Mais vu que Ibrahim Al-Qosi a passé avec le gouvernement américain un accord de plaider coupable dont la teneur est restée secrète, il est impossible de savoir quelle sera la durée réelle de son séjour en prison.
Le jury composé de dix officiers a mis un peu plus d'une heure à déterminer son verdict. Le président des commissions militaires, au Pentagone, doit désormais approuver la peine infligée à Ibrahim Al-Qosi, qui ne pourra pas quoi qu'il en soit excéder 14 ans. L'accord de plaider coupable rend possible une peine moins importante ou un rapatriement au Soudan.
Arrêté en 2001
Ibrahim Al-Qosi, 50 ans, arrêté au Pakistan en décembre 2001, a avoué avoir quitté le Soudan en 1996 pour rejoindre Oussama ben Laden en Afghanistan où il a travaillé pour le chef d'Al-Qaïda comme cuisinier, appui logistique et parfois comme chauffeur. Il avait plaidé coupable début juillet de soutien matériel au terrorisme.
Parallèlement, dans la deuxième salle d'audience de Guantanamo, accusation et défense ont achevé mercredi de sélectionner les sept officiers militaires qui vont composer le jury du Canadien Omar Khadr poursuivi devant un tribunal militaire d'exception pour "crimes de guerre". Les premiers débats sur les faits s'ouvriront jeudi matin.
Arrêté à 15 ans, Omar Khadr est le fils d'un responsable financier d'Al-Qaïda mort en 2003. Il est accusé d'avoir lancé la grenade qui a tué un militaire américain en Afghanistan, en juillet 2002. Après avoir passé huit ans à Guantanamo, il encourt la prison à vie. Ses avocats dénoncent "le premier procès d'un enfant soldat de l'histoire moderne".
Plus de 8 ans à Guantanamo
Dans le cas de Ibrahim Al-Qosi, un de ses avocats civils, Paul Reichler, a rappelé mercredi que les conditions d'emprisonnement à Guantanamo étaient plus difficiles que dans n'importe quelle prison américaine parce que les détenus ne peuvent pas recevoir la visite de leur famille. "Il a déjà passé huit ans et demi sans entendre ni voir sa femme, sa mère, son père", a assuré l'avocat.
Quelle que soit la peine qu'il devra finalement effectuer, la situation de M. Al-Qosi a soulevé cette semaine à Guantanamo un problème inédit. L'accord passé avec le gouvernement prévoit en effet qu'il purge sa peine dans le camp 4 de Guantanamo - ou un quartier similaire si Guantanamo venait à fermer -, où les détenus disposent de plusieurs heures quotidiennes de vie communautaire.
Mais la règle dans les prisons militaires est de séparer les détenus condamnés de ceux qui n'ont pas encore été jugés, et de les placer à l'isolement, a assuré mardi à la presse le commandant de la prison, l'amiral Jeffrey Haberson. La juge militaire en charge du dossier s'est dite "perturbée" mercredi par le manque de coordination entre le Pentagone et le terrain sur cette question et a donné 60 jours aux autorités militaires pour résoudre ce problème.
afp/cab
Le fonctionnement des tribunaux
Créées par George W. Bush en 2006 et transformées de manière très contestée par Barack Obama en 2009, les "commissions militaires", tribunaux d'exception consacrés aux crimes de guerre contre les Etats-Unis, ont des règles propres et inédites.
- LA DEFENSE: Les commissions militaires ne peuvent juger que des étrangers en guerre contre les Etats-Unis pour tout crime de guerre, même ceux commis avant le 11-Septembre. Les accusés sont tenus d'être défendus par au moins un avocat militaire et un ou plusieurs avocats civils de leur choix ou un militaire désigné par le Pentagone quand ils risquent la peine de mort. Ils peuvent également demander à se défendre eux-mêmes.
- LE JURY: Les commissions militaires sont composées d'un juge militaire expérimenté et d'un jury militaire d'au moins cinq personnes - douze quand l'accusé risque la peine de mort. Ce sont toujours des officiers, généralement considérés comme plus éduqués qu'un jury populaire et plus à même, selon les apôtres des commissions militaires, d'adapter leur jugement au cas qui leur est présenté car conscients des réalités de la guerre.
- LES PREUVES: Sous l'administration Bush, les commissions acceptaient les déclarations faites par l'accusé recueillies sous la contrainte. La nouvelle version les interdit totalement. Le recours à des "preuves indirectes", accusations formulées par des témoins qui ne viennent pas les confirmer à la barre a en outre été limité.
- LA SENTENCE: Le jury acquiert une intime conviction à partir pour l'essentiel de documents et de témoignages classés secret défense: il décide ensuite à la majorité des deux tiers si l'accusé est coupable, puis fixe lui-même la condamnation. L'unanimité est nécessaire aux deux stades pour infliger la peine de mort. Les deux parties peuvent contester le verdict devant la cour d'appel fédérale de Washington.