L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a, elle, indiqué que les émeutes des jours derniers auraient "affecté directement ou indirectement" un million de personnes au total dans cette ancienne république soviétique d'Asie centrale. L'accès des agences humanitaires aux victimes du conflit interethnique reste très limité, en raison de l'insécurité, ont affirmé à Genève plusieurs organisations.
Le sous-secrétaire d'Etat américain chargé de l'Asie centrale et du Sud, Robert Blake, a exigé une "enquête indépendante" et enjoint le Kirghizstan de faire "cesser les violences qui entraînent un flot de réfugiés" en Ouzbékistan, pays voisin où il effectuait une visite. Il a aussi qualifié de "crise humanitaire" la situation dans le sud du Kirghizstan.
"Dix fois plus de victimes"
Au même moment, la présidente par intérim kirghize, Rosa Otounbaïeva, rencontrait des habitants à Och, deuxième ville du pays, particulièrement touchée par les violences. Portant un gilet pare-balles, Rosa Otounbaïeva a atterri en hélicoptère et s'est exprimée devant un petit nombre de personnes sur la place centrale: "Je suis venue ici pour parler avec les gens et écouter ce qu'ils disent sur ce qui s'est passé". Avant de quitter la capitale Bichkek, Rosa Otounbaïeva a reconnu que le nombre de victimes des violences était nettement supérieur au bilan officiel, comme l'avaient déjà indiqué des habitants des régions dévastées.
"Je multiplierais par dix les chiffres officiels" qui font état de 192 tués et plus de 2000 blessés, a déclaré Rosa Otounabaïeva au quotidien russe "Kommersant". Au cours d'une réunion avec des représentants de la société civile à Och, elle a atténué ses propos en disant que le bilan final serait "au minimum plusieurs fois supérieur" aux chiffres officiels. "Ce n'est pas qu'on cache la vérité, c'est qu'on n'a pas non plus les chiffres. Les gens ont enterré et enterrent les corps sur place", sans le signaler aux autorités, a expliqué Rosa Otounbaïeva.
Renforts russes
Interrogée sur les relations historiquement tendues entre Kirghiz et la minorité ouzbèke de ce pays de 5,3 millions d'habitants, elle a reconnu que les tensions étaient "toujours élevées" et qu'il y avait déjà eu "par le passé des échauffourées. Mais on a cru que la situation allait tenir", a-t-elle dit.
Rosa Otounbaïeva a rejeté les critiques selon lesquelles le gouvernement provisoire, arrivé au pouvoir après le soulèvement d'avril, était incapable de faire cesser les violences et de gérer la crise humanitaire. "Laissez nous un peu d'espoir! Arrêtez de répéter que nous ne faisons rien", a-t-elle lancé.
De retour à Bichkek dans la soirée, elle a déclaré à la radio nationale que des troupes russes allaient protéger certaines installations stratégiques du pays, sans préciser lesquels. Le ministère russe de la Défense a indiqué que la décision n'avait pas encore été prise.
Enquête transparente demandée
De son côté, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a demandé au gouvernement kirghiz provisoire de mener une enquête "exhaustive et transparente" sur ces violences, afin de trouver les responsables pour qu'ils répondent de leurs actes.
Deux ONG, l'institut d'analyse des conflits International Crisis Group (ICG) et l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW), ont annoncé quant à elles avoir écrit au Conseil de sécurité de l'ONU pour lui demander des "mesures immédiates", afin de régler cette situation, "une menace importante à la paix et la sécurité internationales". A Londres, Maxim Bakiev, le fils du président kirghiz déchu Kourmanbek Bakiev, a déposé une demande d'asile au Royaume-Uni, selon son cabinet d'avocats.
agences/ps
Appel de fonds de l'ONU
L'ONU a lancé vendredi auprès des pays donateurs un appel de fonds d'urgence de 71 millions de dollars pour l'aide humanitaire au Kirghizstan, a annoncé le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon.
Cet appel, qui vise à faire face notamment à une pénurie de nourriture, a été lancé par le Bureau de coordination de l'assistance humanitaire de l'ONU (Ocha), a indiqué M. Ban lors d'un point de presse. Un autre appel, destiné à l'Ouzbékistan voisin, sera lancé en début de semaine prochaine, a-t-il dit.