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Première présidentielle libre en Guinée

Le général Konaté a tenu sa promesse d'une présidentielle sans candidat issu de l'armée.
Le général Konaté a tenu sa promesse d'une présidentielle sans candidat issu de l'armée.
Les Guinéens ont participé massivement, dimanche, à la première élection libre depuis l'indépendance en 1958, impatients de voir les militaires quitter le pouvoir, neuf mois après le massacre d'opposants par l'armée à Conakry. Les bureaux de vote, ouverts peu après 07H00 (locales et GMT), ont commencé à fermer à partir de 18H00, sans qu'aucun trouble ni violence n'aient été signalés.

Le premier tour de ce scrutin présidentiel constituait un évènement historique, après une alternance de dictatures. Les résultats ne seront pas connus avant une semaine. "En 50 ans, c'est la première fois que la Guinée va à des élections libres et transparentes", a résumé à la mi-journée l'ex-général putschiste Sékouba Konaté, président de la "transition" depuis six mois.

 L'officier a alors exprimé sa "fierté" d'avoir tenu "parole", lui qui s'était engagé le 15 janvier à mener le pays vers une élection, sans qu'aucun militaire ni dirigeant sortant ne soit candidat.

Enthousiasme général

Plus de quatre millions de Guinéens ont pu, cette fois, choisir leur président parmi 24 candidats, tous civils. Dans les quartiers populaires de Conakry, une foule enthousiaste mais disciplinée a envahi très tôt les bureaux de vote. "C'est le deuxième plus beau jour de ma vie après celui de mon mariage!", assurait Abdoul Barry, 55 ans, imaginant déjà qu'un président civil apporterait "la liberté, la démocratie, le développement et un mieux être, quoi!".

Puis, à la mi-journée, le président de la commission électorale nationale indépendante (Céni), Ben Sékou Sylla, a assuré que le scrutin "se passait bien", en dépit de "quelques manques de matériels et autres". "L'engouement fait que nous sommes obligés de multiplier le nombre d'isoloirs et le nombre d'urnes par deux, dans certains bureaux", a-t-il relevé.

Dans la ville de Siguiri (nord-est), un enseignant, Amara Camara, a conclu avec enthousiasme: "Il y avait beaucoup de monde pour le vote, les gens sympathisaient entre adversaires politiques et les bureaux ont fermé dans l'allégresse".

Trois favoris

Dans ce scrutin très ouvert, trois candidats sont donnés favoris: les anciens Premiers ministres Cellou Dalein Diallo (2004-2006) et Sidya Touré (1996-1999), ainsi qu'un opposant à tous les régimes depuis l'indépendance, Alpha Condé.

L'un d'eux, Cellou Dalein Diallo, a déclaré, dans l'après-midi qu'il faudrait "respecter le choix des urnes, quel qu'il soit". Il a également jugé que l'élection se déroulait "dans la transparence souhaitée".

 Les résultats provisoires ne devraient pas être connus avant mercredi. La proclamation des résultats définitifs est prévue dans les huit jours. Un second tour sera organisé le 18 juillet si aucun candidat n'a obtenu la majorité absolue.

afp/ther

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Une histoire émaillée de dictateurs

En 1958, l'ancienne colonie française avait d'abord été fière de son premier chef de l'Etat, Ahmed Sékou Touré, qui refusa la "communauté" franco-africaine proposée par le général de Gaulle et proclama l'indépendance.

Mais le leader révolutionnaire devint "président à vie" (1958-1984) et fit régner la terreur parmi ses opposants. Au moins 50'000 personnes avaient été tuées ou avaient disparu selon Amnesty international. Puis un militaire de carrière, Lansana Conté, s'imposa pour 24 années (1984-2008), réprimant dans le sang la contestation grandissante, jusqu'à sa mort en décembre 2008.

Le pays a ensuite vécu d'amères désillusions avec la junte dirigée par Dadis Camara. En 2009, il a d'ailleurs reculé au 170e rang (sur 182) de l'Indice du développement humain des Nations unies, en dépit de ses ressources minières considérables.

Effacer la terreur de septembre

Pendant la campagne, les Guinéens ont exprimé un immense appétit de justice sociale. Leur pays, premier exportateur mondial de bauxite, dispose de considérables richesses naturelles mais la moitié de sa population de quelque dix millions d'habitants vit en dessous du seuil de pauvreté.

Le pays reste aussi traumatisé par le massacre du 28 septembre 2009, quand des militaires ont tué au moins 156 opposants et violé des dizaines de femmes, au cours d'un rassemblement politique "contre la dictature militaire".