Modifié

Révélation choc à la télévision italienne

Dérive à la télévision italienne. Une femme visionne l'émission de Rai Tre incriminée.
Beaucoup d'internautes ont réagi à la diffusion des images de cette maman submergée par la douleur à l'annonce en direct de la mort de sa fille.
Les Italiens s'interrogeaient vendredi sur le poids démesuré de la télévision dans leur société, après l'annonce à une femme, en direct lors d'une émission, que sa fille, disparue depuis plus d'un mois, avait été tuée puis violée par son oncle.

C'est moins l'horreur du crime qui a choqué que la révélation du sort de Sarah Scazzi, 15 ans, au beau milieu d'une émission de téléréalité de la chaîne publique Rai Tre, "Chi l'ha visto", dont l'équivalent en France est "Perdu de vue", devant 3 millions de téléspectateurs.

Concetta, la mère de la jeune victime, s'est retrouvée "prisonnière d'un marathon de 'télédouleur' qui nous brûle la chair (...) apprenant en quelques minutes la mort de la fille et la culpabilité du beau-frère", a dénoncé le quotidien de gauche Il Fatto Quotidiano.

Les internautes réagissent

Les images de cette maman le visage pétrifié par la stupeur diffusées sur Youtube ont suscité la colère des internautes, beaucoup exprimant leur "profonde honte" tandis que d'autres fustigeaient "l'apathie morale" d'une "société exhibitionniste".

"Ce qui s'est produit est l'ultime frontière d'une culture qui a donné aux médias le droit et le devoir de tout vérifier, d'entrer partout, de suivre nos existences jusqu'au moment où elles s'achèvent", a déploré Il Giornale. Ce quotidien est propriété de Silvio Berlusconi, le magnat qui dirige le gouvernement italien et possède trois chaînes privées peuplées de jeunes femmes dénudées, souvent accusé d'avoir abaissé, à partir des années 90, la qualité du service public.

Une barrière franchie

Fausto Colombo, spécialiste des médias à Milan, a estimé qu'en Italie, "pays méditerranéen, les commérages et la curiosité sur la vie privée d'autrui représentent une part importante de la culture". Pour l'éditorialiste du Corriere della Sera Aldo Grasso, "dans notre environnement médiatique, la dernière barrière qui séparait la téléréalité de la vraie réalité est tombée".

La mère est restée pratiquement sans voix pendant 11 minutes tandis que la présentatrice lisait à haute voix les dépêches d'agence sur les aveux retentissants de l'oncle Michele au terme de 12 heures d'interrogatoire.

La journaliste Federica Sciarelli s'est défendue dans des interviews en soulignant avoir proposé d'interrompre le programme et disant avoir été "soulagée" quand son avocat l'a entraînée hors caméras. Mais des commentateurs l'ont accusée d'avoir voulu faire un scoop avec la réaction à chaud de Concetta.

Audience record

L'audience de l'émission a bondi de 40% à 5 millions de téléspectateurs juste après les révélations qui ont mis fin à 42 jours de rebondissements suivis pas à pas par les envoyés spéciaux des télévisions dans une zone agricole et pauvre des Pouilles.

L'émission a représenté "un moment horriblement noir pour la conscience et la pitié, annulées par la volonté d'un scoop au nom d'un soi-disant droit à l'information", a dénoncé le quotidien des évêques italiens Avvenire, pour qui l'intimité familiale a été violée afin d'"alimenter une curiosité morbide".

D'autres ont fait remarquer que les membres de la famille de Sarah s'étaient prêtés au jeu, presque au quotidien. Pendant les recherches, le meurtrier a donné de nombreuses interviews et juste après la découverte du cadavre, sa fille Sabrina, 22 ans, cousine et meilleure amie de Sarah, a répondu aux sollicitations des journalistes en disant que son père devait "payer pour ce qu'il a fait".

"Nous ne pouvons pas nous étonner ou nous scandaliser quand la télévision de la douleur obtient des scoops ou que la réalité la dépasse", a estimé le quotidien La Stampa. "Ceux qui participent à ces programmes savent ce qu'ils font, ils ne peuvent pas ignorer les conséquences de leur participation", a encore estimé le journal, invitant les téléspectateurs gênés d'être transformés en voyeurs à simplement éteindre leur poste.

afp/hof

Publié Modifié