Cette 62ème session de la CBI doit examiner un "plan de paix" lui permettant de sortir de "25 ans de confrontation" entre ses 88 membres, selon les termes d'un responsable japonais, depuis l'entrée en vigueur du moratoire sur la chasse en 1986.
Une commission décriée à l'interne
Le vice-président de la CBI Anthony Liverpool s'est dit confiant lundi à Agadir, en ouverture des travaux, sur la capacité des Etats présents "à trouver une forme d'accord". "Cette organisation ne fonctionne pas depuis 25 ans, il faut la mettre en état de marche", a déclaré Hideki Moronuki, délégué de l'Agence des pêches japonaise à Agadir.
"Nous sommes prêts au compromis, nous en avons déjà fait. La seule chose que nous ne pouvons pas accepter est la pression pour éliminer la chasse à la baleine", a-t-il néanmoins prévenu.
La proposition d'accord prévoit de réduire le nombre des prises sur les dix prochaines années mais revient à autoriser de fait la pêche commerciale, sans préciser ce qu'il adviendra au terme de cette période intérimaire de dix ans.
Des règles communément contournées
Aujourd'hui, la Norvège et l'Islande, qui ont dénoncé le moratoire pour pratiquer la chasse commerciale, s'accordent unilatéralement leurs quotas annuels de baleines et l'Islande souhaite pouvoir en exporter la viande.
Le Japon, de son côté, utilise une disposition de la CBI pour pratiquer la chasse sous couvert de recherches scientifiques et pêche à lui seul près des deux tiers des quelques 1500 prises déclarées annuellement.
Bien que jugé "ambigu" par de nombreux observateurs, ce texte offre toutefois une possibilité de sortie pour une institution en état de crise permanent entre ses 88 membres.
Moratoire discuté à huis clos
Dès la fin de la brève cérémonie d'ouverture, la Commission a décidé de conduire ses travaux à huis-clos, fermant ses portes non seulement à la presse mais aussi aux ONG qui ont le statut d'observateurs.
Selon un diplomate européen, il s'agit de permettre à chaque grand groupe géographique (UE, Afrique, Amérique Latine...) de s'entretenir avec chacun des pays chasseurs: Islande et Norvège lundi et Japon mardi dans le cas de l'Europe.
Rémi Parmentier, porte-parole du Pew Environment Group, juge ce comportement "totalement anachronique". "Cela va encourager la théorie de la conspiration" et les soupçons qui pèsent sur la probité de la commission.
Soupçons de corruption
D'autant qu'en l'absence du président chilien souffrant, dont le pays appartient au clan des "anti-chasse", c'est Anthony Liverpool, le vice-président, qui dirige les travaux. Originaire d'Antigua et Barbuda qui vote traditionnellement avec le Japon, Anthony Liverpool a vu sa réputation entachée par des révélations du Sunday Times, dimanche, assurant que sa note d'hôtel à Agadir était réglée par un homme d'affaires japonais.
Créée en 1946 pour ménager l'avenir de la chasse à la baleine, alors que les stocks surexploités commençaient à donner de graves signes d'effondrement, la CBI est divisée à parts quasiment égales au sein de ses 88 membres entre pro et anti chasse.
Position helvétique contestée
La Société suisse d'étude et de protection
des cétacés (Swiss Cetacean Society - SCS) a dénoncé lundi la "surprenante
position" que la délégation suisse s'apprête à défendre, en faveur d'une
reprise de la chasse commerciale.
Le Département fédéral de l'économie (DFE) a
opté pour la légalisation sur dix ans d'une chasse "contrôlée et durable"
de certaines espèces de baleines, de manière à offrir un compromis au principaux
pays baleiniers, qui sont le Japon, la Norvège et l'Islande.
Par ce compromis, la Suisse espère
débloquer une CBI que les luttes internes entre pro et anti chasse immobilisent
depuis des années, permettre ainsi à la CBI de reprendre le contrôle de la
chasse actuellement illégale et donc, à terme, de réduire les prises totales de
la chasse.
La SCS s'oppose à ce compromis, auquel elle
reproche notamment de s'appuyer sur des raisons politiques et non scientifiques.
Le système de calcul des quotas de chasse ne peut pas prendre en compte le taux
de mortalité réel des baleines, aggravé par la pollution et les collisions, "car
il est impossible à connaître.
Par conséquent il est source d'erreurs
fatales pour les espèces concernées", relève la CSC. "Une reprise de la
chasse commerciale deviendra vite incontrôlable et tout retour en arrière sera
impossible", estime-telle également.
afp/ats/jeh
Rome: une baleine sur la place d'Espagne
Une fausse baleine de 15 mètres de long s'est échouée lundi matin sur la place d'Espagne à Rome, l'un des hauts lieux touristiques de la capitale italienne, une initiative de Greenpeace pour protester contre la chasse à la baleine.
Le gigantesque animal, sur lequel avait été inscrit "les baleines ne sont pas en vente", a été placé pendant quelques heures au pied des grands escaliers de la place d'Espagne, avant que les militants ne soient sommés de quitter les lieux avec leur cétacé.
L'ONG écologiste dénonce un risque réel de réouverture de la chasse commerciale à la baleine qui pourrait compromettre le moratoire en vigueur depuis plus de 24 ans.
"Nous apprécions la position de l'Italie, fortement opposée à la chasse à la baleine, mais ça ne suffit pas pour les sauver", a affirmé Giorgia Monti, l'une des responsables de l'association.
Selon elle, "il est nécessaire que tous les pays" opposés à cette chasse "dénoncent l'achat de vote à la CBI", pratiqué selon Greenpeace par les pays baleiniers, comme le Japon.
Or, dit-elle, "L'Italie reste silencieuse sur l'achat de voix qui menace les baleines".