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Bruxelles pour une culture des OGM à la carte

La culture du maïs transgénique Monsanto est la source de tensions entre Etats européens.
La culture du maïs transgénique Monsanto est la source de tensions entre Etats européens.
La Commission européenne a proposé mardi de rendre aux Etats qui le souhaitent la liberté d'interdire les OGM sur leur territoire pour tenter de débloquer le processus d'autorisation de mise en culture en Europe, mais ce système à la carte suscite déjà de fortes critiques.

John Dalli, le commissaire à la Santé, en charge de ce dossier sensible, s'est défendu devant la presse de vouloir forcer la main par ce biais aux gouvernements pour accélérer les autorisations de culture, bloquées depuis douze ans dans l'UE.

"Il n'est pas question de faire pression pour obtenir davantage de votes positifs et je ne m'attends pas à ce que les gouvernements changent leurs votes simplement parce que nous avons présenté ce paquet", a-t-il affirmé.

Le maïs Monsanto en cause

Un seul OGM, le maïs MON 810 de la multinationale américaine Monsanto a été autorisé à la culture en Europe pour l'alimentation, en 1998 et pour dix ans. Il attend le renouvellement de cette autorisation depuis 2009. Six pays le cultivent: l’Espagne, le Portugal, la République Tchèque, la Roumanie, la Pologne et la Slovaquie. Six autres l'ont interdit: la France, l’Allemagne, l’Autriche, le Luxembourg, la Grèce et la Hongrie.

Les patates Amflora ont déjà été testées en Europe (ici en Allemagne en mai 2009).
Les patates Amflora ont déjà été testées en Europe (ici en Allemagne en mai 2009).

John Dalli sait que les adversaires du Monsanto ne sont pas hostiles à tous les OGM. L'Allemagne a ainsi fait pression pour obtenir en mars l'autorisation de cultiver l'Amflora, une pomme de terre transgénique du groupe allemand BASF destinée à un usage exclusivement industriel. La France est prête elle aussi à autoriser certains OGM et le gouvernement aide financièrement la recherche menée dans ce domaine.

Sortir de l'impasse

Mais, à ce jour, aucun accord ne parvient à se dégager entre les gouvernements en faveur d'une autorisation ou d'une interdiction, et il revient à la Commission de décider en dernier ressort. "C'est la raison pour laquelle nous avons adopté cette proposition", a souligné John Dalli.

Dès qu'un OGM aura obtenu l'autorisation d'être cultivé, les gouvernements pourront décider de l'interdire sur tout ou partie de leur territoire pour des raisons "socio-économiques, éthiques ou morales", a-t-il expliqué.

John Dalli a reconnu "une aversion massive de la population à l'idée de la culture d'OGM" comme une raison valable de les interdire. Ce qui simplifierait nettement la procédure actuelle pour bloquer une culture, basée sur une clause de sauvegarde complexe, devant être justifiée par des motifs environnementaux et sanitaires probants.

Oppositions étatiques en vue

Le commissaire n'a toutefois pas pu s'empêcher d'évoquer les motivations financières et économiques sous jacentes à sa proposition. "Les marchés ont besoin de sécurité. Ils ont été perturbés par les mesures de sauvegarde adoptée par certains pays, qui sont des choix arbitraires", a-t-il plaidé, en référence au refus des six pays d'accepter le maïs de Monsanto.

Le projet de la Commission devra être approuvé par les Etats et le Parlement européen pour voir le jour. Les gouvernements sont eux assez circonspects. La France (lire encadré) et l'Espagne ont déjà déclaré leur opposition à une renationalisation des autorisations de culture. L'Allemagne et l'Italie n'ont pas encore pris position.

afp/os

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La France rejette les propositions

La proposition présentée mardi par la Commission européenne pour tenter de débloquer les mise en culture controversées de plantes OGM en Europe sont "inacceptables" pour la France, a déclaré à l'AFP le ministre français de l'Environnement Jean-Louis Borloo.

"Elles ne sont pas acceptables, car elles ne répondent pas à la demande d'amélioration du niveau d'expertise pour les homologations et les autorisations votée à l'unanimité en décembre 2008" par les pays de l'UE, a expliqué Jean-Louis Borloo. "J'ai parlé ce matin avec quelques collègues (européens) et je peux vous dire que ces propositions ne vont pas avoir un franc succès", a-t-il confié.

"Ils ont proposé un troc, cela ne marchera pas", a insisté le ministre d’Etat français. Il a réclamé à propos des OGM une réforme de l'Agence européenne pour la sécurité alimentaire (EFSA ou AESA) basée à Parme afin de renforcer sa capacité d'expertise. "La Commission doit proposer cette réforme. Nous la réclamons depuis 2008", a-t-il conclu.

Industriels et écologistes mécontents

Les premières réactions de l'industrie et des écologistes mardi ont toutefois toutes été négatives. Europabio, qui représente les multinationales du secteur OGM à Bruxelles, s'est déclarée "déçue par cette carte blanche" donnée aux Etats qui génère "l'incertitude pour les agriculteurs qui veulent cultiver les OGM".

Les Verts au Parlement européen ont pour leur part appelé à rejeter une "proposition dangereuse" de système à la carte, car "la contamination ne s'arrête pas aux frontières" des pays. Le député européen écologiste français José Bové a qualifié pour sa part le système à la carte de Bruxelles de "marché de dupes".

"La Commission européenne n'a jamais caché sa volonté de faire avancer les cultures transgéniques en Europe" et sa proposition "va directement dans ce sens", a-t-il estimé.

Ces critiques sont partagées par les organisations écologistes Greenpeace et des Amis de la terre.