"Nous voulons savoir (...) s'il est d'accord pour déplacer le site de la mosquée à un autre endroit que Ground Zero", a déclaré devant la presse un ami évangéliste du pasteur Terry Jones, K.A Paul. Il avait donné deux heures à l'imam Feisal Abdul Rauf pour prendre contact avec lui.
Ultimatum expiré
L'ultimatum a expiré à 15h20 (21h20 suisses) sans que le pasteur n'ait été contacté par le dignitaire musulman. "Mais nous avons toujours grand espoir de le rencontrer et nous sommes toujours convaincus (...) que cette rencontre aura lieu demain", a relevé Terry Jones.
K.A. Paul s'est de son côté voulu rassurant. "Je veux être clair et confirmer à 100% qu'il n'y aura pas de corans brûlés demain (samedi, ndlr) à 18h00 comme c'était prévu", a-t-il affirmé. Plus tôt dans la journée, Terry Jones avait affirmé que "pour l'instant, nous prévoyons de ne pas brûler de corans". Selon son fils, le pasteur Jones devait s'envoler vendredi pour New York pour y rencontrer l'imam Feisal.
Chef d'une obscure congrégation évangéliste de Floride, Terry Jones avait initialement affirmé vouloir brûler 200 exemplaires du Coran samedi vers 18h00 (minuit suisses) pour glorifier le souvenir des victimes des attentats du 11-Septembre.
Accord démenti
Il avait annoncé jeudi qu'il abandonnait son projet en échange de la promesse que le projet controversé de construction d'une mosquée à deux pâtés de maison de Ground Zero serait déplacé. Feisal Abdul Rauf avait très vite démenti tout accord. Il n'a pas non plus indiqué s'il était prêt à rencontrer le pasteur Jones.
Le projet de mosquée à deux rues du site visé par l'attentat du 11-Septembre a été approuvé par la mairie de New York mais est dénoncé par des familles de victimes qui le considèrent comme une insulte à leur mémoire. Cette polémique intervient dans un contexte délicat: l'anniversaire des attentats du 11-Septembre coïncide cette année avec la fête de l'Aïd el-Fitr, qui marque la fin du ramadan, le mois de jeûne musulman.
Après avoir parlé d'un "geste destructeur" jeudi, le président américain Barack Obama a appelé ses concitoyens à la tolérance religieuse et à "ne pas nous tourner les uns contre les autres".
Colère du monde musulman
Des milliers de personnes ont manifesté vendredi dans le monde musulman contre le projet d'autodafé. D'importantes manifestations ont notamment eu lieu en Afghanistan. A Fayzabad (nord), un de ces rassemblements a ainsi réuni environ 10'000 personnes. Des manifestants ont jeté des pierres devant une petite base de l'Alliance atlantique tenue par des soldats allemands.
Selon un responsable de la police, quelques policiers et manifestants ont été légèrement blessés. Le porte-parole du gouverneur de la province a, lui, fait état d'un mort par balles. Des rassemblements ont également eu lieu au Pakistan. A Multan (centre), environ 600 personnes, dont des religieux, ont également manifesté et brûlé des drapeaux américains.
De nombreux dirigeants du monde islamique ont également profité de cette fête pour exprimer leur colère et leur indignation contre le projet du pasteur Jones. Le président afghan Hamid Karzaï a ainsi estimé que le pasteur intégriste américain et ses ouailles "ne devraient même pas y penser". L'imam de La Mecque, Saleh Ben Humaid, a qualifié ce projet "d'incitation au terrorisme".
Et le plus haut dignitaire chiite irakien, l'ayatollah Ali Sistani, a mis en garde contre les "conséquences terribles" qu'aurait sa mise en oeuvre. Dans la bande de Gaza, le premier ministre du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a pour sa part qualifié le pasteur américain d'"imposteur" et de "fou furieux", alors que le chef du gouvernement israélien Benjamin Netanyahu a souligné que brûler les textes religieux minait "la tolérance religieuse et la paix".
agences/bkel
"Mon père a besoin d'aide"
La fille du pasteur Terry Jones a déclaré vendredi à des médias allemands qu'il était devenu fou et avait besoin d'aide. Elle a adressé à son père un courriel l'exhortant à renoncer à son projet mais il n'a pas répondu.
"Mon père (Terry Jones) n'est pas du genre à abandonner. En tant que fille, je sais que le fond est bon, mais je crois qu'il a besoin d'aide", a déclaré Emma Jones, qui vit en Allemagne, à l'édition en ligne de l'hebdomadaire Spiegel. "Je crois qu'il est devenu fou", a-t-elle ajouté.
Elle a expliqué que la communauté chrétienne que son père a mis des années à bâtir à Cologne était au début basée sur la Bible, mais que cela a ensuite changé. Après avoir quitté la communauté à l'âge de 17 ans, Emma Jones, qui en a aujourd'hui 30, a dit y être retournée en 2005 et y avoir découvert une dérive sectaire.
"J'ai vu que mon père prêchait et faisait des choses que je ne trouvais pas du tout bibliques. Il réclamait une allégeance totale à lui-même et à sa deuxième épouse". La mère d'Emma Jones, première épouse du pasteur, est décédée en 1996. "Ce que j'ai vu était un véritable délire religieux, typique d'une secte", a dit la fille du pasteur.