"Dans une démocratie normale, la démission s'impose", a lancé dimanche l'ancienne juge d'instruction et actuelle eurodéputée Eva Joly en évoquant le cas de Eric Woerth, qui était ministre du Budget alors que son épouse faisait partie des conseillers de l'héritière du groupe de cosmétiques L'Oréal. Et de dénoncer "une contradiction d'intérêts incroyable" de la part du ministre.
Samedi, le député socialiste Arnaud Montebourg avait déjà lancé la charge contre Eric Woerth. "Nous avons un ministre du Budget, en même temps trésorier de l'UMP, dont la femme travaille à organiser la fraude fiscale de Mme Bettencourt", avait-il affirmé au site lexpress.fr. Selon lui, le maintien au gouvernement d'Eric Woerth "empêchera que la vérité éclate". "Il est chargé d'un dossier de premier plan, tout l'appareil judiciaire et policier de l'Etat va se mobiliser", at-il dit.
"Calomnie" dénoncée
"C'est l'air de la calomnie", a répondu dimanche Eric Woerth sur Europe 1. Se présentant à nouveau comme le champion de la lutte contre la fraude fiscale, il a annoncé que son épouse porterait plainte contre Arnaud Montebourg. "On ne peut pas dire n'importe quoi contre n'importe qui", s'est-il insurgé.
Et d'ajouter: "moi j'ai une tête à couvrir de la fraude fiscale? Je suis celui qui en France a été le ministre du Budget le plus engagé dans la lutte contre la fraude fiscale", a-t-il dit. "J'ai été l'ennemi public numéro un en Suisse (...), je pense que mon honnêteté ne peut pas être remise en cause".
Interrogé sur des informations faisant état d'un financement de Liliane Bettencourt d'activités politiques de l'UMP, Eric Woerth a répondu que la milliardaire "faisait de la politique depuis longtemps" et rappelé que "son mari était ministre". "Mme Bettencourt, ce n'est pas à moi de le révéler parce que chaque donateur est libre de faire ce qu'il veut, donne à des partis politiques dans le cadre de la loi" et "la loi, c'est 7500 euros", a-t-il dit.
Le ministre n'a toutefois pas voulu se prononcer sur le silence des services fiscaux concernant les soupçons de fraude fiscale visant Liliane Bettencourt depuis la publication d'enregistrements pirates enregistrés par son majordome.
Soutien à Woerth
La ministre de l'Enseignement supérieur Valérie Pécresse a dénoncé de son côté une "tentative de déstabilisation" visant un membre du gouvernement "qui a une responsabilité cruciale" dans la réforme des retraites. "Il y a une coïncidence extrêmement troublante de voir des conversations volées apparaître au moment où Eric Woerth" présente la réforme des retraites, a-t-elle dit.
Cette affaire tombe en effet à un mauvais moment pour le gouvernement, qui s'efforce de faire passer dans l'opinion sa réforme des retraites ainsi qu'un plan d'austérité, alors même que plusieurs ministres sont épinglés pour leur train de vie. Avec une fortune estimée à 10 milliards d'euros, Liliiane Bettencourt est la femme la plus riche de France.
ats/cab
Comptes en Suisse
Des enregistrements clandestins de conversations de Liliane Bettencourt avec ses conseillers de mai 2009 à mai 2010, révélés cette semaine par le site Mediapart, suggèrent qu'elle menait des opérations financières pour échapper au fisc et qu'elle aurait notamment disposé de comptes bancaires non déclarés en Suisse.
Ils laissent entendre que le ministre et son épouse pouvaient difficilement l'ignorer, Florence Woerth ayant été chargée de la gestion de la fortune Bettencourt entre 2007 et début 2010.
La révélation de ces enregistrements par un des domestiques de Liliane Bettencourt avait déjà constitué un rebondissement.
Elle est survenue juste avant l'ouverture, le 1er juillet, du procès du photographe mondain François-Marie Banier, accusé par la fille de Liliane Bettencourt, Françoise, d'avoir profité de la fragilité de sa mère, 87 ans, pour obtenir près d'un milliard d'euros de dons.
Selon Médiapart les enregistrements mettent aussi en lumière la fragilité psychologique de la milliardaire et sèment le trouble sur ses liens avec le pouvoir.
Cette dernière a accusé samedi sa fille d'être derrière ces écoutes. Une enquête préliminaire a été ouverte après que Françoise Bettencourt-Meyers eut transmis les documents à la police. Liliane Bettencourt détient environ 30% des actions de L'Oréal, soit autant que Nestlé.