Stanley McChrystal, patron des troupes américaines et de l'Otan en Afghanistan, a été convoqué par Barack Obama à la Maison Blanche pour s'expliquer mercredi en personne après la publication par le bimensuel Rolling Stone d'un article dans lequel le général fait apparaître ses relations avec Washington sous un jour houleux.
L'article de Rolling Stone secoue la Maison Blanche
Cet article revient sur les frictions apparues entre l'armée et la Maison Blanche à l'automne, quand Barack Obama mûrissait sa décision d'envoyer des renforts en Afghanistan. Le général dit avoir trouvé cette période "pénible".
Un de ses conseillers ajoute sous le couvert de l'anonymat que le général âgé de 55 ans, dont 34 sous l'uniforme, n'a pas retiré une bonne impression d'une rencontre avec Barack Obama à la Maison Blanche.
Selon les propos retranscrits dans l'article, le général McChrystal et ses adjoints se sont aussi moqués du vice-président Joe Biden, connu pour son scepticisme face à sa stratégie en Afghanistan, employant le jeu de mots "Bite Me" ("va te faire voir") sur le nom de Joe Biden.
Le vice-président, interpellé mardi matin par des journalistes à la Maison Blanche, s'est contenté de répondre: "j'aurai tout le temps de parler de l'Afghanistan".
Excuses à retardement
Le général McChrystal, un ancien des forces spéciales, a immédiatement présenté ses "plus sincères excuses pour ce portrait" et affirmé que "c'était une erreur révélant un piètre jugement et cela n'aurait jamais dû se produire".
Mais le mal est fait au moment où la campagne contre les talibans en Afghanistan est entrée dans une phase critique avec une concentration des efforts contre leur fief de Kandahar (sud).
Le secrétaire à la Défense Robert Gates a estimé que le général McChrystal avait commis une "faute importante", tandis que le chef d'état-major interarmées, l'amiral Michael Mullen, s'est dit "profondément déçu", ce qui augure mal de la pérennité du général à son poste.
Des réactions contrastées
En revanche, tant le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, que l'ambassadeur des Etats-Unis en Afghanistan, Karl Eikenberry, l'ont soutenu.
Même tentative d'apaisement chez John Kerry, président démocrate de la commission des Affaires étrangères du Sénat, qui a appelé "tout le monde à reprendre son souffle" et à laisser Barack Obama et le général "discuter face à face".
Ses collègues républicains John McCain et Lindsey Graham, dans un communiqué conjoint avec l'indépendant Joe Lieberman, ont noté que les propos du général étaient "déplacés et incohérents avec la relation traditionnelle qu'entretient un commandant en chef avec l'armée", mais souligné que "l'avenir du général McChrystal doit être décidé par le président des Etats-Unis".
Un général sur un siège éjectable
Barack Obama "n'exclut pas de limoger" le général McChrystal après la publication de ses propos sur l'administration américaine dans un magazine, a affirmé mardi le porte-parole de la Maison Blanche. Selon lui, le président américain est furieux face à l'officier.
"Toutes les options sont sur la table", quant au maintien ou non du général McChrystal à la tête des forces internationales en Afghanistan, a affirmé le porte-parole, Robert Gibbs, lors de son point de presse quotidien.
agences/jeh
De solides inimitiés
Le général américain Stanley McChrystal, chef des forces internationales en Afghanistan, est un ancien des "forces spéciales" longtemps habitué à manoeuvrer dans l'ombre.
Le portrait que lui consacre le magazine Rolling Stone montre un général en roue libre, plaisantant aux dépens de nombreux responsables de Washington.
Diplômé de la prestigieuse école militaire de West Point, Stanley McChrystal a brillamment gravi les échelons de la hiérarchie militaire, tout en étudiant à Harvard.
Issu d'une famille de militaires, il a longtemps choisi de rester dans l'ombre, notamment, de 2003 à 2008, à la tête des forces spéciales, un corps militaire américain entouré de secret qu'il avait intégré dès 1980.
Ces fonctions l'avaient placé en première ligne des opérations spéciales américaines en Irak comme en Afghanistan depuis 2001.
En Irak, il a été crédité de l'élimination du chef de la branche locale d'Al-Qaïda, Abou Moussab al-Zarkaoui, en juin 2006.
Mais les forces spéciales ont aussi été mises en cause pour avoir torturé des prisonniers en Irak.
Lors de son entrée en fonction à la tête de la coalition internationale en Afghanistan, le général de 55 ans avait en particulier insisté sur la nécessité de "protéger les Afghans de toute violence".
Une politique qui lui vaut aujourd'hui de solides inimitiés parmi les officiers américains en Afghanistan, à en croire Rolling Stone.