Entre 2,3 et 4,5 millions de barils de brut (entre 365 et 715 millions de litres) se sont échappés dans le golfe du Mexique depuis l'explosion et le naufrage de la plateforme Deepwater Horizon, exploitée par BP, fin avril. Bien qu'une partie du pétrole que ni les bateaux ni les "entonnoirs" n'ont réussi à récupérer, se soit tout simplement évaporée, l'eau à proximité du puits endommagé est souillée sur toute sa hauteur et des milliers de flaques d'hydrocarbure se sont formées à la surface.
"Au final, une bonne partie de ce pétrole va se déposer au fond de la mer. Dès qu'un orage ou une tempête éclatera il sera poussé sur les plages", explique Paul Montagna du Harte Research Institute for Gulf of Mexico Studies. "Cela va continuer pendant encore dix ans, peut-être vingt. C'est ce qui s'est passé lors de la marée noire d'Ixtoc au large du Mexique en 1979", ajoute-t-il.
Le spectre de l'Exxon Valdez
C'est sans compter les dommages qu'aura à supporter un écosystème déjà rudement mis à l'épreuve par les pesticides utilisés dans l'agriculture qui se déversent chaque jour dans le Mississippi, puis dans le golfe du Mexique. Autre sujet de préoccupation: les produits répandus dans la mer pour disperser le pétrole. "Nous sommes très inquiets quant à l'impact que cette marée noire va avoir sur la pêcherie et les pêcheurs", observe Charlie Henry, scientifique à l'Agence américaine océanique et atmosphérique (NOAA).
"Il est très difficile de prédire les conséquences" de la catastrophe, a-t-il expliqué à une commission mise en place par le président Barack Obama chargée d'enquêter sur les causes de la marée noire. A titre de comparaison, 20 ans après la marée noire provoquée par le naufrage de l'Exxon Valdez, les pêcheurs de harengs d'Alaska n'ont toujours pas remonté la pente. La catastrophe avait frappé au pire moment, celui de la ponte. D'où la crainte de Chris D'Elia de l'université de Louisiane de voir les capacités de reproduction des poissons affaiblies et les jeunes pousses menacées.
La fuite des touristes?
Autre secteur qui craint pour son avenir: le tourisme, un des piliers économiques du pourtour du golfe du Mexique, déjà très affecté par le passage de l'ouragan Katrina en 2005. "Ce qui nous inquiète le plus, ce sont les pertes que notre région a connues, alors que nous n'avons pas vu une seule goutte de pétrole sur notre plage", dit Keith Overton, patron de l'association des restaurateurs et hôteliers de Floride.
Les professionnels du secteur pétrolier et les responsables locaux ont prévenu que le moratoire imposé par Washington sur le forage en mer pourrait également faire perdre des dizaines de milliers d'emplois à la région. Mais beaucoup jugent qu'une fois que la fuite aura été totalement bouchée le sort du golfe du Mexique n'intéressera plus grand monde, fragilisant d'autant les partisans de l'arrêt total du forage dans la région. "La seule façon pour que le golfe du Mexique se remette est d'interdire le forage en mer, de hâter la fin de l'ère du pétrole et d'investir dans les énergies propres", estime Gary Cook de Greenpeace.
"Il est important de se rappeler que ce problème est loin de ne concerner que BP", note de son côté Mickael Brune, directeur de l'association de protection de l'environnement Sierra Club. "Depuis des années, l'ensemble de l'industrie pétrolière ignore les règles de sécurité et fait pression pour empêcher le développement des énergies propres. Nous ne cessons d'en payer le prix."
agences/ps
Optimisme mesuré
Barack Obama a jugé vendredi que l'arrêt de l'écoulement du pétrole dans le golfe du Mexique constituait une "bonne nouvelle". "Le nouvel entonnoir est une bonne nouvelle", s'est réjoui le président américain lors d'une intervention depuis la Maison Blanche, alors que des tests de ce nouveau dispositif installé par BP ont permis jeudi de stopper la fuite de brut, près de trois mois après le début de la marée noire.
Barack Obama a toutefois souligné qu'il ne fallait pas crier victoire trop vite tant q'une solution pérenne ne serait pas mise en place. "Il est important que nous gardions la tête froide", a-t-il déclaré.
De son côté, BP s'est dit vendredi "encouragé" par les résultats obtenus jusqu'ici du test crucial mené sur le puits de pétrole, qui doit révéler si l'écoulement peut continuer à être stoppée, a indiqué un responsable du groupe britannique.