Le ministre français de l'Immigration Eric Besson avait annoncé que 139 Roms seraient expulsés vers Timisoara vendredi, après le renvoi jeudi de 86 personnes vers la Roumanie, le premier depuis l'annonce fin juillet par Nicolas Sarkozy de mesures sécuritaires ciblant les immigrés.
"La France est le pays d'Europe le plus respectueux en matière de droits des étrangers et notamment des étrangers en situation irrégulière, ou - soyons plus modestes - l'un des pays les plus respectueux, donc nous n'avons pas de leçons à recevoir", a assuré le ministre.
850 personnes reconduites en tout
D'ici la fin du mois d'août, le nombre des personnes reconduites devrait atteindre "à peu près 850", a-t-il précisé. Ces expulsions ne sont, selon le gouvernement, qu'une accélération d'un processus à l'oeuvre depuis des mois, puisque plus de 25 vols de ce genre ont eu lieu depuis le début de l'année.
Les Roms seraient 15’000 en France, où ils vivent souvent dans des squats. La ministre de la famille, Nadine Morano, les a accusés d'exploiter leurs enfants à des fins de mendicité et de trafics. Un député socialiste, Arnaud Montebourg, lui a reproché d'instaurer "une sorte de racisme officiel".
En Roumanie, la politique française passe mal. "J'ai le sentiment que l'on stigmatise un groupe dans son ensemble. C'est contraire à la tradition française de respect des droits de l'Homme. Cela donne une mauvaise image de la France", a déclaré au journal Le Parisien Valentin Mocanu, secrétaire d'Etat à la Solidarité, chargé du dossier des Roms. La presse roumaine a aussi dénoncé une "hypocrisie" française.
Plus de mobilisation de l'UE
Paris et Bucarest se rejoignent cependant pour demander davantage de mobilisation de l'Union européenne. Le ministre français de l'Intérieur Brice Hortefeux "attend que la Commission européenne démontre toute sa valeur ajoutée dans l'accès des Roms à l'éducation, à l'emploi et au logement par exemple", alors que le président roumain Traian Basescu a réclamé un "programme européen d'intégration".
Mais Bucarest se voit reprocher à Bruxelles de ne pas présenter de projets concrets pour utiliser les aides massives disponibles depuis l'adhésion de la Roumanie à l'UE.
Sentiments xénophobes confortés
La France n'est pas le seul pays européen à faire face à la question rom et à pratiquer des expulsions, mais Nicolas Sarkozy a choisi de médiatiser fortement ces actions et a fait un lien officiel entre immigration et insécurité.
Pour Theodore Shaw, professeur à l'université Columbia de New York et expert sur les droits civiques, "la violence contre les Roms est déjà très banale, particulièrement en Europe centrale". "Si le gouvernement (français) cible les Roms, alors ceux qui sont déjà engagés dans la xénophobie se trouveront confortés", a-t-il ajouté.
"Les évacuations de camps roms en France et leurs expulsions de France et d'Allemagne risquent d'attiser les sentiments racistes et xénophobes en Europe", a averti vendredi le président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le Turc Mevlüt Çavusoglu.
Un responsable du Vatican a également critiqué la politique française. "Les expulsions en masse de Roms vont à l'encontre des normes européennes", a déclaré le secrétaire du Conseil pontifical pour les migrants et les gens du voyage, Agostino Marchetto.
afp/cht
Des réactions différentes selon les pays
Face à la question des Roms d'Europe centrale ou des gitans, les réponses des pays européens sont diverses, allant de la fermeté à des politiques favorisant l'intégration.
- Suisse: quelque 50'000 Roms vivent en Suisse, selon la fondation Roma, qui défend leurs droits. "C'est après la 2e Guerre mondiale que la vague principale de l'émigration des Roms est arrivée en Suisse", a indiqué une responsable de la fondation, Cristina Kluck. "Ici, la plupart des Roms ont la nationalité suisse, les autres étant des réfugiés du Kosovo", précise-t-elle.
- Espagne: le gouvernement a adopté en avril un "plan d'action pour le développement de la population gitane 2010-2012", doté d'un budget de 107 millions d'euros sur trois ans, avec des actions en matière d'éducation, de santé, de logement et pour les femmes. Le pays compte 700'000 gitans (1,6% de la population), selon le gouvernement.
- Italie: 342'200 Roumains y vivent, selon les chiffres officiels, 556.000, selon l'organisation Caritas, en forte hausse depuis 2007. Il n'existe pas de politique systématique d'expulsions contre les Roms, mais des aides au retour sont prévues (billet d'avion, indemnité de voyage de 400 euros et pécule pour la réintégration dans le pays d'origine de 3000 euros au maximum). -
- Grèce: environ 300'000 Roms y vivent, la plupart dans des conditions misérables, souvent victimes d'expulsions arbitraires et de violence policière. Malgré des aides sociales provenant des programmes européens, leur intégration reste lettre morte. En 2008, la rapporteuse de l'ONU pour les droits des minorités, Gay McDougall, avait appelé Athènes à prendre des mesures urgentes pour améliorer leur situation "désespérée".
- Allemagne: les Roms allemands sont reconnus comme l'une des quatre minorités allemandes. La plupart des autres Roms sont des réfugiés du Kosovo ayant fui la guerre. L'Allemagne les encourage, comme tous les Kosovars réfugiés, à rentrer chez eux avec des aides au retour. Berlin a annoncé son intention de renvoyer "par étapes" au Kosovo quelque 10'000 Roms ne disposant pas d'autorisation de séjour formelle.
- Suède: les Roms, estimés à 50'000 dont la moitié sont arrivés au XVIe siècle, sont l'une des cinq minorités reconnues. Depuis le début de l'année, plus de 50 Roms ont été expulsés. Selon un rapport, 80% des Roms adultes sont sans emploi et une majorité d'enfants ne termine pas l'école primaire.