"Energie nucléaire: ça suffit!", "Energie nucléaire, non merci!". Partie de la gare centrale, à deux pas des bureaux de la chancelière, s'étirait une mer de drapeaux, banderoles et ballons jaunes et verts frappés de logos anti-atome, de soleils et de tournesols.
Jeunes et vieux, en famille ou entre amis, avec des poussettes et des bambins juchés sur les épaules, une foule hétérogène répondait à l'appel d'associations de défense de l'environnement et de l'opposition, Verts, sociaux-démocrates du SPD et gauche radicale Die Linke.
Repousser l'échéance 2022
Objectif: infléchir la décision du gouvernement conservateur-libéral, qui a fait tomber début septembre la date butoir de 2022 qu'avait fixée pour la fin du nucléaire civil le gouvernement SPD-Verts de Gerhard Schröder (1998-2005).
Berlin voit là le seul moyen de tenir les objectifs climatiques, en attendant que les énergies renouvelables puissent prendre la relève. "C'est une honte. On se sent floués", dit Hartwig Böttcher, 66 ans, enseignant en retraite.
"Le gouvernement s'est mis à genoux devant les géants du nucléaire" EON, RWE, EnBW et Vattenfall, dénonce Claudia Schultz, 33 ans, venue de Rostock (nord) avec ses enfants en bas âge. "Et pendant ce temps-là, le tas des déchets nucléaires augmente et on ne sait toujours pas quoi en faire", renchérit Laura, une étudiante de 19 ans qui refuse donner son nom.
Un sursis de 14 ans pour les réacteurs
Le gouvernement a prévu de prolonger l’exploitation des 17 réacteurs nucléaires de 8 à 14 ans, selon leur ancienneté. Le dernier pourrait s'arrêter vers 2040. Le programme doit encore être avalisé par les députés du Bundestag, et le gouvernement espère réussir à éviter un vote au Bundesrat (chambre représentant les régions), où il n'a plus de majorité.
Samedi, des manifestants ont encerclé symboliquement le Reichstag et la chancellerie. L'accord passé avec les groupes énergétiques est "scandaleux", s'insurge Jochen Stay, porte-parole de l'association Ausgestrahlt ("Irradié"). Pour Attac, "il s'agit de permettre à RWE, EON, EnBW et Vattenfall d'augmenter leurs énormes profits" tirés de l'atome.
Ces quatre groupes d'énergie, qui se partagent le gâteau du nucléaire en Allemagne, devront en échange payer une taxe sur le combustible de 2,3 milliards d'euros par an dès 2011. Reste que, selon les sondages, 59% des Allemands dénoncent le plan Merkel, dans un pays féru d'écologie et où la contestation anti-nucléaire remonte aux années 1970, une époque où défilèrent des centaines de milliers d'opposants.
Depuis un an, le mouvement anti-atome a repris du poil de la bête, à la faveur des projets du camp Merkel. En avril notamment, plus de 100’000 personnes avaient formé une chaîne humaine de 120 km entre deux centrales dans le nord du pays. Une mobilisation sans précédent depuis des années.
Une mobilisation de longue haleine?
Pour Christoph Bautz, du réseau de mobilisation Campact, "deux semaines après l'accord, on sent partout dans le pays la colère des gens". Sociologue, Klaus Hurrelmann voit dans le nouvel élan anti-nucléaire "l'allumette susceptible de déclencher un nouveau mouvement politique", dans le journal Osnabrücker Zeitung de samedi, où il souligne l'engagement particulier des jeunes femmes.
La manifestation de samedi n'est que "le début de ce qui va avoir lieu cet automne", veut croire Jochen Stay. Un convoi de déchets radioactifs retraités à l'usine française de La Hague (ouest) est attendu en novembre en Allemagne, et comme à chaque fois, les protestations promettent d'être virulentes.
afp/os
Rassemblement anti-nucléaire transfrontalier
Un millier d'anti-nucléaires ont exigé samedi à Perl (Allemagne) l'arrêt de la centrale de Cattenom (France) qui, selon eux, constitue "une bombe à retardement en Europe" en raison des "incidents préoccupants qui s'y produisent", a constaté un journaliste de l'AFP.
Une trentaine de partis, d'organisations, d'associations et de réseaux allemands, luxembourgeois et français étaient représentés à cette manifestation contre l'énergie nucléaire tenue aux frontières de "Länder" de Sarre et de Rhénanie-Palatinat (Allemagne), de la Lorraine (France) et du Grand-Duché du Luxembourg.
"Au total, 710 incidents et événements significatifs ont été recensés à Cattenom par l'Autorité (française) de sûreté nucléaire entre 1986, année de la mise en service de la première tranche, et 2006", l'une des responsables du comité "Non à Cattenom", la Française Charlotte Mijeon.
"Si, dans cette région transfrontalière, un accident devait survenir dans cette centrale vieillissante, un million de personnes seraient concernées", a-t-elle ajouté. Une argumentation reprise par la ministre (Verts) de l'environnement de Sarre, Simone Peter: "Le chemin passe aujourd'hui par les énergies renouvelables.
L'énergie nucléaire est un cul-de-sac sans avenir", a-t-elle lancé de la tribune à une foule bon enfant. Pour sa collègue de Rhénanie-Palatinat, Margit Conrad (SPD, sociaux-démocrates), "s'il fallait couvrir avec l'énergie nucléaire 10% des besoins énergétiques de la planète, contre 3% actuellement, il faudrait construire des milliers de nouvelles centrales". "C'est la démonstration de l'absurdité de cette politique énergétique" a-t-elle ajouté.
Mis en service entre 1986 et 1991, le centre nucléaire de production électrique de Cattenom dispose de quatre réacteurs à eau pressurisée d'une puissance de 1300 megawatts chacun. En puissance installée, il s'agit de la 7e centrale au monde et de la 2e en France, derrière celle de Gravelines (Nord), par sa production (34’000 milliards de watts en 2099, soit 8% de la production d'Electricité de France).