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Fin des gardes à vue dans l'affaire Bettencourt

Liliane Bettencourt s'explique Au coeur du scandale, Liliane Bettencourt s'est expliqué dans un entretien accordé à TF1.
Les quatre proches de la milliardaire Liliane Bettancourt sont notamment soupçonnés d'évasion fiscale.
Les gardes à vue de quatre proches de Liliane Bettencourt ont été levées vendredi soir après 36 heures d'audition. L'enquête, qui embarrasse toujours le sommet de l'Etat, semble se concentrer sur les soupçons d'évasion fiscale de la milliardaire.

Le gestionnaire de fortune Patrice de Maistre et le photographe François-Marie Banier ainsi que l'avocat Me Fabrice Goguel et le gérant de l'îlot d'Arros (Seychelles), Carlos Vejarano, étaient entendus depuis jeudi matin par les policiers de la Brigade financière. Ces derniers enquêtent sous la direction du parquet de Nanterre sur le contenu des enregistrements clandestins de conversations entre l'héritière des cosmétiques L'Oréal et son entourage.

"Ils ont été libérés et l'enquête préliminaire se poursuit", a indiqué une porte-parole du procureur Philippe Courroye. Ce magistrat, un proche de Nicolas Sarkozy, garde le contrôle exclusif de trois enquêtes préliminaires visant des soupçons de fraude fiscale, de conflit d'intérêt ou de trafic d'influence du ministre du Travail Eric Woerth et du financement politique illégal.

Soupçons de fraude fiscale

A l'issue de la garde à vue, plusieurs possibilités s'offrent au parquet: citer directement les quatre hommes devant le tribunal, ouvrir une information judiciaire confiée à un juge d'instruction en vue de leur inculpation ou bien les remettre en liberté en attendant la suite des investigations.

Réalisés entre mai 2009 et mai 2010 au domicile de la milliardaire par son ancien majordome, les enregistrements laissent supposer l'existence d'un blanchiment de fraude fiscale via l'île d'Arros, non déclarée au fisc, et deux comptes en Suisse détenus par Mme Bettencourt. Au total, Patrice de Maistre a reconnu l'existence de ces deux comptes non déclarés d'une valeur de 78 millions d'euros dont il n'aurait "découvert l'existence qu'en novembre 2009". Dans les enregistrements, il déclarait: "je suis en train d'organiser le fait de l'envoyer dans un autre pays, qui sera soit Hong Kong, Singapour ou en Uruguay".

Une île achetée grâce à des sociétés offshore

Les conversations laissent également penser que l'héritière de L'Oréal aurait acquis l'île d'Arros par l'intermédiaire de sociétés offshore au Liechtenstein à la fin des années 1990. Un achat qu'elle n'aurait pas déclaré à l'administration fiscale. Evaluée à 500 millions d'euros, cette île aurait ensuite été discrètement cédée à François-Marie Banier, selon les enregistrements.

Sur ce point, les quatre hommes placés en garde à vue se sont eux "renvoyés la balle", affirmait vendredi "Le Parisien", citant une source proche de l'enquête. Carlos Vejarano aurait simplement indiqué que la société propriétaire d'Arros était basée au Liechtenstein. François-Marie Banier aurait lui nié être le propriétaire de l'île.

Eric Woerth, le conflit d'intérêt se précise?

Autre point contenu dans les enregistrements sur lequel la brigade financière doit se pencher: le possible conflit d'intérêts, voire le trafic d'influence, lié à l'embauche de l'épouse du ministre du Travail Eric Woerth dans la société Clymène. Cette société était chargée de gérer la fortune de la milliardaire.

Par ailleurs, dans son édition à paraître samedi, l'hebdomadaire "Marianne" révèle que l'ex-comptable de Liliane Bettencourt, Claire Thibout, a effectué un retrait en espèces de 100'000 euros à la demande de la milliardaire en décembre 2006, soit quatre mois avant la présidentielle de l'année suivante. L'avocat de la comptable, Me Antoine Gillot, a confirmé à l'AFP l'existence de ce retrait.

Dans un entretien accordé la semaine dernière à Mediapart, Claire Thibout avait évoqué un financement politique illégal de Liliane Bettencourt et son mari André Bettencourt, décédé en 2007. La comptable avait assuré notamment que le ministre du Travail Eric Woerth, trésorier de l'UMP, avait reçu 150 000 euros en espèces au printemps 2007 pour financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.

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De Maistre, le personnage central

Gestionnaire discret de l'immense fortune de Liliane Bettencourt, estimée à 17 milliards d'euros, Patrice de Maistre apparaît comme un personnage central, notamment par son rôle présumé dans une éventuelle évasion fiscale.

Il a d'ailleurs reconnu fin juin dans un entretien l'existence de deux comptes en Suisse non déclarés d'une valeur de 78 millions d'euros.   

Cet homme à l'allure aristocratique est aussi lié au couple Woerth: il a engagé Florence Woerth en 2007 dans sa société de gestion de la fortune de Liliane Bettencourt - elle a démissionné fin juin - et a reçu en janvier 2008 les insignes de chevalier de la Légion d'honneur des mains d'Eric Woerth.   

Surtout, Patrice de Maistre, 61 ans, a été désigné devant les policiers par l'ancienne comptable de l'héritière de L'Oréal comme l'intermédiaire qui "s'occupait des politiques".

Il aurait notamment, selon elle, versé 150’000 euros en liquide en 2007 à Eric Woerth pour financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, une accusation qu'il réfute vivement. 

Banier, un séduisant provocateur

Artiste touche-à-tout et figure du Tout-Paris, François-Marie Banier, 63 ans, est d'abord un peintre-écrivain séduisant et provocateur, qui joue de son charme pour s'introduire en plus haut lieu, avant de se tourner vers la photographie mondaine.

Ami du couple Bettencourt depuis les années 1970, il en reçoit de nombreux cadeaux: contrats d'assurance-vie, chèques, tableaux de maîtres...

Poursuivi pour abus de faiblesse, le photographe devait être jugé début juillet mais son procès a été renvoyé sine die, en raison des rebondissements suscités par la divulgation des écoutes de conversations entre Liliane Bettencourt et ses proches, réalisés par un ancien employé.

Ces enregistrements suggèrent notamment que Liliane Bettencourt aurait fait l'acquisition avec son mari, décédé en 2007, de l'île d'Arros, située aux Seychelles, sans l'avoir déclaré au fisc. Toujours selon ces écoutes, elle aurait depuis cédé l'île à François-Marie Banier. Carlos Vejarano est le gérant de cette île de 1,5 km².