Modifié

Quatre interpellations dans l'affaire Bettencourt

Banier Bettencourt
Le photographe François-Marie Banier est soupçonné d'avoir extorqué des sommes immenses à la milliardaire.
Quatre personnes, dont le photographe François-Marie Banier et le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt Patrice de Maistre, ont été placées en garde à vue jeudi matin dans le cadre de la dernière enquête préliminaire ouverte par le parquet de Nanterre qui vise entre autre des fais de blanchiment de fraude fiscale.

François-Marie Banier, Patrice de Maistre, ainsi que l'ancien avocat de Liliane Bettencourt, Me Fabrice Goguel, et le gérant de l'île d'Arros (Seychelles), Carlos Vejarano, ont été placés jeudi matin en garde à vue, selon une source proche du dossier, confirmant ainsi une information parue sur le site internet du Monde. Leur garde à vue est susceptible de durer 48 heures.

Des "prédateurs"

"C'est un cap important puisque depuis des mois et des mois nous dénonçons les prédateurs qui entourent Liliane Bettencourt. Nous considérons qu'elle n'est pas responsable de ce qu'elle fait, parce qu'elle est orientée, les choix sont faits à sa place par ses prétendus protecteurs", a-t-il dit.", a commenté Me Olivier Metzner, avocat de Françoise Bettencourt-Meyers, la fille de l'héritière des cosmétiques.

Celle-ci accuse notamment le photographe d'avoir abusé de la faiblesse présumée de sa mère, âgée de 87 ans, pour se faire remettre au total près d'un milliard d'euros de dons divers. Le cadre juridique - parmi les trois enquêtes préliminaires ouvertes à Nanterre, près de Paris - dans lequel se déroulent ces gardes à vue n'a pas été précisé.

Feu vert pour une expertise médicale

Par ailleurs, Me Metzner a annoncé que "Françoise Meyers-Bettencourt prenait acte que sa mère est d'accord pour subir une expertise médicale du moment qu'elle est indépendante. Nous attendons que Liliane Bettencourt se soumette à cette expertise, qui n'est pas orientée par sa fille. Nous tirerons toutes les conséquences dans un sens ou dans l'autre des résultats", a-il précisé.

Me Olivier Metzner s'exprimait sur France 2 au lendemain d'une interview de Liliane Bettencourt où elle se dit pour la première fois prête à subir une telle expertise à condition qu'elle ne soit pas influencée par sa fille.

Gouvernement en difficulté

Les "affaires Bettencourt", aux rebondissements et volets multiples, avaient démarré il y a plusieurs mois par une plainte de la fille de Liliane Bettencourt contre François-Marie Banier.

Mais ce conflit familial a pris depuis quelques semaines une toute autre ampleur, entre enregistrements pirates, présomptions d'évasion fiscale, accusations de financement politique illégal : ces affaires ont mis en difficulté le ministre du Travail Eric Woerth, longtemps ministre du Budget, et déstabilisé l'ensemble du gouvernement de Nicolas Sarkozy. 

Maistre, le personnage central

Gestionnaire discret de l'immense fortune de Liliane Bettencourt, estimée à 17 milliards d'euros, Patrice de Maistre apparaît comme un personnage central, notamment par son rôle présumé dans une éventuelle évasion fiscale. Il a d'ailleurs reconnu fin juin dans un entretien l'existence de deux comptes en Suisse non déclarés d'une valeur de 78 millions d'euros.  

Cet homme à l'allure aristocratique est aussi lié au couple Woerth: il a engagé Florence Woerth en 2007 dans sa société de gestion de la fortune de Liliane Bettencourt - elle a démissionné fin juin - et a reçu en janvier 2008 les insignes de chevalier de la Légion d'honneur des mains d'Eric Woerth.  

Surtout, Patrice de Maistre, 61 ans, a été désigné devant les policiers par l'ancienne comptable de l'héritière de L'Oréal comme l'intermédiaire qui "s'occupait des +politiques+". Il aurait notamment, selon elle, versé 150’000 euros en liquide en 2007 à Eric Woerth pour financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, une accusation qu'il réfute vivement. 

