète, était un acquis social emblématique des politiques de gauche, mis en place en 1983 par le président socialiste François Mitterrand.
L'opposition et les syndicats ont fait des 60 ans une ligne rouge à ne pas franchir, tout en se disant prêts à négocier sur d'autres aspects, à condition de mettre significativement à contribution les plus hauts revenus, provenant notamment de la finance. "Sauver notre système de retraite est un impératif", a affirmé Eric Woerth, en présentant cette réforme.
"Travailler plus longtemps est inéluctable"
"Travailler plus longtemps est inéluctable, il n'y a pas de magie", a dit le ministre du Travail. "Tous nos partenaires européens l'ont fait. Il n'est pas possible de rester en dehors de ce mouvement", a ajouté Eric Woerth. "Notre objectif, c'est l'équilibre. C'est un déficit zéro dès l'année 2018", a-t-il poursuivi.
Le déficit des régimes de retraite a été multiplié par trois en deux ans en raison de la crise, selon le Conseil d'orientation des retraites (COR), un organisme indépendant. Il est déjà de 32 milliards d'euros en 2010 et menaçait de monter à 45 milliards en 2020, si rien n'était fait. Mais le gouvernement bénéficie du fait que l'opinion publique, bien qu'attachée à la retraite à 60 ans, semble résignée à une réforme rendue indispensable, selon les experts, par l'allongement de la durée de la vie.
Le contexte économique, avec les mesures de rigueur budgétaire prises dans toute l'Europe sous la pression des marchés financiers, à la suite de la crise grecque, favorise également l'acceptation de cette réforme.
"Juste et responsable"
Eric Woerth a souligné que la réforme des retraites a été construite "avec deux exigences: être responsable et être juste". Ainsi une contribution particulière des hauts revenus est prévue, avec un prélèvement de 1% supplémentaire sur les 342’000 foyers fiscaux les plus imposés.
Une taxation supplémentaire est également prévue sur les revenus du capital (stocks-options, dividendes, généreuses retraites des grands patrons) et sur les entreprises. Au total ces recettes supplémentaires devraient rapporter 3,7 milliards d'euros.
Toutes les composantes de l'opposition de gauche ont souligné dans un même élan que les plus riches étaient les moins touchés par la réforme. François Hollande, un des principaux dirigeants socialistes, a estimé que Nicolas Sarkozy avait choisi "la réforme la plus injuste".
Réforme "d'une iniquité révoltante" ont renchéri les Verts. Le syndicat CGT, le plus puissant du pays, a demandé au gouvernement de "réécrire" son projet, alors que le syndicat Force Ouvrière en demandait "le retrait".
afp/mej
La France a les plus jeunes retraités d'Europe
Avec le recul à 62 ans de l'âge de départ, l'âge de mise à la retraite avec une pension complète, qui était de 65 ans, se trouve décalé à 67 ans.
La France devrait toutefois rester l'un des pays européens où les retraités seront les plus jeunes.
L'Allemagne, par exemple, veut porter l'âge minimal de la retraite à 67 ans en 2029.
Délais très courts
Cherchant à respecter des délais très serrés, le gouvernement a prévu que le projet soit avalisé le 13 juillet par le Conseil des ministres, avant d'être présenté au Parlement à la rentrée de septembre.
Les syndicats qui peuvent encore demander des amendements au projet dans les prochains jours reportent leurs espoirs sur une forte mobilisation en septembre pour faire reculer le pouvoir.
Ils prévoient d'ores et déjà une journée d'action le 24 juin mais leurs précédents mouvements n'ont pas mobilisé autant qu'ils l'espéraient.