Attentif, l'ancien homme fort du Panama, petit, trapu, le visage marqué - au point d'être surnommé "face d'ananas" - comparaît à quelques mètres de ses trois filles venues le soutenir. Ses avocats ont commencé à soulever une série de nullités, réclamant notamment pour leur client le statut de prisonnier de guerre. "Le problème est de savoir si la France a la capacité de juger un ancien chef de l'Etat, alors que la coutume et la jurisprudence l'interdisent", s'est interrogé avant l'audience Olivier Metzner, l'un des avocats de Manuel Noriega.
Après vingt ans dans les prisons américaines, l'ex-dictateur fait face à la justice française pour le blanchiment en France de 2,3 millions d'euros issus du trafic de drogue. Il encourt jusqu'à 10 ans de prison. C'est d'ailleurs la peine à laquelle avait été condamné une première fois, en juillet 1999, l'ancien homme fort du Panama, jugé par défaut par le tribunal correctionnel de Paris. L'épouse de l'ex-dictateur du Panama avait écopé de la même peine. Le tribunal, qui avait suivi le parquet, avait également condamné le général Noriega et sa femme à de fortes amendes, tant délictuelles que douanières.
Honoré par la France
Ecroué depuis 1990 pour trafic de drogue à Miami (Floride), Manuel Noriega a été extradé le 26 avril des Etats-Unis vers la France. Sitôt sur le sol français, Manuel Noriega a fait opposition au jugement rendu en 1999, une possibilité donnée à tout prévenu ayant été jugé en son absence. Il a aussi invoqué son immunité en tant qu'ancien chef d'Etat et mis en avant sa santé défaillante: il souffre d'une hémiplégie et d'hypertension.
Le 28 mai, lors d'une audience pour une demande de remise en liberté qui a été rejetée, Manuel Noriega arborait son insigne de commandeur de la Légion d'honneur, remis par la France en 1987 et qu'il perdra en cas de condamnation. La justice française lui reproche d'avoir blanchi en France 2,3 millions d'euros qui proviendraient du cartel de Medellin (Colombie), via la Bank of Credit and Commerce International (BCCI), fermée en juillet 1991 pour fraude internationale.
L'ancien chef des armées du Panama rétorque que ces fonds proviennent de l'héritage de son frère, de la fortune de son épouse et de versements de la CIA américaine. Il estime que les charges retenues à son encontre ne reposent que sur les déclarations mensongères de témoins recueillies par les autorités américaines.
Depuis son arrivée en France, l'ancien chef d'Etat est incarcéré à la prison parisienne de la Santé. Ses avocats n'ont eu de cesse de contester ses conditions de détention. En dépit de plusieurs demandes de remise en liberté, les juges l'ont maintenu en détention, invoquant d'"importants risques de fuite". Le procès doit s'achever mercredi soir. La décision devrait être mise en délibéré à l'automne.
afp/dk
Un allié des USA tombé en disgrâce
Longtemps allié des Etats-Unis pendant la Guerre froide, Manuel Noriega était tombé en disgrâce à Washington pour son implication dans un trafic de stupéfiants. Il avait été renversé puis capturé en 1989 lors de l'intervention américaine au Panama ordonnée par le président américain George Bush.
L'ex-dictateur de ce petit pays d'Amérique centrale avait ensuite été condamné à 40 ans de prison aux Etats-Unis pour trafic de drogue. Placé en détention en Floride, sa peine avait été réduite à 17 ans pour bonne conduite. Un juge fédéral américain avait approuvé son extradition vers Paris.
Le Panama veut aussi juger le général
La République du Panama est présente sur le banc des parties civiles lundi à Paris.
Bien que le gouvernement panaméen ait fait savoir qu'il respectait la décision "souveraine" des Etats-Unis d'extrader l'ancien dictateur vers la France, il a aussi demandé qu'il soit rapatrié pour être jugé dans son pays.
Le général Noriega a été condamné au Panama à 54 ans de prison pour son implication dans la disparition et le meurtre d'opposants entre 1968 et 1989.
Paris a fait savoir qu'une éventuelle extradition vers le Panama ne pourra avoir lieu qu'après la comparution de Manuel Noriega devant la justice française.