Banier, un séduisant provocateur

Artiste touche-à-tout et figure du Tout-Paris, François-Marie Banier, 63 ans, est d'abord un peintre-écrivain séduisant et provocateur, qui joue de son charme pour s'introduire en plus haut lieu, avant de se tourner vers la photographie mondaine.

Ami du couple Bettencourt depuis les années 1970, il en reçoit de nombreux cadeaux: contrats d'assurance-vie, chèques, tableaux de maîtres... Poursuivi pour abus de faiblesse, le photographe devait être jugé début juillet mais son procès a été renvoyé sine die, en raison des rebondissements suscités par la divulgation des écoutes de conversations entre Liliane Bettencourt et ses proches, réalisés par un ancien employé.  

Ces enregistrements suggèrent notamment que Liliane Bettencourt aurait fait l'acquisition avec son mari, décédé en 2007, de l'île d'Arros, située aux Seychelles, sans l'avoir déclaré au fisc. Toujours selon ces écoutes, elle aurait depuis cédé l'île à François-Marie Banier. Carlos Vejarano est le gérant de cette île de 1,5 km².

afp/cht

Publié Modifié

Un autre témoin parle d'argent liquide distribué par Bettencourt

L'ancienne secrétaire particulière d'André Bettencourt a confirmé des allégations selon lesquelles le milliardaire et sa femme avaient pour habitude de distribuer des enveloppes d'argent à des hommes politiques. Elle n'a toutefois pas donné de noms.

La déposition de Chantal Trovel devant la police la semaine dernière conforte celle Claire Thibout, l'ancienne comptable de l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt qui est au centre des soupçons de financement illégal de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Son contenu général était déjà connu mais "Le Monde" en publie vendredi les extraits les plus significatifs.

"Je savais que M. et Mme Bettencourt aidaient financièrement des personnes politiques, c'était une évidence que les personnes venaient pour cela", a-t-elle déclaré aux policiers. "Durant les périodes qui précédaient les élections de tous ordres, des personnes qui ne venaient pas d'habitude à la maison demandaient des rendez-vous auprès de M. Bettencourt", dit-elle.

Elle ajoute qu'elle se chargeait de soumettre les demandes de rendez-vous à André Bettencourt, qui choisissait. "Lorsqu'il disait oui, il recevait cette personne. Ils s'entretenaient ensemble durant une demi-heure à 45 minutes. Puis la personne repartait. Parfois, il arrivait que M.Bettencourt me dise 'il est venu vraiment pour ce que je pensais'. Mais il restait évasif", raconte Chantal Trovel.

Aucun nom ne semble avoir été recueilli par la police. Chantal Trovel ajoute qu'André Bettencourt avait un coffre dans son bureau avec d'importantes sommes en espèces mais, s'il en manquait, il demandait à Claire Thibout d'en retirer. Cette dernière a déjà expliqué à la police qu'elle retirait ainsi jusqu'à 50'000 euros par semaine et préparait des "enveloppes kraft demi-format" avant les visites de certains hommes politiques pour y mettre les espèces.

Elle a nié avoir dit à Mediapart que Nicolas Sarkozy faisait partie des bénéficiaires. Réinterrogée sur ce point par la police, elle a dit : "C'est possible", tout en expliquant n'avoir jamais vu les remises d'espèces. Nicolas Sarkozy a contesté ce point sur France 2 lundi dernier. André Bettencourt est mort fin 2007.

Interrogée sur les remises d'espèces sur France 3 mercredi, Liliane Bettencourt a déclaré qu'elle ne s'en souvenait pas mais que ça lui semblait peu probable. Pascal Bonnefoy, l'ancien majordome des Bettencourt, a également été entendu et, selon sa déposition également citée dans "Le Monde", de nombreux hommes politiques étaient invités dans des réceptions chez les Bettencourt.