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Roms: l'UE va lancer une procédure contre la France

A Bruxelles, on estime que l'attitude de la France est une honte.
A Bruxelles, on estime que l'attitude de la France est une honte.
La Commission européenne a tapé du poing sur la table contre la France mardi au sujet des renvois controversés des Roms bulgares et roumains, menaçant Paris de poursuite en justice pour non respect de la législation de l'UE. L'Union a qualifié l'attitude de Paris de "honteuse".

"Ca suffit!", a déclaré à l'adresse de la France lors d'une conférence de presse la commissaire à la Justice et aux Droits des citoyens. Viviane Reding a précisé que l'attitude du gouvernement français, qui lui a dissimulé l'existence d'une directive ciblant les Roms pour les expulsions, était "une honte".

Dans le détail, la commissaire Viviane Reding a annoncé son intention de demander l'ouverture d'une procédure d'infraction à la législation de l'Union européenne (UE) contre Paris pour transposition insuffisante d'une directive européenne sur la libre circulation de citoyens européens et "application discriminatoire" de ce texte.

Un concept de minorités embarrassant

Le document administratif, datant du 5 août mais dont l'existence vient seulement d'être révélée, rappelle en préambule aux préfets français les "objectifs précis" fixés par le président Nicolas Sarkozy: "300 campements ou implantations illicites devront avoir été évacués d'ici trois mois, en priorité ceux des Roms". Ce texte constitue une nouvelle source d'embarras pour Paris car il officialise le concept de minorités qui n'existe pas dans la loi française.

La semaine passée, le Parlement européen s'était déjà déclaré "vivement préoccupé par les mesures prises par les autorités françaises et les autres Etats membres" et rappelé que "les expulsions collectives violent le droit européen car elles constituent une discrimination fondée sur la race".

Paris rejette la polémique

En réaction, la France a exprimé son "étonnement", par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères Bernard Valero. Celui-ci s'est toutefois refusé d'entrer dans cette "polémique". "Nous ne pensons pas que c'est avec ce type de déclaration que nous pourrons améliorer le sort et la situation des Roms qui sont au coeur de nos préoccupations et de notre action", a ajouté le porte-parole.

Bernard Valero a ajouté que l'heure est au travail en faveur de la population rom. "C'est dans cet esprit et avec cet objectif que nous travaillons très étroitement avec les autorités de Bucarest, un travail que nous entendons aussi mener avec nos partenaires roumains, avec la Commission européenne", a-t-il conclu.

Par ailleurs, 69 Roms, dont 12 enfants, sont arrivés à l'aéroport de Marseille-Provence, dans le sud de la France, où ils doivent embarquer à bord d'un avion spécialement affrété à destination de Bucarest.  Ce vol est basé sur "le volontariat dans le cadre d'une procédure normale" d'aide au retour, a déclaré un responsable locale de l'immigration.

afp/boi

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Une très longue procédure

La procédure d'infraction dont la Commission européenne a menacé la France est le principal moyen mis à la disposition de l'exécutif européen pour sanctionner les Etats qui ne respectent pas le droit européen.

La procédure, qui peut durer des années, suit des étapes très précises et peut aboutir à faire comparaître un Etat devant la Cour européenne de justice de Luxembourg. Celle-ci a la possibilité de le condamner.

La mise en demeure représente la première étape de la procédure. La Commission européenne demande à l'Etat mis en cause de lui faire part, dans un délai déterminé, de ses observations sur un problème d'application du droit de l'Union.

A ce stade, l'objectif est la mise en conformité volontaire de l'Etat mis en cause. Durant cette phase, l'Etat a le droit de présenter ses observations et ses arguments.

Si ces observations ne sont pas jugées suffisantes par la Commission, la deuxième étape est l'envoi d'un avis motivé, qui constate l'existence d'une infraction, aux yeux de la Commission, et demande à l'Etat d'y mettre fin dans un délai imparti. L'avis motivé contient un exposé détaillé des raisons ayant amené la Commission à la conviction que l'Etat a manqué à l'une des obligations qui lui incombent en vertu du traité.

Faute de réponse à l'avis motivé ou si elle n'est pas jugée satisfaisante, la Commission peut alors saisir la Cour de justice. Elle n'en a pas l'obligation mais dans la pratique elle considère qu'un Etat qui ne suit pas un avis motivé et ne met pas sa législation en conformité avec le droit européen doit comparaître devant la Cour.