Modifié

Le Monde accuse Paris de violer les lois de la presse

Le ciel s'assombrit de jour en jour sur le ministre du Travail Eric Woerth.
Le ciel s'assombrit de jour en jour sur le ministre du Travail Eric Woerth.
Le Monde a annoncé lundi qu'il allait porter plainte contre X pour violation du secret des sources. Le journal estime que l'Elysée a eu recours en juillet à des procédés illégaux pour identifier l'auteur des fuites vers la presse dans l'affaire Woerth-Bettencourt.

Le quotidien affirme que les services du contre-espionnage ont été utilisés pour rechercher l'informateur d'un de ses reporters qui enquête sur des soupçons de trafic d'influence à l'encontre du ministre du Travail Eric Woerth en raison de ses liens avec l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt.

Plainte contre X

"En conséquence, Le Monde a décidé de déposer une plainte contre X pour violation du secret des sources", peut-on lire dans son édition datée de mardi. Après plusieurs autres organes de presse, le journal accuse la présidence de la République d'avoir voulu mettre un terme aux révélations dans la presse, enfreignant ainsi la loi de 2010 sur la protection des sources des journalistes.

La présidence de la République a répondu qu'elle n'avait "jamais donné la moindre instruction" en ce sens. Une source policière a cependant confirmé à Reuters lundi soir que la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) avait bien mené une enquête, mais assuré qu'elle était légale.

Le Monde accuse l'Elysée de violation du secret des sources. [REUTERS - � Philippe Wojazer / Reuters]
Le Monde accuse l'Elysée de violation du secret des sources. [REUTERS - � Philippe Wojazer / Reuters]

Il n'y a eu ni écoutes téléphoniques ni investigations sur des journalistes, a-telle précisé. "Il s'agissait de vérifier la loyauté de hauts fonctionnaires", a dit cette source. Un suspect a été identifié.

Le "cabinet noir"

Dans un communiqué, la Direction générale de la police nationale (DGPN) a indiqué que la DCRI avait agi à sa demande, et non à sur ordre de l'Elysée. Elle "tient à préciser que dans le cadre de sa mission de protection de la sécurité des institutions, elle a légitimement recherché l'origine de fuites qui lui ont été signalées", écrit-elle.

Le Monde affirme que des sources à la DGPN et à la DCRI lui ont dit qu'ordre avait été donné à la DGPN de mettre fin aux fuites. "S'affranchir ainsi des règles de la simple justice est la solution qu'a imaginée l'Elysée pour circonscrire l'incendie", lit-on dans un éditorial qui parle de "cabinet noir".

De son côté, le Parti socialiste parle "d'un nouveau scandale digne du Watergate, que l'on pourrait surnommer le "Woerthgate", allusion à l'affaire qui fit chuter le président américain Richard Nixon en 1974. "L'Elysée doit aujourd'hui répondre de ces atteintes intolérables", a affirmé la députée socialiste Aurélie Filipetti.

Les têtes commencent à tomber

Ces révélations portaient sur l'audition de Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, qui a assuré qu'il avait été incité par Eric Woerth à procéder au recrutement de l'épouse de ce dernier, Florence, au sein de sa société Clymène. Selon le site nouvelobs.com, l'enquête clandestine menée par la DCRI a amené le limogeage du conseiller pénal de la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie, David Sénat, identifié comme la source des médias.

Des écoutes téléphoniques auraient été menées ou les enquêteurs auraient examiné les factures détaillées de téléphone de certaines personnes pour identifier les sources des journalistes, affirment les médias.

Interrogé sur Europe 1 dimanche, Eric Woerth a dit n'être au courant de rien. Le cabinet de la ministre de la Justice a confirmé que le magistrat David Sénat, qui était en poste aux cabinets de Michèle Alliot-Marie depuis 2003, à la Défense, à l'Intérieur, puis à la Justice, l'avait quitté au 1er septembre mais a démenti tout lien avec l'affaire Woerth.

David Sénat sera désormais chargé d'une mission de préparation de l'installation d'une cour d'appel à Cayenne en Guyane, explique-t-on.

afp/ats/bkel

Publié Modifié

Un scandale complexe

Le scandale Woerth-Bettencourt, dans lequel est empêtré le ministre du Travail Eric Woerth, est une affaire très complexe qui comporte de multiples volets, notamment des suspicions de conflit d'intérêt, de financement politique illégal, et de trafic d'influence.

Trois enquêtes ont été ouvertes par le parquet de Nanterre, près de Paris.

Cette affaire embarrasse l'exécutif, en plein examen au Parlement de la réforme du système français de retraites, un texte défendu par Eric Woerth et dont Nicolas Sarkozy a fait la priorité de la fin de son mandat présidentiel.